Désertion. Pas de kiosque ce matin vu que je n’ai pas le don d’ubiquité (on ne peut pas avoir toutes les qualités) et que je me trouve, précisément, à 500 km +ou- 2 km de la gare de Becon-les-Bruyères. Faute d’avoir vu la mer à Becon, je suis allé la retrouver en Charente-Maritime ; probablement, le plus beau département français du monde.
Jean-Michel, notre passeur, ne m’en voudra pas si je lui dis que mon petit café, quand je suis sur l’Ile de Ré, c’est avec Dominique que je le prends. Dominique ne tiens pas un « magasin de presse », mais « un magasin de vins », « Le Blanc de Rouge ». Dominique est caviste, mais avant ça, quand je l’ai connu il y a une quarantaine d’années, il était photographe. Il vendait de très belles cartes postales ; des photos qu’il prenait dans les marais ou sur les rivages magnifiques de l’île. Dominique est l’une des « figures » du marché du mail de La Couarde-sur-Mer. Il y a aussi Peggy la pâtissière, Benoit « l’italien », Fredo le poissonnier, et Freddy le marathonien barbu du RotiShow. Je ne veux pas oublier le jeune Paulo, le petit-fils de « Tieno », légendaire poissonnier de La Couarde des années 70 et 80 ; Paulo qui excelle dans la découpe de la barbue en portefeuille et sur l’arête. Ne pas oublier non plus Céline qui tranche avec une dexterité de chirurgienne le remarquable saumon fumé du fumoir de Fredo . Tous ces commerçants contribuent à donner une ambiance particulièrement sympathique à ce petit marché.
Quoi de neuf depuis notre départ il y a 10 jours ? Pas grand chose : le meurtre à Ars avait déjà eu lieu. Nous convenons que pour animer un peu l’Ile il faudrait sans doute davantage de faits divers remarquables comme des meurtres, des vols spectaculaires, des émeutes des racailles de la banlieue de St Martin. Les seules racailles que je connaisse ici vont s’enivrer à la Pergola, la boîte mythique de l’Ile de Ré et la seule boite désormais sur l’Ile. Ils défoncent les rétroviseurs des voitures garées sur leurs parcours avinés, renversent les poubelles et vont même (plus rarement) jusqu’à casser une vitrine d’un commerce (le fumoir de Fredo, par exemple). Cette racaille-là fréquente le reste de l’année les beaux quartiers de la région parisienne où d’ailleurs et sont propres sur eux. Peut-être sont-ils pensionnaires à « Stan » ?
Mais on n’est pas là pour effrayer le bourgeois !
L’invasion des petits escargots blancs : voilà un sujet grave et d’actualité ! Et pourtant « Le Monde ne s’en fait pas l’écho ; il préfère nous divertir avec Xi Jin Ping observant de son air de grand-père amusé des danses folkloriques béarnaises sur la terrasse humide du « Relais du Berger » de La Mongie !
Pour revenir aux petits escargots blancs, la femme de Dominique les éradique avec des produits chimiques. Lui, il avait appris à les faire fuir en mettant des coquilles d’œuf brisées aux pieds des plantes. Deux conceptions de la vie aux antipodes. Une cause possible de divorce ? Autre technique : celle de son grand-père qui les mangeait comme des bigorneaux ! Moi, je les enlève un par un des massifs d’agapanthes ou des pieds d’iris dont ils se délectent, et je les jette de l’autre côté du jardin, dans l’impasse.
Plus nobles : les petits-gris ou les cagouilles comme on les appelle en Charentes ; la grand-mère de Dominique les préparait à la charentaise, dans leur coquille, au vin blanc, avec du jambon et de la mie de pain. Un régal !
J’imagine le kiosque de Bécon : Jean-Michel fumant une clope sur le pas de sa porte coulissante entre deux clients, Pascal oscultant les passants derrière ses lunettes de soleil - Utah peinarde sur ses pattes de derrière -, Philippe et Martine tranquilles, Anne-Marie toujours un petit sourire aux lèvres, Laurence et Mélanie, tout ce petit monde s’entretenant sur des sujets divers que l’Histoire ne retiendra pas car ils seront consignés nulle part.
Une chose encore, mais que du banal : j’ai tondu la pelouse pendant que la Du Barry allait se faire trancher la tête Place de la Concorde, puis j’ai sauté d’un pas dans le putsch raté d’Hitler à Munich en novembre 2023 (10 ans plus tard, il sera chancelier d’un Reich qui devait durer 1000 ans et qui s’effondrera 12 ans encore plus tard, dévoilant toute l’horreur de son plan génocidaire). C’est ainsi que les hommes vivent…
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