Enfin le soleil ! Jean-Michel me menace dès mon entrée dans son univers : « je ne te dirai plus rien… Lagardère !… »
J’essaie d’amadouer le bougre avec l’opus2 d’Apprentissage. Rien n’y fait. Et en plus, je lui ai dédicacé : il va Une première cliente, une toulousaine dont l’accent chantant évoque le cassoulet (qu’elle préfère manger que faire, nous précise-t-elle). Nous échangeons des informations essentielles sur le cassoulet : le meilleur qu’il a jamais dégusté, c’est à Carcassonne pour Jean-Michel, pour moi, c’est bien à Toulouse ; en attendant Castelnaudary. A propos de ce cassoulet toulousain, une anecdote.
C’était au temps jadis où j’étais encore en activité (professionnelle). J’avais été invité à Toulouse par une entreprise de BTP avec laquelle nous avions monté une équipe pour un concours hospitalier. Nous étions une bonne douzaine à avoir effectué le déplacement. L’objet était de visiter le site de l’hôpital afin de bâtir une stratégie de conception. Tout ça me paraissait prématuré compte-tenu du fait que notre candidature n’avait même pas encore été sélectionnée pour concourir. Le commercial de l’entreprise de BTP, garant de la stratégie, balayait d’un revers de main mes doutes sur cette hypothèse, pour lui infondée, de ne pas être retenus. Le jury de sélection devait se réunir le jour-même. Je disposais d’une « antenne » au jury qui devait m’alerter sur le choix.
Après la visite, nous (architectes, bureaux d’études, entrepreneurs) nous nous attablons dans un restaurant pour nous délecter, après quelques charcutailles, d’un cassoulet véritablement d’anthologie. L’ambiance va crescendo au rythme des bouteilles qui défilent allègrement. Les plats de cassoulet sont gigantesques. L’appétit des convives paraît inextinguible, à la hauteur de leur soif.
J’ai pris soin de placer mon portable dans la poche de mon pantalon en position « vibreur », afin de ne pas rater l’alerte de mon « antenne ». Au moment où le serveur est en passe de prendre les commandes pour la croustade flambée, je m’éclipse de la table ; ça vient de vibrer dans mon pantalon (le portable, rien d’autre… esprits lubriques !). Je prends l’appel et l’annonce redoutée pénètre jusqu’à mes trompes d’Eustache, avant de galoper jusqu’à mon cerveau, pour ensuite parcourir l’ensemble de mon corps d’un flux nerveux plutôt désagréable (en fait, je pressentais la nouvelle et je m’en foutais d’ailleurs un peu). Nous ne sommes pas retenus !
Je reviens à la tablée des joyeux drilles encore dans l’ignorance et décline la croustade (l’appétit n’est plus vraiment là). Je choisis de maintenir confidentielle la nouvelle afin de ne pas gâcher l’enthousiasme général, alors même qu’un tonnerre d’applaudissements accueillent le serveur, armé d’un plat à nouveau gigantesque d’une croustade qu’il fait flamber in petto.
Je suis tenté par écrire que les reflets des flammes dévoraient les visages rubiconds des hôtes de ce cénacle, mais vous seriez susceptibles de ne pas me croire et de trouver ma prose exagérée. Et vous auriez raison.
J’ai attendu que le commercial ait réglé l’addition, que tout le monde y soit allé de ses remerciements les plus avinés envers notre bienfaiteur, pour tirer sur la bobinette de la douche (bien froide) et leur annoncer la nouvelle. Ce n’est pas le meilleur rôle que de jouer les Cassandre et les briseurs de rêve. Dans mon fort intérieur, je dois avouer que j’éprouvais malgré tout une petite satisfaction : j’avais bien fait de ne pas commander de croustade…
Vous allez me dire que je me suis éloigné du kiosque, à la fois dans le temps (une vingtaine d’années en arrière) et dans l’espace (Toulouse versus Becon). Ah ! L’espace et le temps ! L’Alpha et l’Omega de l’architecture (pour les curieux, lire Gédion).
Alors, quoi cafarder de mon passage ce matin ?
Un jeune homme qui grappille 6 ou 7 journaux et magazines, dans un assortiment hétéroclite allant de Libération au Figaro Magazine ; autant dire, une revue de presse grand écart. Il nous avoue qu’il a un fils, né aujourd’hui, et qu’à chaque naissance il compose un cocktail de la presse du jour pour que dans 20 ans…
Une jeune femme (un peu moins jeune) s’empare des Echos et du FigMag (encore !) tout en informant Jean-Michel qu’elle revient d’une dizaine de jours aux US, pour le mariage de sa nièce, que la température était idéale (sous-entendu : pas comme ici… certainement par la faute d’Anne Hidalgo), qu’elle n’avait pas revu sa sœur depuis 6 ans, etc.
C’est extraordinaire comme Jean-Michel peut recueillir les confidences.
Trop tôt pour les habitués. Je file !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire