samedi 29 septembre 2018

Un autre matin sur Terre(1)

Au marché ce matin chez le poissonnier qui vend de plus en plus de poissons d'élevage : Un homme, que j'avais croisé il y a deux ou trois ans, et qui se trouvait être à une table voisine de la mienne dans un restaurant pas plus tard que la semaine dernière, et qui m'avait reconnu me disant que nous devrions faire des affaires ensemble (évidemment !), a fait semblant de ne pas me voir. Il travaille dans l'immobilier et j'ai remarqué qu'ils sont nombreux dans ce secteur d'activité à être atteint par ce que j'ai fini par désigner comme le "syndrome de l'agent immobilier", lequel se caractérise par une très grande facilité à nouer des contacts superficiels et provisoires un jour et vous ignorer parfaitement le lendemain.

Toujours au marché ce matin chez le poissonnier (aux poissons d'élevage) :
Résultat de recherche d'images pour "poisson d'élevage"Un autre homme (décidément) accompagné de sa petite fille. Elle, 3 ans, lui, le père, une quarantaine d'années bien entamée. Elle - que son père appelle "ma chérie" par ci, "amour" par là - qui se met le doigt dans son petit pif et le père de lui dire : "tu sais, ma chérie, c'est les garçons qui se mettent le doigt dans le nez, pas les jolies petites filles comme toi !". Et vous pensiez que des cons comme ça, ça n'existait plus ?



Sur la route :
Une (jeune) femme, la bonne trentaine, déguisée en guide scout avec tout le tremblement : chemise bleu clair, foulard avec le nœud bagué avec la rondelle de cuir, l'insigne qui fait penser à une croix de fer, la jupe plissée bleu marine, les chaussettes itou, les godillots, la natte blonde parfaitement peignée, etc., qui entre dans sa Kangoo. Regards échangés entre nous. A-t-elle ressentie le peu d'admiration que l'on cultive à l'endroit des brigades néo-militaires ? 

Sur le trottoir, devant chez le fromager :
Une femme d'un certain âge en tenue bariolée qui m'accoste pour me révéler que son mari était ambassadeur d'Ecosse en France et qu'à la crise de 29 ils se sont réfugiés en France (?), puis elle me glisse dans le creux de l'oreille en me tirant par le col de ma veste : "j'attends mon amant !". C'est la "folle du quartier" me dit-on. Magnifique : il existe encore des quartiers et des vraies folles, et pas seulement des zombies avec des casques sur les oreilles qui les font ressembler à des grosses mouches tsé-tsé, les yeux rivés sur l'écran noir de leurs journées blanches (merci Nougaro).

vendredi 28 septembre 2018

Le Théâtre des Ecrivains à Glencoe - Studio Gang architectes / The Glencoe's Writers Theatre from Studio Gang

Glencoe est une petite ville chic et propre situé à une trentaine de kilomètres au nord de Chicago.

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Le Writers Theatre inauguré en 2016 est un petit bijou dont on remarque immédiatement la délicate boite suspendue en bois qui confère à ce bâtiment sa singularité et son élégance. Le Writers Theatre illustre parfaitement le travail de Jeanne Gang et de l'agence qu'elle a fondée en 1997 :

- Donner un sens à toute intervention architecturale au-delà de la seule plasticité ou de la raison fonctionnelle : faire que ce lieu participe du renforcement du lien social, prioritairement à l'échelle de la communauté qui l'accueille,
Résultat de recherche d'images pour "writers theatre glencoe"- Inscrire le projet dans une démarche d'innovation, respectueuse de son impact environnemental,
- Conduire le projet dans le cadre d'une démarche collaborative engageant les collaborateurs de l'agence, les partenaires techniques et tous les futurs utilisateurs,
- Aller au-delà du programme en s'inspirant à la fois du genius loci et du dialogue avec les futurs usagers du lieu
- Offrir enfin une identité plastique, une singularité formelle, résultante d'un travail de mise en résonance de toutes les composantes et inspirations du projet.

C'est ainsi que le Writers Theatre est devenu un lieu unique de rencontres et de lien social entre les membres de la communauté de Glencoe, que le choix du bois travaillé avec une ingéniosité remarquable a été fait, qu'il a été donné un espace supplémentaire comme une nouvelle agora ouverte sur la ville et que l'ensemble a été couronné par un péristyle unique conjuguant avec élégance, le "firmitas, utilistas et vénustas" vitruvien.

"La modernité a un cœur ancien" a écrit Renzo Piano.

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Glencoe is a chic, clean town located about 20 miles north Chicago.
Résultat de recherche d'images pour "writers theatre glencoe"The Writers Theatre, inauguré en 2016 is a small jewel whose people can notice it immediatly its delicate suspended boxe in wood that gives to the building its singularity and elegance.
The Writers Theatre is a perfect illustration of Jeanne's work and of the office she founded in 1997 :

- Give meaning to any architectural intervention beyond the only plasticity or functional reason : this place has to contribute to strengthening the social bond, primarly to the community that hosts it,
- Register the project in an approach of innovation, respectful of its environmental impact,
- Manage the project as part of a collaborative approach involves the office's employees, technical partners and all future users (when it is possible),
- Go beyond the program by drawning inspiration from the genius loci and dialogue with future users of the site,
- Offer, finally, a plastic identity, a formal singularity, by the implementation of a work putting in resonance of all the components an isnpirations of the project.

This is how the Writers Theater has become a unique place for social gatherings and relationships between members of the Glencoe community, that the choice of wood worked with remarkable ingenuity has been made, that it has been given to the space a new dimension, a sort of agora opened on the town, and that the whole has been ringed by a unique peristyle mixing elegance and the Vitruve's quote "firmitas, utilistas and venustas".

"Modernity has an old heart", wrote Renzo Piano.


To see more about the Writers Theatre : ici

De Palladio au pet vaginal


Voici un exemple de "sérendipité internet". Alors que je relis pour corrections un texte dans lequel un titre fait référence à une citation de Palladio (un peu "plate" comme disent nos amis canadiens), "se débarrasser des embarras", pour signifier que dans un appartement on a prévu des placards de rangements (!?), et que mon insatiable curiosité pour Palladio me conduit à rechercher d'où est extraite cette citation, Google me conduit directement vers le site "Comment supprimer l'embarras du pet vaginal ?". Je ne plaisante pas : faites le test. 
Bon, ce post n'est pas pour se moquer de ce petit désagrément féminin contre lequel Nina (c'est l'animatrice du site) propose quelques remèdes, mais cette collision entre l'austère Palladio et l'amusant pet vaginal est, comment dire, (d)étonnante ? 

mercredi 26 septembre 2018

Sénèque inspirant

Sur une carte postale que j'ai reçue d'un ami, il y avait cette phrase :
"Apprendre à voir le passé devant nous, apprendre à voir l'avenir derrière nous."
C'est une phrase inspirée du philosophe grec Sénèque qui, dans sa "Lettre à Luculius" écrit :

Résultat de recherche d'images pour "sénèque"
Né à Corduba en Espagne
entre l"an 4 av JC et l'an 1 ap. JC,
et mort à Rome le 12 avril 65 ap. JC
"Peux-tu me citer un homme qui accorde du prix au temps, qui reconnaisse la valeur d'une journée, qu'il comprenne qu'il meurt chaque jour ? car notre erreur, c'est de voir la mort devant nous. Pour l'essentiel, elle est déjà passée. La partie de notre vie qui est derrière nous appartient à la mort. Fais donc, mon cher Lucilius, ce que tu me dis dans ta lettre : saisis-toi de chaque heure. Ainsi tu seras moins dépendant du lendemain puisque tu te seras emparé du jour présent. On remet la vie à plus tard et pendant ce temps, elle s'en va."

Art aux USA : Washington Museums, morceaux choisis.

Difficile de ne pas être comblé à Washington par les collections abritées par ses musées.
La National Portait Gallleryrassemble une collection de portraits d'un très grand nombre de personnalités qui ont contribué à faire l'Amérique. En particulier y figurent tous les chefs d'état depuis Thomas Jefferson. Le portrait d'Obama dont on vous signale la localisation dès l'accueil du musée est vraiment réussi. celui de Madame aussi.
A la National Gallery, le nombre des chefs d'oeuvre est impressionnant. Les visiteurs japonais (ou chinois ?) ont un faible pour Van Gogh, ce qui permet d'être seul en tête-à-tête avec d'admirables Vermeer ou autres Picasso, Vinci, El Greco, Degas, Manet ou Bellini. En vrac quelques photos de ces pièces à attraper le syndrome de Stendhal.








mardi 25 septembre 2018

Architecture aux USA Série 5 : Washington DC

Washington DC est un rêve pour un amateur de musée ! Il faudrait certainement plusieurs semaines voire des mois pour en épuiser toutes les ressources. C'est bien simple : sur le kilomètre du National Mail (la grande avenue dessinée par l'architecte français Pierre Charles l'Enfant en 1791, de près de 200 m de large qui va du Capitole à l'obélisque de 150 m de haut) ce n'est qu'une succession de musées dont les plus notables sont :
- l'impressionante National Gallery (architecte : Ieoh Ming Pei),
- l'étonnant Musée National des indiens d'Amérique (architectecte : le canadien Douglas Cardinal), Fig 1
- le sévère Musée américain de l'holocauste,
et le plus récent,
- le formidable Musée de la culture afro-américaine (architecte : le britannique, Sir David Adjahe). Fig 2, 3 et 4
Le Musée de l'aviation et de l'espace (non visité) enchante semble-t-il les enfants ... et les plus grands. Mais le National Mail n'a pas l'exclusivité des musées : d'autres quartiers de la ville en recèlent également comme la très instructive National Portait Gallery (Architecte : Sir Norman Foster) Fig 5, ou l'académique National Buildin Museum ou musée de l'architecture (ingénieur civil : Montgomery Cunningham Meigs). Fig 6
Outre les institutions muséales, la ville fourmille de mémorials et de monuments dont les plus célèbres sont le Mémorial de Lincoln, le Capitole avec sa superbe bibliothèque, Fig 7, et la Maison Blanche (avec son décoiffant locataire actuel).
Des musées, des mémorials, des monuments, mais pas que : plein de surprises comme ce bâtiment de bureaux de Sir Richard Rogers (architecte de Beaubourg avec Piano) Fig 8, ou bien ces petites maisons de villes "so lovely" Fig 9.
C'est donc à une promenade à la fois architecturale et artistique (voir Saison 6) à laquelle vous invite la capitale  américaine. A vos vélos !
Fig 1 : Le musée des indiens d'Amérique

Fig 2 : Musée de la culture afro-américaine

Fig 3 : Musée de la culture afro-américaine

Fig 4 : Musée de la culture afro-américaine


Fig 5 : National Portrait Gallery
Fig 6 : Musée de l'architecture

Fig 7 : Plafond du hall de la Bibliothèque du Capitole
Fig 8 : Un immeuble de bureaux de Rogers


Fig 9 : Petites maisons de ville colorées sur
 la colline du Capitole


lundi 24 septembre 2018

Les vagues (poème en prose de Jean-Noël Spuarte)


Image associée
Jean-Noël Spuarte décembre 1813
J'observe le lent épuisement des vagues
Qui s'ourlent à proximité du rivage
Avec cette élégance solennelle des plis souples
D'un immense drapeau sous les tentations du vent.

Elles parcourent la mer avec une délicatesse de danseuse
Dessinant à sa surfaces d'amples ondulations
Comme une respiration lente 
Chargée des invisibles parfums du large.

Puis elles frémissent et se déchirent,
L'une puis l'autre, dans un ballet sans fin,
Achevant leur ultime voyage
Par un souffle bref sous les caprices du vent.

Et jailli enfin leur dernier orgueil
Dans une gerbe d'écume absolu,
Aussi précieuse qu'une dentelle de Vermeer.


Aux Batignolles. Petite virée entre midi et deux ! VPAA + Aires Mateus / ITAR + FREISH / MAD

Je ne vais pas raconter tout ce que j'ai vu dans ce nouveau quartier pris sur les anciens entrepôts de la SNCF, car ce serait ennuyeux voire désagréable, et il est probable que bien des choses m'ont échappé. Je ne vais pas vous parler des fantômes de Barbara et de Brel qu'on peut y croiser à la nuit tombante vu que j'y suis allé en plein midi et que les jardins ferment en soirée !... Alors, je vais parler de ce que j'ai aimé (sans hiérarchie).

1) Le Parc, avec son héron, ses libellules, ses noues (inévitables noues), les frondaisons des arbres, l'ombre et le soleil, une reconstitution de la nature plutôt réussie (Jacqueline Osty paysagiste).

2) Le TGI qui fait figure de Commandeur et qui s'autorise, par rapport à l'axe du parc (Grether urbaniste), une légère indiscipline, une coquetterie sans doute permettant au badaud d'admirer autre chose qu'un pignon vertical, mais aussi son épannelage et les flancs du Commandeur.

Ilot 04B de VPAA et Aires Mateus
3) L'ensemble blanc et noir de Vincent Parreira - VPAA (F) et d'Aires Mateus (P), deux agences complices pour ce qui constitue l'un des ensembles les plus remarquables de cet (éco)quartier. Le jeu et le dessin des trames, la juste finesse de la matrice extérieure, la belle profondeur de la façade, sa blancheur et le petit plus avec ces maisonnettes perchées comme sur les falaises de Bandiagara (ou presque) qui ne donnent pas le sentiment de se prendre au sérieux (on a déjà vu pareil dispositif tomber dans ce travers).

Allure d'Itar et Freish
4) Le bâtiment Allure, autrement désigné par AMC "L'origami XXL", des agences ITAR et FREISH, avec la très belle composition du dessin de la tour (R+15) qui nous libère d'une récurrente trame carrée ou rectangulaire qui peut flirter avec le style "less is bore".






MAD Architects
5) Un bâtiment en chantier aux allures balnéaires qui nous importerait presque Miami Beach aux Batignolles du à l'agence chinoise MAD (si je ne m'abuse) et qui devrait être remarqué et remarquable, s'il tient toutes ses promesses, et si le galbe des balcons n'est pas trahi par une exécution approximative (impossible !).

dimanche 23 septembre 2018

Architecture aux USA. Série 4. Farnsworth House de Mies van der Rohe

La villa iconique de Mies est située à environ 75 km au sud-ouest de Chicago, sur la commune de Plano (Illinois) et sur les bords de la Fox river. Elle a été conçue entre 1946 et 1951 pour le compte du docteur Edith Farnsworth, une éminente spécialiste du rein à l'hôpital de Chicago. Edith Farnsworth était également une femme d'une grande culture, très intéressée par l'architecture moderne, la littérature et la musique. Cette maison a été conçue pour une célibataire et en tant que lieu de villégiature.
Le coût initial de la maison est estimé à 1 million de dollars (valeur 2006).
L'histoire de ce chef d'oeuvre est hélas ternie par les relations conflictuelles qui opposèrent l'architecte et la propriétaire (des histoire de dépassement de budget !).
Edith Farnsworth occupa la maison durant 21 ans. Elle s'en dessaisit après avoir perdu ses recours contre la DDE du coin qui avait préempté les terrains contigus à la villa pour réaliser un viaduc. Elle la revendit en 1972 à Peter Palumbo, un magnat britannique de la presse, collectionneur d'art et amateur d'architecture. Il en fut propriétaire pendant 31 ans et la revendit en 2003 aux enchères pour 7,5 millions de dollars à un collectif de conservateurs locaux aidé par la National Trust for Historic Preservation, une sorte de Caisse des Monuments Historiques (probablement).
Depuis, elle est gérée par le Conseil pour la Préservation des Monuments qui en organise la visite (sur réservation exclusivement).

Quels sont les qualificatifs qui viennent à l'esprit devant cette oeuvre ?
Simplicité constructive (apparente), équilibre, luminosité, liberté,  intelligence, légèreté et Beauté (bien sûr !).
Quatre matériaux la composent : l'acier pour la structure (d'un blanc pur), la pierre pour le sol (travertin comme au Pavillon de Barcelone), le verre pour les façades et le bois pour le mobilier intérieur.
Elle est surélevée de 1,51 m par rapport au sol naturel ce qui ne l'a pas empêchée d'être victime des crues de la rivières (+ 60 cm dans la maison !).
Un vœu ? Y dîner avec des amis et y dormir une nuit (hors saison des crues !).




samedi 22 septembre 2018

Aimez-vous le poulet rôti ? Une question que j'aurais aimé poser à Marcel Proust

Petite article récréatif écrit le 16 septembre 2012 (illustration des cages à poulets issue du Weisman Art Museum de Gerhy à Minnéapolis. Aout 2018)

Cette question dont le sujet semble banal au premier abord et qui pourrait se prolonger afin d'être exhaustive, par : "rôti, oui, mais comment ?", et qui m'a récemment été posée par l'un de mes amis proches (PN, pour ne pas le nommer) comme un défi personnel, constitue, n'en déplaise aux végétariens de toutes plumes, une question fondamentale qui interroge, non seulement la Place Beauvau, mais les problématiques de l'élevage intensif, mais aussi mon boucher avec sa rôtissoire à double broche électronique qui prend olfactivement en otage l'intégralité de l'avenue Pasteur,  et d'une manière plus fondamentale encore, sinon tragique,  le champ de la littérature. C'est à ce dernier questionnement que j'invite le lecteur en ce jour de la Sainte Edith dont le martyr n'aura pas été vain, depuis les marches de ciment gris de l'escalier extérieur de mon pavillon de Bécon-les-Bruyères duquel je suis exclu faute de disposer des clés pour y pénétrer, vu que je viens d'accompagner ma femme au train à Montparnasse, qu'elle a bien pris le soin de refermer la porte du pavillon, d'emporter le jeu de clés avec elle, et que moi, humble chauffeur dominical n'ait pas eu le réflexe domestique de m'emparer d'un double. (Ah ! Le réflexe domestique pour nous autres poètes !). On ne va pas se plaindre quand même : le ciel est bleu, la température ambiante est juste fraiche, une voisine passe l'aspirateur, un voisin, la perceuse, et les éboueurs ont ramassé les poubelles. Et heureusement, il ne devrait pas m'être imposée la vision d'un serrurier faisant sauvagement sauter la porte avec un pied de biche tout en exigeant pour cette performance - "vous m'avez demandé d'ouvrir votre porte ou quoi ?" - une somme de 200€, exclusivement en petites coupures  usagées de 5 et 10€ ("non Monsieur, je ne prends pas les chèques, oui, je peux attendre que vous alliez au distributeur"), car mon fils repose dans sa chambre après une nuit agitée à la Fête de L'Humanité (que sont devenus les "camarades" ?), et que mon âme de père compatissant et post soixantehuitard s'interdit de l'extraire immédiatement de son sommeil de guerrier fatigué, et des temps modernes malgré tout. Mais toutes ces considérations, que d'aucuns pourront juger futiles, nous ont éloignés de notre propos initial que je me permets de vous soumettre avec une acuité (cuit ou rôti ?) qui me surprend moi-même, et dans une perspective exclusivement romanesque : et si le petit Marcel avait retrouvé sa mémoire grâce à un poulet rôti à la peau dorée et croustillante (forcément accompagné d'une vraie purée qui se tient suffisamment pour y sculpter en partie centrale un minuscule cratère, réceptacle précieux du jus de cuisson dont le surplus sera utilement recyclé dans un plat de coquillettes),  plutôt qu'à une madeleine molle et un peu chochottte,  ne croyez vous pas que la littérature mondiale en eut été bouleversée ? Autrement dit, n'est-il pas possible d'affirmer que les géants de la littérature que sont Hemingway, Faulkner, Garcia Marquez, Pessoa, Duras ou Frédéric Dard qui tous, se sont crus obligés de se positionner par rapport à cette question obsédante de la madeleine, n'auraient pas produit une œuvre encore plus sublime, si Proust avait plutôt écrit :



"Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n’était pas le théâtre et le drame de mon coucher n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire déguster, une fois n'est pas coutume, un peu de poulet rôti, une de ces volailles dodues dont le fumet de cuisson, festif et gouleyant, emplissait avec générosité, à cet instant, l'espace intime de la maison.

Americanah de Chimamanda Ngozi ADICHIE

Résultat de recherche d'images pour "americanah"Résultat de recherche d'images pour "chimamanda ngozi adichie"C'est un gros livre : près de 600 pages en version Poche. Lit-on encore des livres aussi épais ? Un Amélie Nothomb vous fait un aller Paris-Lyon ; là, ce serait plutôt du Paris-Tokyo ! Et bien oui, il faut lire Americanah parce que ce roman, assez largement inspiré par la vie de son auteure - "Africaine feministe heureuse" comme elle se définit - fourmille de thèmes essentiels comme l'exil, le racisme, la place de la femme, la condescendance, le snobisme, le sens de la vie, l'amitié, l'amour, l'insolence, la corruption des élites, le doute, et j'en oublie. Il fourmille également d'une galerie de personnages que Chimamanda Adichie (41 ans ce 15 septembre) cisèle avec réalisme et humour. Bien sûr cette histoire d'amour entre deux ex-étudiants qui se perdent et - happy-end oblige ? - se retrouvent peut nous paraître un peu bleuette, mais après-tout, le roman n'est-il pas là pour nous embarquer au-delà de la trop désespérante réalité quotidienne qui s'étale à longueur de journaux ? Sommes-nous à ce point rétif au bonheur simple ?
D'aucuns y trouveront un excellent "documentaire" sur tous les thèmes précités et l'occasion de découvrir une vision du monde - et en particulier des Etats-Unis - au travers du regard d'une noire africaine. S'arrêter à cette découverte, aussi riche fut-elle, serait extrêmement réducteur car la dimension romanesque est ici essentielle et elle est servie par un style fluide, vif, pertinent, presque insolent ; à l'image d'Ifemelu-Chimamanda ?

Madame Adichie sera l'invitée du Monde Festival le dimanche 7 octobre à 17H30 à l'Opéra Bastille.
Cliquer sur Le Monde Festival

Le TED qu'elle a donné en 2013 "Nous devrions tous être féministes" permet d'apprécier l'intelligence de cette dame. Cliquer sur ce TED


mercredi 19 septembre 2018

Architecture in USA Série 3 : Minnéapolis (fin) La Crosse, Madison

Après l'iconique Taliesin, et avant Farnsworth (Série 4), quelques éléments architecturaux remarqués (sinon remarquables) sur le chemin.
Fig. 1
Fig. 2
A Minnéapolis toujours, le Walker Art Center de l'agence baloise (ou balaise ? :-)) Herzog et de Meuron, tout de porte-à-faux, de guingois et déjà fripée (l'enveloppe est en plaques de métal froissé) s'inscrit dans le courant déconstructiviste sans réellement convaincre (Fig 1 et 2).
On peut se consoler avec la cafétéria du centre qui sert un remarquable hamburger-chips (Fig. 4) ; espace logé dans le bâtiment d'origine datant de 1971 (Fig. 3), du à l'architecte Edward Larrabee Barnes (dois-je avouer que cette architecture-là m'a davantage intéressé ?). Un grand parc de sculptures contemporaines (Fig. 5) jouxte l'ensemble muséal.
Résultat de recherche d'images pour "edward larrabee barnes minneapolis"
Fig. 3)
Fig. 4)
Fig.5  "Black vessel for a saint". Theaster Gates














La Crosse fondée par nos ancêtres qui, plutôt que traverser la rue pour trouver un boulot, traversaient à l'époque l'Atlantique pour trouver l'aventure ... est une petite ville en bordure du Mississippi, avec un centre animé de pubs et de restaurants, et dotée de rien moins que d'une cathédrale en "béton vrai" construite en 1962, oeuvre de l'architecte Edward Schulte. Ce bâtiment néo..., est un peu sauvé par le très beau volume intérieur de la nef (Fig. 6).
Fig. 6












Fig. 7

A Madison, l'une des villes les plus agréables de notre "travel", avec ses deux lacs, sa vie étudiante (merci le Plateau de Saclay !), ses beaux édifices institutionnels (Capitole, bâtiments universitaires), ses restaurants branchés, etc. L'opéra de Cesar Pelli (Fig. 7) est plutôt de belle facture : hall gigantesque (surclimatisé bien sûr !) ouvert sur la ville et pas refermé comme un blockhaus comme notre Opéra Bastille.
On retrouve la trace de Wright sur les bords du lac Monona avec une tour à laquelle il manque plusieurs étages pour pallier à une certaine massivité. Ce bâtiment fait partie d'un vaste projet urbain que Wright proposa à la ville dès 1909 afin de relier le Capitole au rives du lac. Projet qui ne reprit que près de 30 ans plus tard ("scandales personnels", 1ère Guerre mondiale, dépression de 29, ...), puis fut à nouveau interrompu par une succession de causes : 2nde guerre mondiale, politiques publiques, etc. Wright meurt en avril 1959. Le Guggenheim de New-York est inauguré en octobre de la même année. Il faudra en revanche attendre encore juillet 1997 pour l'ouverture du complexe Monona Terrasse ! Quand on dit qu'en France les procédures sont d'une lenteur invraisemblable !... 88 ans entre les premiers dessins et l'inauguration !
Fig. 8
Fig. 9
Il existe de nombreux bâtiments de Wright à Madison, mais l'un des plus intéressants est très probablement l'Unitarian Meeting House, un ensemble datant de 1951 comprenant principalement une église et une école. L'église (Fig. 8) est d'une très grande légèreté, posée en surplomb d'une pente douce, avec des lignes aériennes audacieuses et dynamiques en verre et cuivre, sur un socle en pierre appareillées en boutisses (Cf Série 2). On cherchera sans peine les très belles métaphores du Sacré. L'ensemble à usage d'école et de lieux de réunions (Fig. 9) présente quant à lui une courbe en verre d'une beauté plastique à faire pâlir de jalousie certains architectes adeptes du minimaliste verrier (voir récente exposition à la Fondation Cartier du japonais Ishigami).
Fig. 10. Intérieur de l'église (2 hauteurs, très "wrightien")










mardi 18 septembre 2018

Pour sauver la planète sortons du capitalisme

C'est en septembre 2009, il y 9 ans donc, je publiais ce post qui n'a pas pris une ride.

Magnifique phrase de Badiou : "Une bonne partie de l'oppression contemporaine est une oppression sur le temps (...)Nous sommes contraints a un temps découpé, discontinu, dispersé, dans lequel la rapidité est l'élément majeur. ce temps n'est pas celui du projet, mais de la consommation, du salariat. le courage pourrait consister à essayer d'imposer une autre temporalité." 


Hervé Kempf, journaliste au Monde et auteur de "Comment les riches détruisent la planète", livre avec "Pour sauver la planète sortons du capitalisme" un nouvel essai cinglant où urgence écologique et justice sociale sont les indissociables composants du projet politique. Il dénonce avec pertinence que le concept de "rivalité ostentatoire" qui est l'un des avatars obligés du capitalisme, par la surconsommation et les inégalités qu'il induit, nous emmène tous dans le mur. Privatisation de l'espace public, névrose des marchés, échange sans parole, perte du lien social, abrutissement médiatique, sont autant de facteurs qui caractérisent cette période de l'Humanité dans laquelle nous sommes entrés au sortir des "Trente glorieuses" : l'anthropocène ; la 1ère fois dans l'histoire de cette planète où l'humanité peut être considérée comme un agent géologique apte à transformer la nature de la biosphère.
Kempf appelle à un sursaut qui n'est pas seulement une démarche intellectuelle, mais une obligation à baisser significativement notre standing de vie ; nous, les riches.
Au passage, il démonte le concept de "croissance verte" qui n'est qu'un énième leurre de l'oligarchie pour déguiser de juteux profits en démarche vertueuse.
Extraits :
"La difficulté propre à la génération (la jeunesse actuelle NDLR)... est de devoir réinventer des solidarités quand le conditionnement social lui répète sans cesse que l'individu est tout."
"La corruption répand dans l'esprit public qu'est le plus estimable non pas le plus vertueux mais le plus malin."
Et 2 citations ;
""Une bonne partie de l'oppression contemporaine est une oppression sur le temps (...)Nous sommes contraints a un temps découpé, discontinu, dispersé, dans lequel la rapidité est l'élément majeur. ce temps n'est pas celui du projet, mais de la consommation, du salariat. le courage pourrait consister à essayer d'imposer une autre temporalité." Alain Badiou. Philosophe
A propos de l'argument consistant à dire qu'il n'y a qu'à "revenir aux bougies", Ingmar Granstedt dit : "Ce ne serait pas un "retour à la bougie", mais la reconnaissance honnête et courageuse que le refus de la concurrence sans fin et sans frein nous oblige à inventer une nouvelle modernité technologique, ouverte elle aussi à la curiosité scientifique et à l'imagination technique, mais compatible avec la vie dans des territoires à échelle humaine.