samedi 23 mai 2020

"Parcours d'un jeune de Mancey 1939-1945 Georges Duriaud" de Gérard MORIN

Mancey est une petite commune de Saône-et-Loire, située à 7 km à l'ouest de Tournus et sensiblement à mi-chemin entre Mâcon et Chalon-sur-Saône. On est ici en Bourgogne dans les côtes vallonnées du Mâconnais, un territoire encore très agricole où les vignes produisent des "petites" cuvées à la modestie sympathique, en retrait des grandes appellations plus septentrionales de la Côte de Nuit ou de la Côtes de Beaune.
Ce caractère de simplicité et d'authenticité, on le retrouve dans le récit écrit par Gérard Morin qui a voulu rendre hommage à l'un de ses voisins, Georges Duriaud qui va avoir 100 ans en janvier prochain.
Georges n'a que 23 ans quand sa vie bascule avec son engagement dans le maquis. Issu d'une famille d'agriculteurs - le livre décrit parfaitement, dans le détail et avec les termes locaux, la vie de ces gens rythmée par les saisons, au plus près de la nature, des "gens de peu" pour reprendre l'expression de Pierre Sansot - le jeune Duriaud, davantage rompu aux travaux des champs, se retrouve du jour au lendemain dans la peau d'un braqueur de perceptions, à coucher dans les forêts de Brancion, à apprendre le maniements des explosifs et des armes de guerre, à être traqué par la milice et les soldats de l'occupant.
Le livre alterne les souvenirs de ce jeune résistant et les temps forts de la guerre de 39-45. Il comporte un grand nombre d'illustrations et de photos. C'est en particulier très émouvant de regarder le visage de ces jeunes femmes et de ces jeunes hommes - ils n'ont pour la plupart pas 30 ans - et de lire leurs destins, souvent tragiques.
Georges Duriaud est l'un de ces héros anonymes - comment se fait-il qu'il ait fallu qu'il attende d'avoir 77 ans, 53 ans après la fin de la guerre, pour être fait chevalier de la Légion d'honneur ? - dont il est bon et utile de rappeler le parcours, loin de la "société du spectacle" et pourtant tellement essentiel.
Gérard Morin, désormais écrivain et éditeur, a pris le temps de l'écoute et de la recherche pour nous faire partager ce témoignage édifiant. L'exemple d'un otium placé sous le signe de l'amitié. On attend d'autres opus !


dimanche 17 mai 2020

"Nous avons les mains rouges" de Jean Meckert

Nous avons les mains rouges de Jean Meckert - EVADEZ-MOIJean Meckert (1910-1995) est un auteur prolixe (plus d'une trentaine de romans) salué par des grands noms de la littérature tels Gide, Queneau ou Martin du Gard.
"Nous avons les mains rouges" a été publié en 1947. Il s'agit de son quatrième livre après "Les coups" paru en 1940. Le thème central traite de l'épuration après la fin de la seconde guerre mondiale. Laurent, tout juste sorti de deux ans de prison pour un meurtre suite à une bagarre, se retrouve embarqué dans une drôle d'association de justiciers à la tête de laquelle figure un héro de la résistance, M. d'Essertaut, propriétaire d'une scierie. Les deux filles de ce dernier, la plus jeune, sourde et muette, Christine, et une militante passionnée, Hélène, le pasteur Bertod, et Armand, un colosse au passé de détenu comme Laurent, complètent le groupe qui entend régler leur compte à tous ceux qui ont su profiter des années de guerre pour prospérer et disposer à présent de situations confortables.
Mais les règlements de compte vont au-delà de la simple menace ou de la correction : il s'agit le plus souvent d'exécuter les profiteurs.
Laurent, sans attaches particulières, sans argent, trouve dans la famille d'Essertaut un gite, un travail dans la scierie et un flirt en la personne de Christine. Il découvre peu à peu les agissements du petit groupe auquel sont associés d'autres anciens camarades de la Résistance. Si au début, il parait réfractaire à toute cette folie, il finit par y adhérer par faiblesse et par amitié pour Armand qui l'a pris sous sa protection.
Jean Meckert évoque une période trouble de l'histoire de France où certains se sont érigés en justiciers commettant des crimes odieux au prétexte d'avoir risqué leur vie pendant les six années de guerre. Mais il dresse aussi le portrait d'une société toujours prompte à trouver un bouc-émissaire.
"Nous avons les mains rouges" est un très grand roman d'un auteur injustement méconnu aujourd'hui.