mercredi 9 novembre 2016

Défaite de la Raison

Paris, le 9 novembre 2016, 6H00 du matin.
La victoire de Donald Trump, l'agent immobilier, si elle se confirmait, serait une défaite de la Raison, une victoire du cynisme, du mensonge, de la malhonnêteté, de l'égoïsme, et de la haine de l'autre.
Mais elle s'inscrirait dans cette même "logique irrationnelle" qui parcourt le monde depuis quelques temps et qui conduit une fraction de la jeunesse à adopter des idéologies mortifères, la Russie à plébisciter un nouveau tsar, certains pays européens à se désolidariser d'une communauté de nations au prétexte de leurs seuls intérêts particuliers, la pensée d'extrême droite "décomplexée" à contaminer chaque jour davantage une Europe fatiguée, une gauche indignée à mourir étouffée dans l’œuf. 
Nous considérons avec condescendance et un mépris amusé les agitations démoniaques d'un dictateur nord-coréen, mais ne sont-elles pas le reflet, à peine amplifié, de nos propres agitations ? 
Le monde va mal. La célèbre parole de Jacques Chirac à Johannesburg en 2002 - "la maison brûle et nous regardons ailleurs" - pourrait être le slogan de notre époque. Notre maison, celle que nous avons hérité de ceux qui nous ont précédés, dont le chantier ne s'est pas déroulé sans accidents mais dont la progression, pierre après pierre, se fondait sur une certaine idée du bonheur, parfois maladroit mais le plus souvent généreux, se fissure et des pans entiers menacent ruine. Nous autres qui nous pensons humanistes, démocrates, intellectuels, avons oublié que les valeurs auxquelles nous croyons exigent une probité sans faille, un engagement autre que conceptuel. Notre maison qui avait pour vocation d'être ouverte s'est progressivement transformée en une tour d'ivoire du haut de laquelle nous ne cessons de contempler avec dépit les "autres".
C'est un très mauvais jour pour le monde et nous ne disposons d'aucune solution car nous n'avons rien fait, ou si peu malgré les multiples avertissements, pour nous préparer à cette échéance.