jeudi 30 novembre 2023

Les mots en vogue


L’un de mes amis historiens m’a adressé récemment un message dans lequel il utilisait le terme « porosité » pour évoquer son intérêt pour des approches transdisciplinnaires.

Je me suis amusé à identifier les mots à la mode dans le champ de l’urbanisme et de l’architecture.

« Porosité » est y effectivement très présent (davantage que « Perméabilité », à consonance plus ingénieur). « Alterité » et « Amenité » sont plus discrets.  On observe quelques «Sérendipité » égarées de-ci, de-là. Les « Délaissés », les « Franges » et les « Friches » restent au top. Les « Commun » se sont maintenant bien installés, comme le « Care » (mieux que « bienveillance »). Le « Faire » est en vogue. Il y a parfois une « Poétique » et la « Matérialité » est fréquente, tout comme la « Générosité »  La « Physicalité », chère à Ricciotti, est confinée dans son domaine réservé. Enfin, je n’ai pas encore observé d’ « Essentialisé » ni de « Consiencialisé », mais je ne désespère pas.


mercredi 29 novembre 2023

« Triste tigre » de Neige Sinno


 Prix Femina 2023, distinction qui  l’a sans doute privé du Goncourt, « Triste tigre » est un récit troublant. Le thème central du livre, davantage que les violences sexuelles à répétition commises alors qu’elle n’était qu’une enfant et durant plusieurs années par son beau-père, réside dans un questionnement  très introspectif sur les raisons qui poussent un homme à commettre de tels actes, sur la forme que doit prendre le témoignage de la victime, sur la nature du regard que la société porte sur les acteurs du crime - l’agresseur pédophile et sa victime -, sur la possibilité du pardon, sur le cheminement pour se reconstruire et sur la nature-même du texte : littérature ou non.

Neige Sinno semble au plus près de son lecteur, attentive à la perception qu’il aura de son propos, sans assujettir son écriture à une quelconque reconnaissance. Elle veut exprimer une vérité sans s’illusionner sur la part de doute que son interprétation des faits peut engendrer. Il y a dans son propos une grande liberté et une grande souffrance, un désir de comprendre et un « à quoi bon » fataliste. Et bien sur, une franchise et un courage formidables.

L’expérience qu’elle a vécu lui fait appartenir définitivement à cette « armée des ombres » qui habite un « autre lieu », « un monde où victime et bourreau sont réunis » et où le défi de la vie est d’ « apprendre à rester sur le seuil de ce monde » (…) et surtout, « ne pas tomber, ne pas tomber. » 

mardi 28 novembre 2023

De la COP28 et du foutage de gueule


 Dans une tribune parue sur le site « Le Monde.fr» daté du 28 novembre, l’économiste Christian de Perthuis, se veut optimiste en écrivant que le fait que la COP 28 se tienne aux Émirats peut être « une occasion de poser clairement la question de la sortie des énergies fossiles. » 

Avec un président de cette COP ministre de l’industrie du pays hôte et PDG de l’une des plus grandes compagnies pétrolières du Moyen-Orient (laquelle envisage d’augmenter sa production de 25% dans les 4 ans à venir) s’est une position qui semble relever du vœux pieux, sinon du pari insensé. 

Demande-t-on à un banquier de voter en faveur de la suppression des paradis fiscaux, ou à un agent immobilier de lutter contre la spéculation dans son secteur d’activité ?

Cette COP des énergies fossiles sera le triomphe des climatosceptiques. Comment pourrait-il en être autrement ?

A une époque où même l’Europe capitule devant le lobby des producteurs de pesticides, on ne voit pas bien comment cette COP-là, pour laquelle on annonce des records d’accréditation des lobbys des énergies fossiles, renverserait la table et édicterait des accords contraignants, supprimant sine die et ipso facto les nouvelles autorisations de forage où « tout simplement » confirmant les accords de Paris, ce qui serait le minimum pour réduire les impacts de la crise environnementale.

Je parierais que la majorité des types qui vont débattre dans les salles climatisées de Dubaï considère que les conclusions du GIEC sont très exagérées, que les scientifiques qui alertent sur l’impact mortifère des énergies fossiles sur la biodiversité sont à la recherche de sensationnel et qu’enfin, il faut avoir confiance dans l’intelligence humaine qui nous a « toujours sauvés ».

Bref, cette COP 28, ne serait-ce que par sa localisation, démontre l’aveuglement autant que le cynisme de ceux qui détiennent aujourd’hui le pouvoir (industriels, puissances pétrolières, banquiers, milliardaires) et qui n’envisagent pas une seule seconde de modifier d’un iota leur train de vie.

« Parlez-moi de la COP28 et j’vous fous mon poing sur la gueule, sauf le respect que je (ne) vous dois (pas) », aurait pu chanter Brassens.

dimanche 26 novembre 2023

La Foudre de Pierric Bailly


 Julien, alias John, la trentaine, est berger dans le Jura. Il vit plusieurs mois de l’année seul avec son troupeau, dans un chalet au confort rudimentaire. Mais cette vie lui convient. Sa compagne, Mathilde, a le projet d’aller s’installer à La Réunion. Il découvre un jour dans le journal, plusieurs mois après sa publication, un entrefilet indiquant qu’un certain Alexandre Perrin a tué un jeune de 20 ans. Un Alexandre Perrin, il en a connu un au lycée. Ce fut même son condisciple de chambrée à l’internat et un mentor, jusqu’à ce que Julien, jaloux du personnage, rompe avec lui. Il finit par entrer en contact avec l’amie d’Alexandre, Nadia. Le procès va bientôt avoir lieu et Julien se sent à nouveau attiré par son ancien camarade, mais aussi, peu à peu, par Nadia. Mathilde part seule à La Réunion. Julien doit la rejoindre après le procès.

Pierric Bailly, met en scène un homme, Julien, qui va succomber à une « liaison dangereuse » au risque de tout perdre. Il le fait avec une écriture simple, fluide, qui installe progressivement une certaine tension dans le récit, laquelle rend la lecture addictive.

Un roman qui évoque comment des êtres qui se construisent au contact de certaines figures marquantes de leur jeunesse, peuvent acquérir de cette expérience une certaine force, mais aussi une grande fragilité quand la passion amoureuse les submerge.

mercredi 22 novembre 2023

« Ouragans tropicaux » de Leonardo Padura


 Mario Conde, l’ex-flic à la retraite et bouquiniste pour tenter de boucler ses fins de mois, amoureux de la littérature mais aussi de Tamara son épouse, revient (pour le meilleur) dans « Ouragans tropicaux », le dernier livre de l’auteur cubain Leonardo Padura. 

Comme dans la plupart de ces romans, Padura fait alterner plusieurs récits situés à des époques différentes, récits sans rapport a priori, mais qui vont se rejoindre, se télescoper, au fil des pages. 

Ici, c’est principalement La Havane « débridée » de 1910, la « Nice d’Amérique » d’après l’indépendance (1902) avec ses proxénètes, ses riches familles, une corruption généralisée et la masse des crève-misère, et une autre Havane, celle de 2016, d’une « pérestroïka » provisoire, quand Obama est venu en visite officielle sur l’île, mais aussi les Rolling Stones pour un concert et Chanel pour un défilé. 

Dans la première période, Padura met en scène un personnage historique, haut en couleur, un jeune maquereau fils de bonne famille qui règne sur le quartier des maisons closes de San Isidro : Alberto Yarini y Ponce de Léon. Mais aussi, un policier, Arturo Saborit, le double du Conde à un siècle de distance, dont on apprend, dès les premières pages qu’il sera un assassin. 

A l’époque plus récente, c’est le Conde et sa bande d’amis autour desquels se déroule le récit. 

L’entre-deux n’est pas oublié, loin de là, avec une critique acerbe de la politique castriste et des accents sombres mêlant gâchis et nostalgie pour des « années perdues ». 

C’est précisément l’un des personnages les plus affreux de cette période, dans les années 70, un vrai salopard, tortionnaire sadique avec pour spécialité de pourchasser les artistes (et les dépouiller au passage) dont on retrouve un jour le cadavre qui laisse penser à une vengeance de l’une de ses très nombreuses anciennes victimes. La police, débordée par les événements à venir, rappelle le Conde pour retrouver le ou les meurtriers.

Dans La Havane d’Alberto Yarini, ce sont deux corps de femme découpés en morceaux, que l’on retrouve dans des sacs posés au coin d’une rue. Arturo Saborit va mener l’enquête tout en se rapprochant du jeune proxénète, jusqu’à devenir son ami.

Mais Padura ne se contente pas d’alterner le récit des deux enquêtes ; il nous propose une audacieuse mise en abîme puisque c’est le Conde, écrivain à ses heures, qui, ayant découvert par hasard dans un des bouquins qu’il revend, des papiers écrits jadis par Saborit relatant son histoire, va les reprendre et donner vie à un roman dans le roman.

Le titre « Ouragans tropicaux », fait référence, d’une part, à l’agitation soudaine et meurtrière qui s’est emparée de San Isidro dans la guerre des gangs de proxénètes, d’autre part, au vent de folie qui a parcouru Cuba à l’occasion de la venue d’Obama, des Stones et de Chanel. Dans les deux cas, comme pour les ouragans tropicaux, les choses reprennent leur cours normal après leur passage, rien ne change pour le pessimiste Conde-Padura.

Car ce dernier opus ne manque pas de noirceur, et Padura semble hanté par l’oubli après la mort : « L’effacement de l’existence des gens, et même des souvenirs de leur existence, était-ce cela la véritable solitude des morts ? »

Un immense Padura. 

jeudi 16 novembre 2023

Ce matin au kiosque - Où j’apprends que c’est aujourd’hui la fête du Beaujolais nouveau !


 Je rends visite, à l’occasion, au kiosquier du relais Hachette de la gare de Becon-les-Bruyeres ; ville de la banlieue nord-ouest de Paris, célébrée jadis par un opus plutôt bien écrit, au titre éponyme, d’Emmanuel Bove.

Jean-Michel a ses têtes et ses habitués. Il cache, sous des aspects grincheux, un commerce plutôt agréable, et qui plus est savant dans le domaine de la littérature. Il m’a adopté, me lance des « bonjour Monsieur l’écrivain », et a accepté de me prendre en dépôt trois ou quatre exemplaires d’Abuelo (il en a vendu deux, ce qui peut paraître anecdotique, mais ce que je considère comme une performance dans un lieu de passage où la clientèle d’habitués vient essentiellement pour chercher son journal, et où les voyageurs sont toujours pressés).

Je prends du plaisir à parler avec lui de tout et de rien (mais surtout de tout). Il me fait quelques confidences sur ces clients qui me démontrent (s’il en était encore besoin) que toute vie est un roman. Bien entendu, il fait la cour aux dames - avec respect et sans limite d’âge. Je suis persuadé que certaines d’entre elles viennent ici, uniquement pour entendre ces petites taquineries aux allures d’innocents flirts qui viennent rompre un instant l’espace de leur solitude.

Jean-Michel évoque souvent, avec une pointe de nostalgie non dissimulée, l’époque où il était à la tête de la librairie qui siégeait dans la salle des pas perdus de la Gare Saint-Lazare. Il y rencontrait des personnalités du tout Paris littéraire à l’occasion des signatures ; il vivait alors dans une « vraie » librairie.

Ce matin, la toiture de la gare fuyait à nouveau, laissant perler par instant une goutte solitaire qui avait le bon goût d’épargner la gondole sur laquelle trônent les livres du moment les plus en vue. Ce matin, Jean-Michel a partagé avec moi la recette d’un poulet qu’il a fait rôtir récemment après « lui avoir mis deux gousses d’ail dans le cul, du laurier-sauce, dans le cul également, l’avoir badigeonné d’huile et de citron, enfourné 1h30 avec deux oignons et retourné à mi-cuisson » ; une félicité, m’a-t-il assuré.

Ce matin encore, entrée d’un homme d’une soixantaine d’année, cheveux blancs mi-longs, imperméable récupéré probablement d’un western-spaghetti, moustache abondante mais soignée, doigts bagués comme un biker, et tenant en laisse une petite chienne de six mois aux poils noirs frisés. Une femme plus âgée, placée dans la queue, lui dit que ce genre de chien, un caniche, ça doit se faire toiletter. L’homme lui rétorque que ces chiens ne se font pas toiletter et, qui plus est, que ce n’est pas un caniche. « Ça ressemble pourtant à un caniche », a cru devoir surenchérir la femme. « Pas du tout, et ce n’est certainement pas un caniche », a répondu l’homme sur un ton légèrement goguenard, en prenant à témoin la petite assemblée de clients présents. « C’est un « XX », des chiens de race dressés pour la chasse au canard », m’a-t-il confié en sortant, recherchant à l’évidence une complicité. Une fois l’homme parti, la femme a continué à marmonner : « caniche, ça ressemble à un caniche, et ça se fait toiletter…» Je me suis interrogé : Tenait-elle, plus jeune, un salon de toilettage canin, expérience qui l’autorisait à fournir un tel jugement péremptoire ? 

Une autre femme d’un certain âge est entrée quelques instants plus tard, la tête déplumée, les quelques cheveux qui lui restaient sur le crâne trempés par la pluie. Jean-Michel m’avait confié la boutique car il lui fallait réceptionner une livraison. J’ai dit à la femme : « Eh bien, vous êtes toute mouillée ! », histoire de ne pas laisser l’espace du kiosque totalement muet. « Oh, ce n’est rien… c’est surtout que j’ai transpiré ! », m’a-t-elle répondu. Jean-Michel lui a dit de loin : « Je reviens ! Je reviens de suite ». « Je ne suis pas pressée, je vais rejoindre des copines à Saint-Lazare pour boire un coup de Beaujolais. C’est le Beaujolais nouveau aujourd’hui ! » a répondu la vieille dame. 

Fichtre, ça m’avait totalement échappé ! Jadis, quand j’étais encore un « actif », j’étais invité à de multiples endroits où des entreprises organisaient la célébration de ce breuvage dont les millésimes recèlent invariablement un goût de banane plus ou moins prononcé. « Du coup » (comme on dit à présent), je suis allé en acheter une bouteille chez un caviste, armé de la recommandation de Jean-Michel …

Vous trouvez tout cela assez banal. Vous avez raison. Mais je suis quand même parvenu à en rédiger une pleine page !

mercredi 15 novembre 2023

Gaïaland !

 « La tribu et le gourou - Gaïaland », une série en 4 épisodes sur ARTE, relate l’invraisemblable aventure d’une bande d’écolos illuminés qui se sont laissés berner durant une quinzaine d’années par un charlatan, doublé d’un escroc, un dénommé Norman William aux multiples identités.

L’autoproclamé shaman s’est fait passer durant tout ce temps pour un descendant d’une tribu indienne du nord Canada, les « micmacs » (entre nous ça aurait dû leur mettre la puce à l’oreille !). Il a entraîné, jusqu’à une centaine de jeunes idéalistes, dans un délire fait de « shamaneries


», de marches insensées pour « sauver le monde », de campements sous des tipis au-delà du cercle polaire et en auto-suffisance alimentaire (!), le tout, déguisés en indien avec bandeaux dans les cheveux, cheveux nattés et plumes sur la tête. 

La série alterne entre documents d’époque (dont de nombreux films attestant du délire complet), témoignages poignants de plusieurs anciens membres de la secte, prises de vue actuelles des traces des campements, et très belles séquences d’effets spéciaux à tendance psychédélique. 

On s’interroge sur les ressorts du gourou. Il n’y avait pas, comme d’autres, de recherche d’un train de vie démesurée, bien qu’il ne s’interdise pas les dîners arrosés de grands crus dans les meilleurs restaurants, quand ses adeptes se nourrissaient avec une frugalité, qui confinait à l’indigence, de plantes sauvages. Croyait-il à son délire ? Que recherchait-il sinon le goût immodéré pour la domination ? Comment parvenait-il à trouver l’inspiration pour alimenter le flot de mensonges qu’il proférait avec une assurance sans faille (la séquence ultime où, invité dans une émission de télévision et sommé de s’expliquer sur les 3 morts de la secte, dont un enfant, ou ses fausses identités, il parvient à formuler des réponses lapidaires sans aucune émotion … et déguise en indien, est proprement sidérante).

On s’interroge aussi sur l’aveuglement des membres de la secte : comment perdre totalement sa lucidité malgré la bizarrerie des situations (l’une des anciennes adeptes ne cesse de dire « c’était bizarre mais pourquoi pas, on va essayer !) ? Par quel processus, des individus doués d’un niveau plutôt élevé de connaissances (le témoignage de la banquière et son interview quand, jeune, elle vient à la télévision défendre la secte, est édifiant), disposant d’une certaine capacité de réflexion, peuvent-ils abandonner tout libre arbitre au profit d’un mystificateur, qui plus est, ridicule.

Difficile de ne pas penser à Jesus et à sa bande de disciples. Le message de Norman William était du même ordre : sauver le monde en adoptant une vie en opposition avec celle de la société. Les « esprits » remplaçaient Dieu ; les cérémonies au son du tam-tam, les rites de l’Eglise. 

Les « Ecoouviens », du nom de la secte, ont fini par ouvrir les yeux quand le gourou leur a intimé l’ordre d’aller s’implanter sur une île du Cap Vert. Non, parce que c’était une île éloignée de tout, mais parce qu’il n’y avait pas de forêts et que leur trip à eux, était de vivre dans les bois !

Norman William a disparu de la circulation à la fin des années 90. Il aurait vécu au Nicaragua et serait mort en 2015, sans jamais avoir été condamné sérieusement pour ses méfaits.

mardi 14 novembre 2023

Le Lumen vitruvien




 Petite visite au pied levé sur le Plateau de Saclay par une matinée pluvieuse de novembre. Pas un temps idéal pour arpenter les grandes avenues plantées d’arbres déplumés, en pleine adolescence, et pour mettre en beauté les architectures de bétons tristes.

Quelques rares petites perles qui parviennent, malgré tout, à tirer leur épingle du jeu. 

Le tout récent Learning Center, baptisé « Lumen », de l’agence d’Emmanuelle et Laurent Beaudoin, est certainement celui qui s’en sort le mieux. Le bâtiment, devant lequel l’imposant ruban aérien du futur tramway esquisse une boucle de coté, comme une politesse, marque sa présence par l’élégance de sa résille blanche, immaculée ; le dessin sobre mais juste de celle-ci confère à l’ensemble une indicible pureté. C’est un édifice qui « chante » quand tant d’autres ici sont muets et même tristes.

Le plan du bâtiment se développe selon un tracé de paliers successifs qui s’ordonnent autour d’un espace central de type « cathédrale », magnifique ; ce dispositif en spirale offre de très belles perspectives, tant sur les salles intérieures que sur un paysage qui reste, pour partie, « en devenir ». La chaleur du bois clair largement présent sur les murs, et la clarté des espaces intérieurs, génèrent une atmosphère de très grande sérénité propice aux activités de lecture et d’étude.

Le « Firmitas, Utilitas, Venustas » de Vitruve trouve dans le Lumen sa traduction contemporaine.

jeudi 9 novembre 2023

« Humus » de Gaspard Koenig


 Si Bouvard et Pecuchet revenaient à l’époque actuelle, il n’est pas impossible qu’ils endosseraient les personnages d’Arthur et de Kevin, et qu’ils se frotteraient alors aux problématiques environnementales, s’interrogeraient sur les scénarios de durabilité et de consommation vertueux et, pourquoi pas, sur la protection des sols cultivables. 

Ils en viendraient certainement à explorer les techniques de permaculture et de vermicompostage, et se lanceraient probablement dans des stratégies foireuses comme les héros d’ « Humus », le roman grinçant mais assez jubilatoire de Gaspard Koening.

Ce dernier, brillant individu aux engagements politiques libéraux fortement prononcés, développe, tout au long des 380 pages du roman, une critique acerbe et souvent drôle de toutes les postures superficielles et ridicules, de tous les engagements inconséquents que notre société semble se plaire à inventer. Évidemment, le jeune gauchiste en prend pour son grade, les bobos et les écolos itou, mais aussi les « premiers de cordée » issus des grandes écoles et autres pantouflards sous les ors ministériels. 

Arthur et Kevin se sont connus sur les bancs de l’Agro dont les locaux ont été « déportés » sur le Plateau de Saclay « transformé en désert fonctionnel ». Une conférence d’un vieux professeur has been sur l’importance des vers de terre pour l’avenir de l’humanité et une intervention d’une start-up développant une app pour contrôler tous les paramètres d’un sol,  donnent aux deux jeunes compères l’idée de s’engager, chacun de son côté et dans des formules radicalement différentes, dans une démarche visant à régénérer les sols par l’élevage de lombrics et retrouver cet humus d’où l’homme fut extrait. 

L’un veut le faire en « cultivant son jardin » et l’autre est embringué, malgré lui, dans le développement d’un business censé rapporter une fortune. 

Mais l’utopie, le mensonge, la radicalisation et le marketing ne sont pas automatiquement des facteurs de réussite pour qui veut révolutionner le monde.

« Humus » est un roman éminemment picaresque dont la fin est totalement déjantée, mais aussi une ode à l’amitié et une attention vis-à- vis de la Nature.

Un petit régal aux accents houellebecquiens, nettoyés quand même d’une ou plusieurs couches de névrose, qui est bien représentatif de l’air du temps et qui aurait pu faire un Goncourt très honorable.

dimanche 5 novembre 2023

« Sarah, Suzanne et l’écrivain », d’Eric Reinhardt

 


Après un peu plus de 200 pages durant lesquelles je me suis souvent interrogé sur l’intérêt de ce livre, je me suis laissé emporter par ce triptyque qui, parti d’une histoire banale - une femme qui demande à un écrivain de lui écrire un roman sur un épisode dramatique de sa vie -, révèle la « fabrique du roman » avec une belle conjugaison des sources et de l’imagination du romancier, lequel n’hésite pas à puiser dans son propre imaginaire pour « inventer le réel ».

Le grand romancier portugais, Antonio Lobo Antunes dit du roman que ce n’est qu’une façon de réorganiser sa mémoire ; je crois que c’est insuffisant et que, si la mémoire de l’écrivain - ou plutôt son imaginaire propre qui correspond à une sorte de « mémoire augmentée », c’est-à-dire, une mémoire constituée des souvenirs auxquels s’additionnent les choses oubliées - est un ingrédient incontournable, l’art du roman nécessite un talent supplémentaire, comparable à celui des alchimistes ou des diamantaires : la transmutation de la matière brute en matière précieuse.

Éric Reinhardt, avec « Sarah, Suzanne et l’écrivain » démontre qu’il possède ce talent.

(Par ailleurs, je suis absolument d’accord avec lui quand il fait dire à Suzanne, voyant son mari vêtu d’une doudoune avec une capuche à bordure en fausse fourrure, que cet accoutrement fait « parvenu », voire agent immobilier.)

jeudi 2 novembre 2023

L’industrie agro-alimentaire m’a tuer !

 Résumé d’un article du Monde du 3 novembre :

L’alimentation représente au moins 15 % de la demande globale d’énergies fossiles selon une récente étude récente menée par la Global Alliance for the Future of Food.

Les étapes les plus consommatrices en énergies fossiles sont celles de la transformation et du conditionnement (42 %), suivies par la distribution et le gaspillage alimentaire (38 %). 

En vingt ans, la distance parcourue par notre alimentation s’est rallongée de 25 %, augmentant les émissions de gaz à effet de serre liées au transport. 

Nos régimes ont aussi évolué vers une consommation accrue de produits transformés, emballés et industrialisés, et la tendance a gagné les pays à faibles et moyens revenus.

Par ailleurs, la production d’intrants issus de la pétrochimie représente 20 % de la consommation agricole d’énergies et est en forte expansion pour la fabrication d’intrants chimiques et de plastique.

Pour sortir de la dépendance aux énergies fossiles, il est indispensable de développer l’agroécologie et les approches agricoles régénératives et, à titre individuel, d’opter pour une alimentation plus végétalisée et moins transformée.

Les principaux freins au changement sont les intérêts des grandes entreprises à maintenir le système actuel de dépendance aux engrais et aux pesticides.