mercredi 17 mai 2017

Ingénieur, architecte : je t'aime, moi non plus ?

        archiSTORM. 
            Chronique du N° d'avril-mai 2017

« Nous sommes désormais deux et, de surcroît, chacun doit être plusieurs ! »

« Que l’ingénieur laisse donc libre court à son imaginaire que je respecte, mais qu’il me séduise et m’évite les recettes incontournables. Tout cela parce qu’il y a longtemps, l’ingénieur et l’architecte n’étaient qu’un ; nous sommes désormais deux et, de surcroit, chacun doit être plusieurs ! »

Ce petit mot de l’architecte Patrice Novarina fut écrit dans le cadre d’une conférence
sur le thème « Imaginaire de l’ingénieur et innovation », avec Antoine Picon comme intervenant principal. Il illustre assez bien l’une des questions qui se pose dans le cadre des relations entre architectes et ingénieurs. Tout le monde sait que la distinction n’existait pas au temps d’un Fillipo Brunelleschi ; d’ailleurs, la biographie du concepteur-constructeur de la coupole du Duomo de Florence le classe tantôt en « ingénieur » et tantôt en « architecte, selon l’ouvrage consulté. 
La distinction n’apparaît franchement qu’à la fin du 18ème siècle avec la création des corps des écoles d’ingénieurs (Ponts et Chaussées, Mines, Polytechnique, en France, et Society of Civil Engineers en Angleterre). Le domaine des architectes est alors plutôt celui du bâtiment avec une connotation artistique et symbolique, les ingénieurs œuvrant davantage dans les infrastructures et le génie civil (mais aussi les bâtiments connexes).

Il faudra revenir un jour sur les raisons de ce qui apparaît comme une «exception française » 

L’évolution des techniques, tant du point de vue de leur champ de connaissances (toujours plus large) que de leur degré de complexité calculatoire et réglementaire (toujours plus élevé), a conduit au renforcement des spécialités en même temps qu’à l’éloignement des disciplines. Ce processus dichotomique s’est doublé en France d’un certain antagonisme exacerbé par des jalousies de castes, nourries elles-mêmes par une hiérarchisation absurde des enseignements avec une « voie royale » (les sciences) et le reste. Il faudra revenir un jour sur les raisons de ce qui apparaît comme une «exception française » ; moins sympathique que le prix unique du livre, la sécurité sociale ou les subventions dans les domaines culturels …

Faut-il être peintre soi-même pour ressentir toute l’émotion du reflet d’une perle dans un tableau de Vermeer ?