samedi 31 décembre 2022

2022, annus horribilis … et pour 2023 ?

2022, annus horribilis s’il en est, s’achève. Déclenchement de la guerre monstrueuse en Ukraine par le dictateur Poutine, emballement du réchauffement climatique avec, en particulier, des incendies gigantesques en France et un peu partout sur la planète, répression féroce des mollahs à l’encontre de la jeunesse iranienne, menaces tangibles de conflit en Extrême-Orient entre la Chine et les Etats-Unis autour de Taïwan, rodomontades nucléaires du dictateur nord-coréen, voilà pour les événements les plus tragiques que l’on retiendra de cette année. 

Côté bonnes nouvelles peut-on acter la montée du mécontentement en Chine, les manifestations en Iran (même si elles sont réprimées dans le sang), la fin de la constitution du dossier à charge contre Trump qui devrait conduire l’ex-locataire délirant de la Maison Blanche devant les tribunaux, la fin du mandat du fou d’extrême-droite, Bolsonaro, après la victoire de Lula au Brésil ?

Que nous réserve 2023 ? J’ai sélectionné 12 évènements majeurs dont l’avenir nous dira s’ils trouveront leur place dans l’histoire :

  • Chute de Vladimir Poutine
  • Pandémie en Chine et en Afrique causant des millions de morts
  • Renversement du régime des Mollahs en Iran
  • Nouveau conflit au Moyen-Orient impliquant Israël
  • Incarcération de Donald Trump
  • Annexion de Taïwan par la Chine
  • Entrée en guerre de l’Europe et des USA contre la Russie
  • Nouveau confinement en France de plusieurs semaines
  • Attentat contre Joe Biden et déclenchement d’une tentative de guerre civile aux USA
  • Grèves et manifestations importantes en France du secteur public
  • Tremblement de terre en Californie
  • Explosion d’une « bombe sale » dans le conflit ukrainien

vendredi 30 décembre 2022

L’Eglise de Marignac (17)


C’est juste un modeste clocher aperçu depuis la route. Pourquoi m’a-t-il conduit, alors que j’avais déjà dépassé le village, à faire demi-tour pour aller le voir de plus près et allonger en conséquence mon trajet de plusieurs minutes ? Le hasard ? Un pressentiment ? Une curiosité téléguidée pour tout ce qui touche à l’architecture et une fascination, en particulier, pour l’art roman ? Je suis tombé sur une perle comme il en existe de nombreuses en Poitou-Charentes, mais celle-ci, peut-être encore plus précieuse. 





En exterieur, les trois absides qui forment le chevet de l’édifice sont ornées d’une corniche sur laquelle se déploient des modillons (figurines) anthropomorphiques, ou représentatifs d’un bestiaire naturel ou grotesque, des métopes (petits tableaux) aux motifs floraux ou géométriques, et ponctuée de chapiteaux relatant certains épisodes bibliques. Parmi les modillons, plusieurs sont remarquables : un homme barbu tenant dans ses bras une énorme barrique comme le fardeau de son vice, un visage encapuchonné, le front ceint d’un bandeau témoignant probablement de sa noble condition, mais les yeux exorbités révélant que ce privilège n’exonére pas d’une frayeur devant la mort, deux amoureux étroitement enlacés, leurs corps si proches que l’usure de la pierre a dû effacer les organes de leur compulation et détacher leurs lèvres unies originellement d’un baiser éternel, …






Mais l’extraordinaire de cet édifice vieux de mille ans se poursuit à l’intérieur où le chœur, entièrement peint de motifs floraux et animaliers très bien conservés (datant probablement du XIXème), révèle une longue frise sculptée dans les arabesques végétales desquelles apparaissent des combats terrifiants entre humains, démons et chimères. 


Les sculpteurs anonymes, les modèles non-moins anonymes et ces fidèles des premiers temps, imaginaient-ils que 900 ou 1000 ans plus tard, leur mémoire appartiendrait au cyber espace et que leurs fantômes viendraient hanter avec bonheur quelques lignes d’un manuscrit virtuel, sans autres enluminures que la reproduction photographique de leur espace de craintes et de prières ?

mercredi 28 décembre 2022

Léonard Cohen de Pascal Bouaziz


Voilà un livre écrit par un fan absolu de Cohen, qui a tout lu, tout vu, tout étudié du poète-chanteur canadien, qui ne cache pas toutes les contradictions et les faiblesses de son idole (elles sont nombreuses), qui a acheté une guitare pour chanter du Léonard Cohen, et qui, pourtant, ne l’a jamais rencontré sauf dans une interview fictive qui figure à la fin de ce bel ouvrage agrémenté de très belles photos dont certaines méconnues. L’un des intérêts du travail de l’auteur - et pas le moindre - est de nous livrer le sens caché de certaines chansons. Ce statut d’exégète constitue pour lui une vraie fierté, jusqu’à lui faire détester les concerts où il va devoir partager son idole avec un public d’ignares. Dommage pour lui, car les concerts de Cohen ont toujours été des moments d’une intensité formidable, et peu importe si le public n’a pas saisi le sens caché de certaines des chansons ; doit-on disposer de la
   connaissance d’un conservateur de musée pour ressentir la beauté d’une œuvre d’art ?

Merci à Cécile et Ourouk pour ce superbe cadeau.

jeudi 15 décembre 2022

L’inconnu de la poste


Le 19 décembre 2008, entre 8h37, heure de son dernier sms et 9h05, heure où le premier client pénètre dans le guichet de poste de la petite ville de Montreal-la-Cluse, Catherine Burgot qui gère cette agence a été sauvagement assassinée de 28 coups de couteau.

Gérald Thomassin, enfant de la Ddass, acteur célébré par un César du meilleur jeune espoir masculin en 1991, vit précisément à cette époque à Montreal-la-Cluse à quelques mètres du bureau de poste. Son addiction à la drogue et à l’alcool en a fait un marginal que tout accuse de ce meurtre, jusqu’à cet appel téléphonique en pleine nuit à son frère dans lequel il tient des propos délirants et où il se désigne comme l’auteur de cet acte.

Onze ans après les faits, alors que l’enquête n’a pu identifier le coupable mais que certains faits nouveaux conduisent la justice à convoquer Thomassin, ce dernier disparaît alors qu’il semblait avoir accepté de se rendre à la convocation de la justice. Il n’a jamais été retrouvé depuis.

Florence Aubenas livre avec « L’inconnu de la poste » une nouvelle enquête immersive, dans laquelle elle fait preuve d’un très grand talent de journaliste, mais aussi d’écrivaine.

samedi 3 décembre 2022

Le colonel ne dort pas

 

Un colonel tortionnaire chez lequel tout est gris jusqu’au regard et qui ne dort jamais, hanté par les fantômes de ses victimes, un général qui s’isole dans le faste déchu d’un palais jusqu’à devenir fou, une jeune ordonnance, spectateur muet dans ce sous-sol de la maison des tanneurs où les suppliciés, sous les mains du colonel et de ses affidés, deviennent des choses, tels sont les principaux personnages qu’Emilienne Malfatto fait évoluer dans une ville-ruine sur laquelle il pleut sans cesse et qui résonne des fracas sinistres de la guerre. On est entre le « Désert des Tartares » de Buzatti, et « Au cœur des ténèbres » de Conrad. L’écriture reproduit parfois, par l’usage erratique de la ponctuation, l’atmosphère d’irréel et d’inhumanité dans laquelle baigne le récit. L’auteure, qui fut grand reporter de guerre, évoquait à la Grande Librairie, sa sidération devant certaines scènes de guerre dont elle fut témoin et qui paraissent sur l’instant relever davantage du cauchemar ou du pire film d’horreur, que de la réalité. 

« Le colonel pense souvent que la nature humaine se révèle dans ces instants de nudité absolue, quand l’homme est précisément dépouillé de toutes les minces couches de vernis - appelez ça l’éducation, ou la sociabilité, ou l’amour, ou l’amitié - qui recouvrent sa nature profonde, homo sanguinolis, sa nature animale, viscérale, quand l’homme n’est plus qu’une masse organique. »

EO

 Inhabituel pour moi, un essai à la critique cinématographique 😉 (juste pour vous faire partager le plaisir que j’ai ressenti en voyant ce film).

Voir le monde, sa beauté comme ses horreurs, à travers les yeux d’un animal, en l’occurrence un âne, est le thème d’EO, le film du polonais Jersey Skolimowski, prix du Jury au dernier festival de Cannes.

EO est le nom d’un petit âne que l’on découvre dans un numéro de cirque, choyé par sa partenaire. Mais sa vie bascule quand le cirque est contraint, sous la pression de défenseurs des animaux, de s’en séparer. Débute alors pour EO, une vie partagée entre captivités et errances qui le transforme en observateur-philosophe des turpitudes des hommes, et plus rarement de leur dignité. Intégré dans un haras et affecté aux tâches les moins nobles, il y fera l’expérience de la « distanciation sociale » entre les chevaux - magnifiques images de ces animaux dans leurs allures et leurs plastiques d’athlètes - appartenant à la classe des nantis, et lui, relégué dans sa condition de « prolétaire ». Mais comme dans la fable du chien et du loup, il est pauvre mais libre, contrairement aux pur-sangs soumis à des exercices de musculation et de dressage. Il s’enfuira, laissant les nobles aux délices de leur cage dorée, non sans renverser au passage toute une étagère de trophées, symbole des vanités qui lui sont étrangères. Il poursuivra son « parcours initiatique », tantôt dans des camions en compagnie d’autres animaux, tantôt seul au milieu d’une forêt hostile, ou encore mascotte involontaire d’une équipe de supporters de foot autant enragés que minables, etc.

Le réalisateur multiplie les scènes en alternant de manière magistrale les plans de la caméra sur l’animal, en les accompagnant des bruits de sa respiration, de celui des sabots, de la mastication, réussissant totalement à placer le spectateur dans la peau du petit âne.

Entre ces scènes, Skolimowski (82 ans) et son directeur de la photographie ont placé des moments de pure esthétique, nous donnant à contempler des paysages sublimés où nous plongeant dans l’ivresse d’images quasi psychédéliques, le tout servi par une musique qui en accentue le caractère paisible ou dramatique.

Chaque scène du film, même celles que l’on peut trouver incongrues (celle avec Isabelle Huppert en riche belle-mère déjantée, par exemple), est matière à réflexion et on trouvera certainement dans le final, une métaphore d’une terreur humaine que l’on croyait appartenir au passé …

Juste formidable !

vendredi 2 décembre 2022

Quelle n’est pas ma joie*



Pourquoi un jour écrire à une amie qui est morte depuis plus de 40 ans et qui fut la maîtresse de son mari, lui dont le corps ne fut jamais retrouvé dans l’avalanche qui a emporté les deux amants ? Le déclencheur de cette longue lettre est la mort de Georg, l’ex-mari de cette amie et qui est devenu le compagnon d’Anna, la narratrice, quelques temps après le drame de l’avalanche. 

S’agit-il d’une revanche ? S’agit-il de pardonner ? D’une jalousie que toutes ces années ne seraient pas parvenues à effacer ? Non, curieusement, cette lettre est une preuve d’amour, teintée d’incompréhension et de regrets pour la perte physique d’une amitié forte qui liait quatre amis. C’est aussi pour Anna, une manière de lever le voile sur un secret - celui de son père qu’elle n’a jamais connu -, de rendre hommage à sa mère, de révéler à ces absents qui elle était vraiment - et en particulier son détachement, voire son rejet, de toutes formes de prétention fondée sur l’aisance matérielle -, ce qu’elle a pu ressentir de trahison de son mari et de son amie, comment elle n’a cessé d’aimer son amie : en allant seule, chaque mois, sur sa tombe, en élevant ses enfants - des jumeaux - comme s’il s’agissait des siens alors qu’elle était devenue stérile à la suite d’un avortement clandestin, en prenant soin de son mari, Georg, sans vouloir « prendre sa place », comme par devoir d’amitié.

Mais, cette lettre est certainement pour Anna le moyen de conjurer une douleur : celle d’une enfant dont les parents ne sont pas parvenus à s’aimer car le père a disparu. « Nous pardonnons à nos parents qu’ils nous oublient, à condition qu’ils s’aiment. » est la phrase qui conclue ce magnifique roman traversé par l’amour de l’autre.

Jens Chritian GRONDAHL est un auteur danois dont l’œuvre est reconnue internationalement et couronnée de nombreux prix dont l’équivalent danois du Prix Goncourt.

*la traduction du titre original est : Je suis souvent heureuse