vendredi 30 décembre 2016

"Chanson douce" est une de mes chansons préférées d'Henri Salvador. Le roman de Leïla Slimani, Goncourt 2016, reprend ce titre pour nous conduire dans un univers aux antipodes de celui de la berceuse du regretté chanteur antillais.
Je dois avouer ne pas être adepte de la lecture de la fin d'un livre avant d'en avoir parcouru l'intégralité des chapitres. Or, il suffit de lire les trois premières pages de "Chanson douce" pour être averti du cauchemar que les 224 suivantes vont s'employer à distiller par petites touches vénéneuses. Ce n'est pas mal écrit, bien sûr, et la névrose de la baby-sitter - une mélancolie délirante - a quelque chose de celle du locataire du film éponyme de Polanski. Autant dire que l'on sort de ce roman mal à l'aise.
Il est évident qu'on ne le recommanderait pas aux jeunes mères obligées de confier leur progéniture à une nounou ; surtout si celle-ci présente les meilleures références !
Voilà une lecture qui pourrait nous conduire à instaurer la suspicion comme ligne de conduite. Nous n'en ferons rien ! Comme l'architecture, la littérature est la volonté d'une époque, non pas traduite en espaces, mais en mots et en phrases. Quoi dire d'autre ?


mercredi 28 décembre 2016

Numéro 11

Dernier roman en date de Jonathan Coe, l'auteur de "Testament à l'anglaise" ou du délirant "La vie très privée de Mr Sim" dans lequel un VRP tombait amoureux de la voix de son GPS, "Numéro 11" se lit comme une succession de nouvelles dont le fil conducteur est le chiffre 11 (clin d'œil au numéro de la résidence du premier ministre anglais), comme autant de récits mettant en scène une petite dizaine de personnages dont les destins se croisent au gré de l'imagination de Coe.
Au fil des 444 pages du roman (l'éditeur, Gallimard, se serait-il aussi pris au jeu du chiffre 11 ?), l'auteur met en place un puzzle jubilatoire et grinçant qui compose en final un tableau représentatif d'une Angleterre où les ultra-riches vivent dans un quant-à-soi d'exclusion, 
Jonathan Coe s'applique à souligner l'absurdité, le dérisoire, et même le tragique d'un monde basé sur la télé-réalité, l'addiction aux réseaux sociaux, ou les manies des tenants d'une nouvelle aristocratie dont les codes sont exclusivement basés sur l'argent. Mais il sait aussi évoquer la profondeur et une certaine beauté intérieure de valeurs comme la solidarité, la connaissance, les liens familiaux ou d'amitié des gens "ordinaires".  
Composé comme un roman policier avec un suicide à résonance politique dès les premières pages et une série de disparitions mystérieuses dans les derniers chapitres, le livre s'achève sur une phrase simple et puissante à la fois, à méditer en ces temps de déresponsabilisation généralisée : "Au bout du compte, je crois, nous sommes tous libres de nos choix."

mercredi 9 novembre 2016

Défaite de la Raison

Paris, le 9 novembre 2016, 6H00 du matin.
La victoire de Donald Trump, l'agent immobilier, si elle se confirmait, serait une défaite de la Raison, une victoire du cynisme, du mensonge, de la malhonnêteté, de l'égoïsme, et de la haine de l'autre.
Mais elle s'inscrirait dans cette même "logique irrationnelle" qui parcourt le monde depuis quelques temps et qui conduit une fraction de la jeunesse à adopter des idéologies mortifères, la Russie à plébisciter un nouveau tsar, certains pays européens à se désolidariser d'une communauté de nations au prétexte de leurs seuls intérêts particuliers, la pensée d'extrême droite "décomplexée" à contaminer chaque jour davantage une Europe fatiguée, une gauche indignée à mourir étouffée dans l’œuf. 
Nous considérons avec condescendance et un mépris amusé les agitations démoniaques d'un dictateur nord-coréen, mais ne sont-elles pas le reflet, à peine amplifié, de nos propres agitations ? 
Le monde va mal. La célèbre parole de Jacques Chirac à Johannesburg en 2002 - "la maison brûle et nous regardons ailleurs" - pourrait être le slogan de notre époque. Notre maison, celle que nous avons hérité de ceux qui nous ont précédés, dont le chantier ne s'est pas déroulé sans accidents mais dont la progression, pierre après pierre, se fondait sur une certaine idée du bonheur, parfois maladroit mais le plus souvent généreux, se fissure et des pans entiers menacent ruine. Nous autres qui nous pensons humanistes, démocrates, intellectuels, avons oublié que les valeurs auxquelles nous croyons exigent une probité sans faille, un engagement autre que conceptuel. Notre maison qui avait pour vocation d'être ouverte s'est progressivement transformée en une tour d'ivoire du haut de laquelle nous ne cessons de contempler avec dépit les "autres".
C'est un très mauvais jour pour le monde et nous ne disposons d'aucune solution car nous n'avons rien fait, ou si peu malgré les multiples avertissements, pour nous préparer à cette échéance. 

lundi 26 septembre 2016

La succession, roman de Jean-Paul Dubois

Quand on referme le dernier livre de Jean-Paul Dubois, c'est un peu comme si on refermait une porte ouverte par effraction sur une pièce qui renferme des secrets intimes dans une odeur particulière, celle que pourrait prendre un cocktail improbable de malheurs, de bonheurs simples, de passions, d'aigreurs, de solitudes et d'amitiés, promenant son parfum indéfinissable de Toulouse au Pays Basque, et de la Floride au fjords imaginaires de Norvège.
Jean-Paul Dubois a une façon bien à lui de manier la plume, comme s'il œuvrait avec un canif dont chaque morsure dans la matière faconnait un univers composé de milliers de scènettes d'une précision diabolique.
C'est un livre noir avec des rayons de lumière qui le traversent par moment, comme lorsque le ciel est gonflé d'encre et que sur la mer - celle de la concha de San Sebastien par exemple - le soleil s'exerce à planté des banderilles d'or.
J'aime cette phrase : "... je me mis à pleurer comme un enfant parce que c'est la seule chose qu'un homme raisonnable puisse faire à un moment pareil."

dimanche 5 juin 2016

Retour du front (vénitien) ; l’architecture, un art populaire ?

«Quand les contraires travaillent ensemble, ils créent de la richesse et de la connaissance. Si la quête du savoir précède l’action, il y a évolution. Si la dynamique de l’action précède la réflexion, il peut y avoir destruction. » Mahabharata


Les forêts de Venise. Kjellander + Sjöberg
La Biennale d’architecture de Venise, c’est d’abord des chiffres : 2 sites principaux distincts, l’Arsenale (avec le bâtiment de la Corderie de plus de 300 m de long) et les Giardini, totalisant à eux deux une superficie d’environ 10 ha, 62 pays représentés, plus d’une trentaine d’évènements collatéraux dispersés dans la ville, 6 mois d’ouverture entre le 28 mai et le 27 novembre 2016, et plus de 200 000 visiteurs pour la précédente édition. Mais ce qui n’est pas quantifiable, c’est l’extraordinaire débauche d’imagination, d’énergie (et sans doute d’enthousiasme) qu’il faut aux participants (1000 ? 2000 ? davantage ?) pour produire toutes ces installations, tous ces écrits, films, maquettes, échantillons, livrés, avec souvent de remarquables scénographies, à la déambulation du visiteur qui, s’il n’a pas pris le soin de préparer un minimum son exploration, court le risque d’un étiolement rapide de sa sagacité. Impossible de rendre compte ici de tous les projets qui le mériteraient, et nous ne pouvons qu’inciter le lecteur à faire le voyage jusqu’à Venise. Place donc à quelques morceaux choisis en relation avec notre thème de prédilection : les rapports entre architecture et ingénierie.

“We need to consider value engineering options”
On ne pourra pas reprocher à cette 15ème édition de ne pas avoir placé sur le devant de la scène architecturale un certain nombre de thèmes liés étroitement à l'actualité et l'évolution du monde actuel : les crises migratoires, l'épuisement des ressources de la planète, la pollution, le gaspillage des produits, l’insécurité, les inégalités exacerbées, les catastrophes naturelles, les tensions violentes entre communautés, la croissance démographique, etc., constituent une sorte de fil rouge de la biennale. Leur seul énoncé pourrait conduire au plus profond des pessimismes.

lundi 16 mai 2016

Famous Blue Raincoat

Probablement l'une des plus belles chansons de Cohen ... avec une (très) libre traduction de Jean-Noël Spuarte.



Il est quatre heures du matin, fin décembre. Je t’écris juste pour savoir si tu vas mieux. New-York est glacial mais j’aime vivre ici. Il y a de la musique dans la nuit sur Clinton Street bien qu’il soit tard. J’ai entendu dire que tu avais construit une petite maison au fond du désert. Qu’il n’y avait plus de sens pour toi à la vie. J’espère que tu as quand même emporté là-bas un disque ou un peu de musique.

Et Jane est revenue avec une mèche de tes cheveux. Elle m’a dit que tu la lui avais donnée cette nuit où tu cherchais à voir clair en toi. Es-tu jamais parvenu à te connaître ?

La dernière fois que nous t’avons vu tu semblais avoir terriblement vieilli. Ton fameux imperméable bleu était troué aux épaules. Tu étais allé à la gare attendre un train, n’importe lequel, mais tu es revenu seul, sans Lili Marlène. Et puis tu as traité ma femme comme une paillette de ta vie. Quand elle est revenue ici, elle n’était plus  la femme de personne.

Je te revois là-bas avec une rose entre les dents, comme un petit voleur gitan. Tiens, Jane est réveillée. Elle t’envoie ses amitiés.

Que puis-je te dire à toi mon frère, mon meurtrier ? Que puis-je réellement t’avouer ? Je crois que tu me manques. Je crois que je te pardonne. Je suis heureux que tu aies croisé mon chemin. Si jamais tu dois revenir pour Jane ou pour moi, je veux que tu saches que ton ennemi s’est endormi. Je veux que tu saches que sa femme est libre.

Merci pour la peine que tu as ôtée de ses yeux. Je pensais qu’elle était belle ainsi, et je n’avais jamais essayé de lui retirer.

Oui, Jane est revenue avec une mèche de tes cheveux. Elle m’a dit que tu la lui avais donnée cette nuit où tu cherchais à voir clair en toi. Es-tu jamais parvenu à te connaître ?


Sincerely, L. Cohen

dimanche 15 mai 2016

L'héritage d'Esther de Sandor Maraï



Il y a dans ce court récit publié en 1939 une description remarquable de la relation entre un pervers narcissique, Lajos, et sa victime, Esther.
Celle-ci, désormais vieille et alors qu'elle se sent mourir, s'impose de relater l'histoire terrible qui l'a liée à deux moments de sa vie - jeune, à 25 ans environ, et puis 20 ans plus tard - à Lajos, un menteur, un mythomane, un escroc coureur de jupons, un velléitaire, une sorte de parasite nuisible dont elle était amoureuse.
Dès les premières lignes, le lecteur sait qu'Esther perdra la partie ; mais ce qui est troublant, c'est qu'elle accepte son sort comme une fatalité : "L'ennemi m'a rattrapée. Et je sais désormais qu'il ne pouvait faire autrement. Car nous sommes liés à nos ennemis - et ceux-là, à leur tour, se montrent incapables de nous échapper."
Il m'est difficile d'expliquer les raisons pour lesquelles je fais un lien avec le roman d'Imre Kertersz "Etre sans destin". Peut-être cette distance assumée avec le tragique que l'on retrouve dans les deux récits ?
Dans "L'héritage d'Esther" le lecteur assiste à la quête d'un prédateur. Mais personne n'est dupe de l'issue finale ; ni le fauve, ni la proie.
Lajos parvient à convaincre Esther de sa culpabilité dans la situation dont elle est victime. Il finit par accuser Esther de cet état de fait délétère par une démonstration d'une perversité subtile : "Et c'est toi, la fautive, Car en amour, le courage de l'homme est dérisoire. L'amour, c'est votre affaire, à vous autres les femmes... C'est seulement la que réside votre grandeur. Et c'est là que tu as échoué, d'une manière ou d'une autre - anéantissant par cet échec ton devoir, ta mission, le sens même de notre vie."
L'intelligence de Lajos - sa perversité - tient également dans sa lucidité quant à son personnage : "Au fond, j'ai toujours été faible. J'aurais voulu accomplir quelque chose sur cette terre - et je crois que je ne manquais pas tout à fait de talent. Mais l'intention et le talent ne suffisent pas. (...) Pour créer il faut autre chose ... une sorte de force ou de discipline particulière, où les deux à la fois, c'est cela, je crois, qu'on appelle le caractère."




Cette presque nouvelle est en réalité une immense étude en profondeur de l'âme humaine, une étude noire, pessimiste, peut-être prémonitoire de la Shoah avec cette question de la relative "docilité" du peuple juif vis-à-vis de ses bourreaux.



mardi 10 mai 2016

Kengo Kuma, architecte d'une nouvelle modernité ?


Pavillon de l'Arsenal, le 10 mai 2016. Conférence de Kengo Kuma.



Kengo Kuma, architecte japonais de 61 ans, introduit sa conférence en évoquant l'essence de sa démarche qu'il fonde sur la notion de "circulation" et de particules ; ces dernières constitutives d'un tout représentant les composants qui nous entourent et dont le mouvement correspond à la vie. Il évoque les travaux du philosophe et sociologue Bruno Latour*.

Le bois est l'un de ses matériaux de prédilection qu'il s'ingénue à travailler à la manière du Chidori, le "Kapla japonais", sans clou ni colle. 

Attentif à la relation entre la nature et les artefacts - dans l'esprit des estampes d'Hiroshige - il attache une importance extrême à privilégier les matériaux disponibles sur le site du projet. Son architecture se lit comme une composition de modules qu'il décline dans des arrangements précis voire précieux (trop précis et trop précieux eu égard le degré de qualité de l'exécution française ?). 

Il puise son inspiration dans une curiosité qui semble être en éveil permanent, qu'il s'agisse de la topographie du site ou de sa nature géologique, jusqu'à - plus insolite - des accessoires du quotidien tels que des parapluies qu'il peut astucieusement combiner, selon le principe de tenségrité, pour former un abri provisoire, ou encore ces jerrycans en plastique dont le détournement et l'assemblage lui permettent de réaliser des parois dans lesquelles il fait circuler de l'eau à différentes températures qu'il teinte et qu'il éclaire, produisant une dynamique colorée surprenante. 

Kengo Kuma est un architecte du détail, plutôt de la petite échelle (comme la plupart des architectes japonais ?), de l'assemblage étudié avec un soin maniaque, du dispositif mécanique minimaliste générant un système constructif, de la recherche d'efficience esthétique (son travail sur les parois légères isolantes). 

Il a la tentation de l'origami à l'image de ses deux projets parisiens, le musée Albert Khan et le bâtiment scolaire McDonald. Il n'a pas présenté son projet lyonnais réalisé sous le commandement d'un promoteur, et il a eu raison, car il n'est certainement pas un "architecte de promotion". Son travail s'inscrit dans une démarche porteuse de sens ; celui d'une certaine communion entre l'homme et la nature, une complicité qui relève de l'intime. Mais une démarche porteuse aussi d'une vérité puisée dans les règles du passé, la légitimité du temps et de la matière, appliquée à l'exigence du présent ; une architecture mystique en quelque sorte, mais qui n'hésite pas à tenter le grand écart en se mettant au service d'une marque comme Starbucks. 
En définitive, ce travail n'est-il pas représentatif d'une certaine vision - réaliste ? positive ? - de la modernité ?



* Lire à ce propos le texte "Donnez-moi un fusil et je ferai bouger tous les bâtiments" : Le point de vue d'une fourmi sur l'architecture.

lundi 9 mai 2016

"Les braises" de Sandor Maraï





Henri et Conrad furent deux amis indéfectibles du temps de leur jeunesse bien que tout les séparait, en particulier la fortune, le rang familial, et l'aisance en société. A présent, ce sont des vieillards qui ne se sont pas revus depuis quarante et un ans. Et pendant toutes ces longues années Henri, le plus fortuné et le plus mondain des deux, général à la retraite, a nourri à l'endroit de Conrad un désir de vengeance dont on découvre, page après page, qu'il est lié à Christine sa femme, disparue il y a 10 ans. Cette rencontre doit permettre au général de connaître enfin la vérité sur des faits qu'ils ont partagés tous les trois. Elle prend pour cadre le château d'Henri, un dîner qui se prolonge autour de la cheminée du salon où se consument les dernières braises d'un feu, métaphores de leurs existences.
Sandor Maraï livre une vision terrible de la vie au travers des regards que ces deux vieillards désenchantés portent sur leur passé. Une écriture sombre et magnifique, juste et essentielle, pour évoquer la passion, la trahison, l'amitié, la nostalgie, ou tout simplement la vie.

vendredi 6 mai 2016

Les républicains condamnés à Donald Trump

Extraits de l'éditorial de Monde daté du vendredi 6 mai 2016.
Donald Trump à ete porté par les nouveaux médias : réseaux sociaux et chaînes d'information en continu. Son humour, sa vulgarité, son refus de tous les codes du "politiquement correct" - attaques contre les femmes, les minorités raciales et autres, défense de la torture - y font fureur. Le style Trump a signé une campagne de dénonciation continue des élites dont les réseaux sociaux ont formé le véhicule médiatique idéal. En ce sens, Trump est un candidat "moderne", de son temps, celui du triomphe de l'info-spectacle. L'essentiel est, d'abord, de ne pas "faire ennuyeux". (...) "Le Donald" est un "commercial" : il vend de l'illusion, du rêve, de la nostalgie, du fantasme en paillettes façon dorures de machine à sous. En politique, on sait que ce n'est pas seulement dangereux. Cela peut tourner au tragique."

mardi 3 mai 2016

Morland... Mort lente ? Ou More Land ?



Le 2 mai 2016 au soir s'est tenue au Pavillon de l'Arsenal une conférence portant sur le projet lauréat du concours pour rénover l'ex-bâtiment de la Préfecture de Paris, autrement dénommé "Morland", dans le cadre de l'appel à projets innovants lancé par la Ville de Paris. L'architecte du projet, David Chipperfield, l'artiste auquel avait été confié la tâche de faire rêver l'attique de la tour, Olafur Eliasson, et l'investisseur, Laurent Dumas, président-fondateur d’Emerige, étaient présents pour l'occasion. Jean-Louis Missika, artisan de réinventer Paris, introduisait la conférence.



Dans la première partie de son intervention, David Chipperfield s'est employé à justifier la relation vertueuse que Paris avait su imposer entre le public et le privé ; par opposition à Londres qui a trop privilégié le second. Il n’y a pas d’incompatibilité entre le monde de la finance et celui de l’intérêt public, nous a exposé Chipperfiled ; la preuve : le projet de Morland. On peut s’interroger sur l’énergie déployée par l'architecte sur ce registre : était-il en service commandé après les polémiques que cet appel à projets a suscité dans le microcosme architectural qui a pointé du doigt la part belle faite aux investisseurs, au détriment des maîtrises d'œuvre peu ou pas rémunérées pour un travail long et exigeant ? Son insistance sur ce thème le laisserait supposer. Ou bien est-ce une conviction personnelle parfaitement en cohérence avec le "main stream" libéral actuel ?

mardi 26 avril 2016

Barack Obama. Discours du 25 avril 2016 à Hanovre. (Extraits)


"Nous devons défendre nos valeurs, pas seulement quand c'est facile, mais également quand c'est difficile.
En Allemagne, plus que partout ailleurs, nous avons appris que ce dont le monde avait besoin, ce n'est pas de murs supplémentaires. Nous ne pouvons nous définir par les barrières que nous érigeons pour empêcher les gens d'entrer chez nous ou d'en sortir. À chaque carrefour de notre histoire, nous avons avancé lorsque nous avons agi en fonction de ces idéaux éternels qui nous incitent à être ouverts les uns envers les autres, et à respecter la dignité de chaque être humain.

Et je pense à tous ces Allemands et à tous ceux qui en Europe ont accueilli ces migrants chez eux car, comme le disait cette femme à Berlin, "nous devions faire quelque chose" juste ce désir humain de voir la génération suivante entretenir de l'espoir."

dimanche 24 avril 2016

"L'inutile et le nécessaire". Echanges avec Rémy Butler à l'ESA. (Très) petit résumé.



Rémy Butler vient de sortir un livre : "Réflexions sur la question architecturale".
Il avait accepté de venir s'en entretenir avec un groupe d'étudiants ce samedi matin à l'ESA.
Pour Rémy Butler, il existe deux grands moteurs de la mutation du monde actuel : l'accroissement du nombre et l'accélération de la division intellectuelle du travail.
L'une des conséquences majeures du 1er facteur est le risque que les procédures "prennent le pas sur les choses".
Le second facteur interroge la notion de "tout et de parties". Dans le cadre de l'accélération de la division intellectuelle du travail, l'aspiration à faire un tout garde-t-elle sa pertinence ?
A l'occasion de l'échange, Rémy Butler a abordé quelques uns de ses thèmes de prédilection comme :
- A quoi sert l'architecture au-delà de la fonctionnalité ?
- La question de la cabane et de la tombe : le discours de la rationalité pour la première et la question du temps pour la seconde
- "L'inutile et le nécessaire" à mettre en perspective de la notion d'architecture
- La notion de sacré existe-t-elle encore dans notre société, et en particulier dans l'architecture, dont elle serait une composante essentielle ? La sacralisation du domestique n'est-elle pas à l'ordre du jour
?
Ajout quelques jours plus tard : comment n'ai-je pas pensé à évoquer "l'espace inutile" de Georges Perec dans son ouvrage "Espèces d'espaces" ?
Et puis, moins d'une semaine après cette conférence, c'est un autre architecte, Patrice Novarina, qui m'entête ait de cette "notion".
C'est décidé : "inutile" viendra s'acoquiner avec "doute" et "impasse" pour composer le triptyque de base de mon enseignement à la Cuture du Projet auprès des futurs ingenieurs.

Lettre à Frédéric Edelmann

Cher Frederic Edelmann,
J'aurais préféré adresser ce mail à votre consœur Marie Pellefigue (mais je n'ai pas son adresse) elle qui signe, dans le supplément "argents et placements" (?) du Monde daté de ce dimanche, quelques lignes à propos de la cité scolaire Paul Valéry dans le 12ème, sans juger bon de mentionner le nom des architectes (une image de synthèse illustre "l'article" sans indications non plus).
Je m'interroge :
1) Pourquoi ce type "d'article" figure-T-il dans ce supplément ? Peut-on y placer son épargne ? 
2) Pourquoi l'anonymat des auteurs ? S'agit-il d'un nouveau produit choisi sur catalogue ? Considère-T-on qu'il s'agit d'un paramètre accessoire dans la mesure où le nom des architectes n'est pas (encore) côté au Cac 40 ?

jeudi 7 avril 2016

La Grande Arche

« La Grande Arche », roman documenté de Laurence Cossé, évoque l'histoire tourmentée d'une sorte de créature fantastique née de l'imagination fulgurante de son créateur, le danois Johan Otto von Spreckelsen, architecte quasi-inconnu avant de se voir confier, par une grâce présidentielle, le cadeau empoisonné d'édifier ce qui devait être le point d'orgue du quartier d'affaires de La Défense.
Von Spreckelsen, dont le parcours architectural se résumait à l’époque de sa désignation à la conception de 3 ou 4 églises et de sa maison, dut boire la coupe de ciguë (presque) jusqu'à la lie et mourut prématurément, déchu volontaire de son œuvre, trompé par ceux-là même qui l'avaient soutenu, vaincu par le "Big business", écrasé par la masse de son projet autant que par la complexité de son exécution.
L’épopée aux accents tragiques de Laurence Cossé fera s'interroger les "hommes de l'art", cette tribu hétéroclite de politiques, financiers, architectes et techniciens dont la vie est attachée à la construction de tels ouvrages, même si la Grande Arche, ce "cube vide" sacralisé, reste un projet exceptionnel. Peut-être en tireront-ils quelques réflexions : que l'architecture est essentiellement un art, mais pas seulement, et qu'un bâtiment, aussi monumental soit-il, n’est pas réductible à une sculpture

Paris est une fête !



Il paraît que le monde en général, et la France en particulier, est en crise. Nous avons plus de 10 millions de chômeurs, un pourcentage croissant de la population vit dans une très grande précarité quand un autre pourcentage - celui des plus riches - affiche une santé indécente (les vases communicants ?). Pourtant, l'inauguration somptueuse de cette réhabilitation d'un ensemble immobilier en plein cœur de Paris, ne laissait pas deviner, ce jeudi soir, cette situation de crise. Nous étions un millier, paraît-il, à profiter du champagne à volonté, des barbes-à-papa au foie gras, des tartares de saumon, dorade ou autre bar préparés à la minute, des plateaux de petits fours salés d'une sophistication extrême qui se faufilaient au travers de la foule guidés par une armée de serveurs en livrées aux armes d'un traiteur réputé. Tumulte, luxe et plaisirs effrénés. J'y retrouvai des têtes connues et des parfums oubliés. Une dame au visage tuméfié par les interventions chirurgicales à répétition m'était présentée par une jeune femme moins torturée qui se fourvoyait avec une insouciance coupable dans la transaction immobilière des surfaces de bureaux inférieures à 2000 m2, exclusivement en "Première couronne". Un couple d'architectes déjantés mais sympathiques m'encourageaient dans mes activités paranormales d'écriture. Un promoteur endimanché dont la bouche imite à la perfection celle du canard de barbarie, refusait avec une moue dédaigneuse les assauts des petits-fours afin de préserver une silhouette obligée de se produire cet été sur une quelconque plage familiale des rivages de l'Atlantique. Un homme politique déambulait, d'un pas mal assuré, la bouche gavée de saumon fumé. De vieux faisans de la profession s'exerçaient maladroitement au jeunisme. De jeunes pousses s'employaient à faire adultes et considérés. Dans tous les recoins on découvrait une nouvelle attraction : des sommeliers prodiguaient leurs meilleurs conseils en offrant des crus remarquables à des palais ignorants ; un studio de photos vous embobinait dans un décor de rêve ; dans un patio exotique un orchestre de jazz produisait des standards que le bruit des conversations de salon couvraient sans scrupules. Il est probable que certains trésors de cette caverne d'Ali Baba m'ont échappés. Des obligations familiales m'obligèrent à prendre bientôt congés de ces festivités aberrantes avant que les régiments de petits-fours - sucrés cette fois - ne se sacrifient sur le champ de bataille de cette assemblée satisfaite.


Circulant dans les rues de Paris dans l'habitacle douillet de mon véhicule, je remarquais sous les portes cochères des amas de linges sales, des tas d'ordures, des empilements hétéroclites d'où surgissait parfois une hypothèse de vie humaine. Alors une envie furieuse m'a tiraillé d'appeler cette tribu de congédiés de l'existence à une insurrection violente. Et puis, passées quelques minutes, ma lâcheté ordinaire a repris le dessus me poussant mollement à renoncer : que pouvais-je bien y faire ?

mercredi 30 mars 2016

Henry James




Henry James est un auteur americano-anglais qui aurait mieux fait de le rester. Comment qualifier son écriture sinon par le terme "emmerdifiant" ? Un peu comme cette musique de supermarché ou de transport aérien : neurasthénique. Il est possible de trouver à Henry James quelques circonstances atténuantes : son père était infirme, sa sœur victime de crises de démence, et, pire, son frère aîné se mit en tête d'inventer un nouveau courant philosophique ; donc, des circonstances atténuantes, mais certainement pas celle de s'être employé à écrire des histoires de 50 pages qui pourraient tenir en une quinzaine de lignes,  au terme desquelles le lecteur - même le plus indulgent - n'est pas plus avancé qu'en entamant le récit quelques minutes auparavant puisque l'auteur lui-même y semble totalement perdu, multipliant les circonvolutions, comme un noyé les gestes désespérés, pour tenter de se sortir de son affaire. Henry James a le talent de parvenir à rien en partant de nulle part après s'être égaré dans pas grand chose en nous faisant croire qu'il connaissait le chemin du retour. Mais pas du tout !
Il était passablement névrosé, et plutôt que de la garder pour lui, sa névrose, il a poussé le cynisme à vouloir contaminer ses lecteurs. Tout roman d'Henry James devrait être prescrit aux insomniaques et remboursé par la sécurité sociale pour ses vertus thérapeutiques.
Dans "La tâche dans le tapis", d'aucuns y ont vu le mystère indicible du talent de l'écriture dont le secret ne peut être percé que par l'intimité intellectuelle, alors qu'en réalité, Henry James s'est employé, et malgré lui (en dépit de son plein gré, si vous voulez), à développer une autocritique courageuse de sa production littéraire, affirmant (sans affirmer bien sûr) entre les lignes (et jamais sur !) qu'il n'y avait désespérément rien à trouver dans ses intrigues interminables qui se mordent la queue.
Évidemment tous ces propos n'engagent que moi, et j'ai bien conscience de me positionner en iconoclaste face aux hordes d'inconditionnels des sacs de nœuds.

samedi 2 janvier 2016

La nuit du bûcher de Sandor Maraï

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Sandor Maraï (1900-1989)

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Un homme d’origine espagnole, ancien moine-inquisiteur, écrit depuis Genève une longue lettre à son frère qui vit à Avila en Espagne. Nous sommes en 1600. Cette lettre est le récit de son expérience des seize mois qu’il vient de passer à Rome auprès de la Sacrée Congrégation de l’Inquisition romaine. Il y a reçu un enseignement précis et rigoureux des méthodes déployées par les exécutants de l’Inquisition, dans les rangs desquels chacun à un rôle particulier à tenir, pour traquer l’hérésie partout où elle est susceptible d’exister. Il a partagé à plusieurs reprises les heures d’attente des confortatori – les confortateurs -, moines ou simples bourgeois, qui sont volontaires pour intervenir ultimement, juste avant que le supplicié soit conduit au bûcher, pour tenter de lui faire abjurer son hérésie. Mais jamais il n’a pu pénétrer dans le Château Saint Ange, où sont reclus les prisonniers les plus célèbres,  pour assister à ces derniers instants avant l’exécution finale. A la veille de son départ de Rome, on l’autorise à accompagner cette troupe sinistre qui doit tenter de sauver un « hérétique d’une engeance incomparablement plus tenace que n’importe qui » : Giordano Bruno. Cette expérience constitue une révélation pour l’inquisiteur novice.