Il faudra retenir la date du 6 mai 2024 : un poète est né. Jean-Michel, dans sa fulgurance, a écrit cette petite poésie qu'Everybody Knows, à cet instant, immortalise dans l’espace sidéral.
Funeste
Derrière la fenêtre,
La chatte dans son arbre à chats
Observe, pousse des petits cris,
Assez effrayants pour l'oreille humaine.
Me rapprochant de cet observatoire,
Je vois l'objet de son courroux.
Dans l'acacia, quelques oiseaux picorent des graines
Disposées à cet effet.
Répondant à son désir,
Je lui ouvre la fenêtre,
Libérant ainsi son instinct de prédatrice.
Funeste initiative.
Ce matin, quand j'accède au "magasin de presse", j'ai l'impression d'embarquer dans un navire à quai : un vieux loup de mer - probablement un capitaine au long cours - reconnaissable à sa casquette de marin, effectue ses derniers achats de magazines avant de larguer les amarres, quand un autre - sans doute un simple matelot coiffé, lui, d’un simple bonnet - déambule entre les gondoles du kiosque d'un pas hésitant, jetant un regard las sur l’ordinaire du monde composé principalement de starlettes et de monstruosités (Céline Dion - le grand retour -, Hanouna - son amour caché -, Rachida Dati -le combat pour sa fille -, Depardieu -énorme -, Marion MLP - à quitte ou double -, etc.).
Je tente d'entendre le bruit des vagues et des goélands, mais seuls, le roulement d’un train sans arrêt et le chant des merles sont perceptibles. Le chant des merles : c’est déjà ça !
Notre passeur a mal au dos. On oublie que le métier de libraire impose quotidiennement la manipulation de colis d’une dizaine de kilos. Que fait la CGT ?
Je ne suis pas libraire, mais j’ai aussi mal au dos. Pour ma part, ce sont des exercices visant à apprendre à ma petite-fille à faire du vélo qui m'ont démonté 4 vertèbres (au minimum).
Une Mireille vient faire ses emplettes après les matafs. Ce n'est pas celle du "Petit conservatoire" : je l'aurais reconnue.
Jean-Michel me demande le titre du bouquin qu'il m'a passé, écrit par un de ses clients. Le titre exact, je ne m'en souviens plus. "Le voyage à Berlin" ? Le thème évoque le fourvoiement d'un certain nombre d'intellectuels français vis-à-vis du régime nazi. Moralité : il ne faut pas toujours croire les intellectuels !
Il me dit que ce livre intéresserait l'homme qu'il me désigne et qui est assis à la table des habitués (absents à cette heure). "Un passionné de surveillance. Il a écrit plusieurs livres."
Formidable ; je vais l'interroger (à défaut de l'avoir à l'œil).
Il se prénomme Olivier. Il me présente Béatrice qui est à ses côtés et qui prend un bain de soleil (à défaut de bain de mer). Olivier à interrogé la perception que nous avons de la notion de surveillance depuis les temps anciens jusqu'à aujourd'hui. Ce n'est pas un travail technique mais plus essentiellement "anthropologique" ou "ethnologique".
Je lui parle de mon "admiration" pour le régime chinois qui développe la vidéosurveillance par reconnaissance de silhouette. "Admiration" née suite à l'observation des promeneurs sur la plage : nous avons tous une démarche spécifique. Beaucoup plus forte que la reconnaissance faciale qui exige un certain rapprochement. Là, vous identifiez un gusse à 500 mètres ! Et s'il traverse en dehors des clous, vous le privez de vacances, illico. Je ne suis pas loin de penser qu'un certain nombre de mes contemporains seraient près à céder leur liberté au profit de la sécurité. C'est un autre débat.
Olivier est enseignant ; il a aussi monté des ateliers d'écriture. Est-ce que ça m'a jamais tenté ces ateliers d'écriture ? En temps qu'élève, à vrai dire, non. Pourquoi pas en encadrer ? Peut-être. J'écris tous les jours et d'aucuns rapportent que je n'écris pas trop mal...
Olivier me propose de me passer un de ses livres. L'imbécile (le goujat ?) que je suis ne sait lui répondre que : "non, je risque de ne pas le lire...trop de bouquins à lire actuellement." Quel con !
Alors qu'Olivier et Béatrice ont pris la peine d'acquérir un Opus3 !
Je me rattrape un tantinet quand Béatrice déclare que j'ai tort de ne pas vouloir lire le travail d'Olivier ; c'est une "archéologie de la surveillance".
"Oui, alors je le lirai…", que je dis.
Olivier me demande quels sont les auteurs que je lis et que j'apprécie. Je lui cite Aaron Happenfeld, Léonardo Padura, Javier Cercas, Almudena Grandes, mais aussi Garcia Marques, le dernier Goncourt, Jean-Baptiste Andrea, Ahmet Altan, …
"Le Consentement" de Vanessa Springora m'a "scotché". "Proust, roman familial" : j'ai "adoré" (comme on dit maintenant). J'aurais pu lui citer : Antonio Lobo Antunes (pas les derniers), Echenoz, Jean-Philippe Toussaint ("L'Echiquier", lu dernièrement). J'aurais pu lui dire que "L'enragé" ou "Fils de salaud" de Sorj Chalendon : magnifiques ! "Le mage du Kremlin" et "Les ingénieurs du chaos" de Giuliano de Empoli : formidables ! (Les ingénieurs du chaos" devrait plaire à Olivier).
S'il va sur mon blog, il aura quelques idées.
Bon, au moins, je n'ai pas poussé la goujaterie jusqu'à m'enquérir sur leurs avis quant à ma production !
J'essaierai de faire meilleure impression la prochaine fois. Enfin, d'être moins con ! Il y a des coups de pied au cul qui se perdent !
Si un poète est né aujourd’hui, un autre est mort ce même jour. Bernard Pivot était-il un poète ? Il aurait probablement réfuté cet honneur. Amoureux insatiable des mots, voilà ce qu’il disait dans un "Hors-champ", des paroles que je trouve sublimes : « Ce que je trouve extraordinaire, c’est qu’il a des êtres étranges qu’on appelle des écrivains et qui prennent les mots et qui en font des phrases, et ces phrases ont plus de talent, plus de charme, plus de force que des phrases d’autres personnes. Ces gens-là sont des artistes. »
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