Ci-dessous un texte que l'on m'avait demandé d'écrire pour une revue dont le thème central était l'Ile de France. J'avais "quartier libre" (ou "carte blanche" ?)!
Quoi de neuf ? L’Ile de France, bien sûr ! Dans « Ile de France », il y a « île ». Ça me plait bien. Mais « France » aussi, je ne suis pas ingrat. Je ne vous cache pas qu’il existerait « Ile du Monde », que je trouverais ce nom assez joli également.
Mes premiers souvenirs correspondent à un paysage insulaire. Avez-vous remarqué ? Le mot « île » est une réconciliation définitive des genres ; le masculin et le féminin, sans histoires, juste en trois lettres. Mon île était de granit rose avec des mimosas, des crêpes beurre-sucre, El Campesino, et un requin-pèlerin échoué sur le port. On prenait alors les touristes pour des voyageurs. L’authentique n’était pas encore pittoresque. A l’Ascension, le sol des rues se parait de pétales multicolores. On buvait du Pam-pam et le cidre était encore élaboré sur place. Les morts du cimetière marin bénéficiaient d’un bain posthume aux marées d’équinoxe. Les marins vivants noyaient leur ennui dans des tournées de mauvais vin.
Les îles exercent sur moi un pouvoir d’attraction un peu sorcier.
Quand je me promène le long de la Seine, du côté des îles Saint Louis et de la Cité, je pense à Venise. J’imagine la ronde des vaporettos frôlant les quais de pierre, les traversées périlleuses de traghettos au Pont-Neuf, la parade des Rivas sous les ors distants de la Tour d’Argent.
Quand je suis à une terrasse de l’île de la Jatte, je pense à Mopti. J’imagine que je suis à la terrasse lacustre du Bar Bozo. J’ai devant moi le spectacle biblique de ces immenses pinasses bariolées qui sillonnent le Niger. J’écoute Baudelaire : il y a une sorte de plaisir mystérieux et aristocratique pour celui qui n'a plus ni curiosité ni ambition, à contempler, couché sur le belvédère ou accoudé sur le môle, tous ces mouvements de ceux qui ont encore la force de vouloir, le désir de voyager ou de s'enrichir."
Quand je flâne au cimetière des chiens d’Asnières, sur une terre orpheline de son fleuve, je pense au Burkina, comme une île délaissée par le monde entier. Il doit faire 40°C à l’ombre d’un baobab. Je ne sais plus ce que j’attends. Et je revois cette petite fille Mossi surgit de nulle part m’apporter un peu d’eau trouble dans une calebasse car elle sait que je dois avoir soif.
Quand je m’introduis dans le jardin ouvrier de l’île Saint-Germain, face aux ruines du « Crach des ouvriers », je pense à ces images oubliées en noir et blanc, aux paupières encore lourdes, aux gamelles en fer blanc suspendues au bout des bras, aux ombres résignées venues d’autres horizons qui se glissaient en trois-huit derrière des postes mécaniques.
Quand je suis dans l’île aux cygnes, pourquoi mes pensées vont-elles vers Siem-Reap ? Je suis au sommet du temple d’Angkor, comme au sommet d’une île émergeant d’un océan végétal. Le soleil se couche sur la jungle. Entre les pierres immobiles, se faufilent, furtives et silencieuses, des pièces de tissus couleur safran.
Quand je suis … je vous avais prévenus : les îles exercent sur moi un pouvoir d’attraction un peu sorcier.
Ici on tente de s'exercer à écrire sur l'architecture et les livres (pour l'essentiel). Ça nous arrive aussi de parler d'art et on a quelques humeurs. On poste quelques photos ; celles qu'on aime et des paréidolies. Et c'est évidemment un blog qui rend hommage à l'immense poète et chanteur Léonard Cohen.
dimanche 31 janvier 2010
Le centre commercial de Sens ou l'application de la "fonction oblique"
Petit détour ce samedi au Carrefour de Sens, non pour pousser le Caddie, mais pour voir de mes yeux vus l'œuvre de Claude Parent.
1er constat : vu de l'extérieur, on est bien dans une application concrète du concept de la "fonction oblique" ; l'horizon est incliné à une quinzaine de dégrés, pas de doute !
2ème constat : le clou du spectacle - la circulation principale latérale - du centre commercial est déserte, vide au rez-de-chaussée et condamnée au 1er étage
3ème constat : le "derrière" de l'œuvre s'apparente joliment à une base sous-marine (barbelés compris) ; plantée ici, dans une banlieue provinciale peuplée de pavillons et d'immeubles de logement social bâclés, ça fait des frissons dans le dos !
"Le Llano en flammes" de Juan Rulfo
Il y a un point commun entre Jerôme David Salinger et Juan Rulfo : le premier est resté silencieux 45 ans, de 1965 jusqu'à sa mort récente le 28 janvier ; le second a cessé d'écrire en 1955, à la parution de Pedro Paramo, jusqu'à sa mort en 1986, soit 31 ans (seulement !) de silence. Mais Rulfo est mort jeune (68 ans) quand Salinger a vécu jusqu'à l'âge de 91 ans.
Autre point commun : le mythe ; celui qui a entouré ces deux écrivains, mythe alimenté par ce destin insensé et presque inacceptable qui a privé l'humanité de tous ces écrits jamais écrits, et dont on peut imaginer la qualité (seulement l'imaginer, ce qui ne signifie d'ailleurs rien sauf un regard stérile sur cette absence).
"Le Llano en flammes" est un recueil de 17 nouvelles dont la première "On nous a donné la terre" parait en juillet 1945 dans un revue littéraire provinciale "Pan". C'est en 1953, 8 ans plus tard, que le livre rassemblant les 17 textes est édité. Deux ans plus tard c'est Pedro Paramo. Ces deux livres connaissent un succès mondial.
Pour comprendre "le Llano en flammes", il n'est pas forcément utile de connaitre l'histoire de cette période trouble du Mexique (1925-1929), appelé la "guerre des cristeros", tant l'écriture est d'une force et d'une beauté exceptionnelles. Mais ce point de vue historique permet, évidemment, d'enrichir le plaisir de la lecture. Savoir également que le père de Juan Rulfo a été assassiné en 1924, juste avant cette guerre, et que son grand-père a été pendu par des bandits, les pouces arrachés, constituent des éléments supplémentaires pour comprendre l'extraordinaire atmosphère des récits, et le génie littéraire de Rulfo dont la plume est trempée à l'encre du vécu, du tragique et de la douleur.
JMG Le Clézio qui signe la préface de l'ouvrage rappelle qu'un des amis de Rulfo avait dit de lui qu'il était un "escritor nato".Il ajoute : "Le Llano en flammes" brûle dans la mémoire universelle, chacun de ses récits laisse en nous une marque indélébile, qui dit mieux que tout l'absurdité irréductible de l'histoire humaine, et fait naître la ferveur de l'émotion, notre seul espoir de rédemption."
J'inscris "Le Llano en flammes" parmi les plus grands livres qu'il m'ait été donné de découvrir. Merci à nos amis "les 2 Michel".
vendredi 29 janvier 2010
Histoires (vraies) de parking
Une heure et presque trente minutes à rechercher ma voiture dans un p... de parking glauque un soir après le boulot. Des hectomètres de tunnel en béton arpentés avec mon sac de 5 kg en bout de bras et le "bip" de la bagnole dans l'autre main ; lequel jette des rayons invisibles à la face de toute cette population de tôle et pneumatique, alignée, impitoyable, qui me regarde avec des yeux de phare, et d'où n'émerge aucun signal lumineux qui m'indiquerait la fin de ma déshérence souterraine. Des rampes visqueuses, des niveaux blafards, des sas huileux, des escaliers sordides et des ascenseurs contaminés de tabac froid qui ressemblent à des rampes visqueuses, des niveaux blafards, des sas huileux, des escaliers sordides, des ascenseurs contaminés de tabac froid. Tiens, j'ai déjà vu cette Audi noire recouverte d'une housse de poussière sale, un peu mafieuse, dans laquelle un doigt jaloux à griffonné le mot "zob" ; ces flaques aqueuses qui me renvoient au passage une silhouette de Jésus flottant sur les eaux, abandonné de tous et qui m'indiquent pour la énième fois que je dérive dans le 5ème et ultime sous-sol ; un désespoir de spéléologue inexorablement coincé dans un boyau dont il vient de constater l'occlusion définitive par un bloc de terre s'empare de moi. Je m'égare dans le 5ème cercle de l'Enfer de Dante ; Lucifer lui-même a du viser les plans de cet espace diabolique.
J'abdique, je renonce, je remonte à la surface, au pays des survivants. La tôle de la cabine de l'ascenseur est graffitée d'insanités. Normal : l'homme a besoin de sexe primer. Le plafonnier est merdeux et en plus il clignote. Heureusement il n'y a pas de miroir. C'est des coups à se faire peur. Et voilà que l'appareil s'arrête brutalement au -2 alors que je l'avais programmé pour l'étage supérieur. Les portes coulissantes coulissent et un type hirsute qui fait irruption et me gueule : "t'as pas un euro, M'sieur ?" Il est jeune, barbu, enveloppé dans des bouts de toiles comme une momie profanée. Si on ne voit rien de son visage tellement il est barbu, on le sent, son visage ; une haleine plus que fétide flotte dans l'espace exigu, et ce n'est pas de la truffe ! Ce type, il ressemble à une sorte de boule de poils posée sur une pile de linge dégueulasse. C'est un amas à lui tout seul. Je vérifie qu'il ne porte pas de tronçonneuse. La situation n'est sans soute pas aussi grave que ça. Il s'agit sans doute du même individu que je croise tous les matins, accroupi dans le coin du pallier du -2, la tête enfouie dans les genoux. Bon, là, il bloque la fermeture de la porte, et il a l'air nettement plus réveillé. Mais pas méchant. De toute façon, difficile de distinguer une éventuelle lueur de perversité dans son regard. Il joue l'anonymat pileux ! J'ai spontanément et stupidement esquissé un geste signifiant que j'étais désolé mais que je n'avais pas de monnaie, et puis je me dis que je suis un c..., bien sûr que j'ai un euro, et je fouille dans ma poche ; j'exhume des tickets de métro, une fiche de taxi, un post-it usagé, un billet de cinq euros - non, là, faut pas déc... - enfin, un euro salvateur. "Tenez". Le type dégage de la cabine, me faisant en quelque sorte un don en retour : cette odeur saisissante d'un cocktail incontrôlé d'urine, de sueur, de frites et de pieds que la fermeture des portes permet de maintenir à odeur constante et saturée !
Enfin, interminable, la surface. Ça y est, un peu de lumière presque naturelle. Je me sens quand même mieux que le spéléonaute de tout à l'heure. Un type noir - forcément noir - est au téléphone dans la cabine de péage derrière une vitre sur laquelle est suspendu un panneau jaune minable, avec une inscription en lettres bleues décolorées : "merci de patientez (sic), le gardien est en ronde". Je le regarde et commence à exprimer mon désespoir à grands renforts de soupirs et de tentatives de raisonnements par l'absurde. "Invraisemblable", "une histoire de fou ce parking", "c'est complètement délirant", ... Il est toujours au téléphone et me regarde à son tour, moyennement étonné, légèrement compatissant. J'en rajoute dans le tragique et il se décide enfin à lâcher son combiné. Il me fait signe de me calmer. M'assure que ce n'est pas lui qui a conçu le parking ; ce dont je me doutais un peu d'ailleurs. Me dit qu'il n'y est vraiment pour rien. Il est très calme. Il a une tête sympa. Il est grand et mal rasé avec des yeux amusés. Je lui dit qu'on a du me la voler, cette voiture ; ça fait près d'une heure que je tourne dans ce p... de parking. Il me rassure en souriant : "ce n'est pas possible, on ne vole pas les voitures dans ce parking". Je me dis instantanément qu'il doit exister une autre catégorie de parking : ceux où on vole les voitures ; c'est bon à savoir, je me méfierai dorénavant ! Il sort de sa cabine. Il est décidément très grand. Je me félicité d'avoir su garder un minimum de sang froid. D'ailleurs, je n'arrive plus trop à gueuler ; de moins en moins avec l'âge, et c'est très bien. Il me dit : "on va y aller tous les deux". On reprend l'ascenseur. Il est originaire du Congo belge. Je m'en doutais un peu. Je veux dire : pas forcément du Congo belge, ce serait prétentieux, mais qu'il avait un certain rapport avec l'Afrique. Je lui raconte que je connais un peu ce superbe continent, mais pas ce pays, plus au Nord. Il est sensible à ma proximité ethnologique et à mon goût pour la géographie, mais c'est un homme pragmatique : il me demande si je me souviens combien de rampes j'ai prises, s'il y avait un repère près de ma place. Je lui réponds que je me suis garé en marche arrière et qu'il y avait un poteau à ma droite. L'abondance d'indices ne l'impressionne pas. Ces types un peu grand et balèzes comme ça, il leur en faut plus pour les démonter. Il m'avoue en rigolant : "c'est un parking très compliqué car il y a 5 demis-niveaux qui s'emboîtent ! Il y a une dame avant-hier qui a fait comme vous, mais en plus elle a pleuré." J'imagine immédiatement des types qui errent pendant des nuits entières et qui finissent par s'introduire en désespoir de cause dans un tuyau providentiel qui leur a tendu le cercle parfait de son entrée, et puis qui disparaissent à jamais, happés dans un tube obscur du sous-sol parisien... Des types dont la tête finie sans doute photocopiée et collée à une porte vitrée de commissariat sous la légende, elle aussi désespérée : "Avis de recherche".
Je marche derrière mon garde du corps noir, et chaque pas me rappelle la mesquinerie et le snobisme de mes mocassins de ville qui prennent un malin plaisir à comprimer mes cors aux pieds ; sans doute au prétexte que je les promène dans des lieux indignes pour eux. Il tient un talkie-walkie qui ne cesse pas de bipper, mon partenanire congolais. On doit l'appeler régulièrement depuis la surface. J'imagine une queue d'usagers impatients et furieux qui veulent payer leur ticket refusé par la machine en panne - forcément en panne. On parcourt des hectomètres qui ont des allures de kilomètres. Trois fois l'Audi mafieuse ; dito les flaques avec le reflet Jésus accompagné d'un grand disciple ; peut-être un roi mage ? "Bon", me dit-il, " vous allez rester là, vous m'avez dit que c'était un Scenic gris clair, comme celui-là ?" "Non, ça c'est une Citroën beige". Je ne suis pas un passionné de voiture, mais tout de même ! Je reste donc sur place et observe mon secouriste disparaître à grandes enjambées sur son terrain de jeu. J'attends 10', rien. Je vais pas me refaire un tour de piste, même si c'est gratuit ! Je décide de mettre un nouveau terme à mon apnée et de remonter une nouvelle fois vers la civilisation. Effectivement, ça gueule pas mal là-haut. Mon "ami" tente de calmer une horde de clients déchainés. Il y parvient en faisant mine de sortir de la cabine avec un air méchant. J'adopte un profil bas car il n'est pas impossible que la foule décharge subitement sa haine sur celui qui, en définitif, est l'un des paramètres majeurs de la manifestation (avec la panne de la machine, ne l'oublions pas !). Je rase donc les murs, l'air assez dégagé. Quelques instants plus tard, le dernier grincheux a été liquidé. Je reviens vers mon gardien préféré. Il me dit : "donnez moi le bip et allez m'attendre au café ; laissez moi votre numéro de portable et je vous appellerai quand j'aurai retrouvé votre voiture ; vous inquiétez pas". Je me dis que ce gars n'a aucune obligation d'être sympa. Il est certainement payé avec un lance-pierre. Son pays est certainement plus chaud que le mien ; et peut-être plus beau. En tout cas, plus beau que sa casemate en verre mal nettoyé, meublée d'écrans de vidéo-surveillance qui font défiler les images grises des entrailles du parking. Le Perrier est bon. C'est la fermeture du café. Les serveuses balaient, frottent, astiquent, avec une lassitude résignée. Un poivrot accoudé au bar insiste en silence, le regard vaporeux et dispersé, pour faire la fermeture. Deux amoureux illégitimes et d'un âge avancé se dévorent la bouche avec un appétit surprenant compte tenu de l'heure. Peut-être s'agit-il d'un échange de dentiers ? Il y a une rage étonnante dans cet acharnement mandibulaire qui leur déforme le visage. Pas seulement le bas ; le haut est mis également à contribution. Les sourcils se déhanchent, les yeux clignotent ; même les oreilles se secoussent. Je suis arraché à cette contemplation adultère par la vibration de mon téléphone. "Ca y est, je l'ai retrouvé !". Bon, cette fois, je ne vais pas vous la faire... "et la sonnerie de mon réveil...", car toute cette histoire est vraie, à peine romancée.
mercredi 27 janvier 2010
Tempête sur l'île de B (5)
Petit exercice d'écriture. version 5 de ce fragment de "poésie ?".
J'ai masqué les 4 précédentes. On verra plus tard...
Le souffle barbare du vent d'hiver
Fouette la nuque des mimosas
Plantés en sentinelles soumises,
Mendiants outragés des tempêtes ;
Ils ondulent, asservis, implorant
Les hordes d'écume salées ;
Leurs petits bouquets naïfs de perles jaunes
Comme des talismans impuissants
Sacrifiés aux humeurs sombres de l'océan.
Cadel UBBALE
J'ai masqué les 4 précédentes. On verra plus tard...
Le souffle barbare du vent d'hiver
Fouette la nuque des mimosas
Plantés en sentinelles soumises,
Mendiants outragés des tempêtes ;
Ils ondulent, asservis, implorant
Les hordes d'écume salées ;
Leurs petits bouquets naïfs de perles jaunes
Comme des talismans impuissants
Sacrifiés aux humeurs sombres de l'océan.
Cadel UBBALE
lundi 25 janvier 2010
Quoi de neuf ? Claude Parent (2) !
Il est très possible qu'il y ait un "Quoi de neuf ? Claude Parent 3 et 4 !" tant il y a à dire sur cette exposition, le personnage, l'influence énorme qu'il a eu (et a encore) sur l'architecture d'aujourd'hui (et oui, comme la revue !), mais au-delà, sur la façon dont il est indispensable d'appréhender le monde si l'on veut y découvrir des choses que ni la voie horizontale, ni la verticale (encore moins la royale) peuvent révéler.
"Chercher la faille !" répète Parent, le "non-diplômé architecte", mais académicien total ; plus qu'architecte : pleinement Artiste.
Comme le dit Andreu : "Parent n'a pas de disciples mais il a formé des créateurs !". C'est encore plus fort.
Piratage
J'aime beaucoup cette photo de Gérard "Interrogation". Non que je n'aime pas les autres qu'il nous livre sur son blog, mais je puise dans celle-ci une espérance d'inspiration associée à l'enveloppe de quelques édifices de l'architecture contemporaine depuis l'immeuble de Toyo Ito sur Omotesendo à Tokyo, jusqu'au pavillon noir de Ricciotti à Aix en passant par un projet mort-né du même pirate, baptisé T8, et arnaché d'une panoplie en forme de nid d'oiseau, jusqu'au nid d'oiseau lui-même des architectes-moines suisses Herzog et de Meuron, et au-delà, le projet pittoresque de Tetrac à Nantes.
Mais pourquoi ce titre "Interrogation" ?
Parce qu'un ruban blanc s'accouple avec une sensualité hasardeuse et débridée aux tiges nues d'une futaie prolifique ?
Parce que notre regard est fixé vers le haut, le ciel, la résidence de toutes nos interrogations ?
Parce que, pourquoi cet enchevêtrement unique d'arabesques folles tracées d'aucune main où seul le hasard s'est fait tyran ?
Désolé Gérard de t'avoir pillé ta photo ; elle m'inspirait !
dimanche 24 janvier 2010
Pedro Paramo de Juan Rulfo (2)
Je viens de refermer ce livre après l'avoir achevé pour la deuxième fois (achève-t-on un livre ?). Qu'en dire ? Les qualificatifs qui me viennent sont : sombre, poétique, surréaliste ; les mots : amour, mort et morts, fantômes, vivants, nostalgie, passé, âme.
Je ne veux pas parler de l'histoire (est-ce possible d'ailleurs ?), mais juste pointer une facette de ce roman à laquelle j'ai été particulièrement sensible.
Ce village, Comala, est abandonné. Pedro Paramo, maître absolu, tyran local victime de sa passion pour Susana la folle, a juré de se venger de Comala quelques jours après sa mort quand il a vu que ce village, assommé de folie par les cloches qui n'ont pas arrêté de sonner pendant trois jours, ripaillait pendant qu'on enterrait sa dernière femme.
Mais les pierres gardent en elles le souvenir de tout ce passé. Rien ne s'efface. Rien ne peut s'effacer. L'espace, les portes, les rues vides conservent tous les détails de l'histoire du lieu et des hommes qui l'ont habité. Mais tout ceci est invisible et ne peut se révéler à nous, êtres vivants provisoires, que si nous savons entendre ce qui est inaudible, voire ce qui est invisible, sentir ce qui n'a plus d'odeur. C'est à dire parvenir à recréer ce qui a disparu par une sorte de communion secrète avec les choses. C'est toute la question de Lamartine : "Objets inanimés avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?"
Tous ces lieux en déshérence possèdent un pouvoir d'attraction fort, mystérieux, poétique. Les espaces jonchés de traces de vie comme autant d'indices, envahis par la végétation, dégradés par les intempéries, nous livrent de vrais trésors...
"Ce village est plein d'échos. Ils semblent avoir été reclus au creux des murs ou sous les pierres. Quand on marche, on a l'impression qu'ils vous emboîtent le pas. On entend des craquements. Des rires. Des rires très anciens comme lassés de rire. des voix usées d'avoir trop servies. On entend tout ça. Je crois qu'un jour viendra où ces bruits s'éteindront."
Quand s'éteindra l'attention ?...
PS : les photos viendront, mais c'est un peu lent ce soir !
Je ne veux pas parler de l'histoire (est-ce possible d'ailleurs ?), mais juste pointer une facette de ce roman à laquelle j'ai été particulièrement sensible.
Ce village, Comala, est abandonné. Pedro Paramo, maître absolu, tyran local victime de sa passion pour Susana la folle, a juré de se venger de Comala quelques jours après sa mort quand il a vu que ce village, assommé de folie par les cloches qui n'ont pas arrêté de sonner pendant trois jours, ripaillait pendant qu'on enterrait sa dernière femme.
Mais les pierres gardent en elles le souvenir de tout ce passé. Rien ne s'efface. Rien ne peut s'effacer. L'espace, les portes, les rues vides conservent tous les détails de l'histoire du lieu et des hommes qui l'ont habité. Mais tout ceci est invisible et ne peut se révéler à nous, êtres vivants provisoires, que si nous savons entendre ce qui est inaudible, voire ce qui est invisible, sentir ce qui n'a plus d'odeur. C'est à dire parvenir à recréer ce qui a disparu par une sorte de communion secrète avec les choses. C'est toute la question de Lamartine : "Objets inanimés avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?"
Tous ces lieux en déshérence possèdent un pouvoir d'attraction fort, mystérieux, poétique. Les espaces jonchés de traces de vie comme autant d'indices, envahis par la végétation, dégradés par les intempéries, nous livrent de vrais trésors...
"Ce village est plein d'échos. Ils semblent avoir été reclus au creux des murs ou sous les pierres. Quand on marche, on a l'impression qu'ils vous emboîtent le pas. On entend des craquements. Des rires. Des rires très anciens comme lassés de rire. des voix usées d'avoir trop servies. On entend tout ça. Je crois qu'un jour viendra où ces bruits s'éteindront."
Quand s'éteindra l'attention ?...
PS : les photos viendront, mais c'est un peu lent ce soir !
En voiture Simone !
Une femme d'un certain âge (environ le mien !) vient s'asseoir à sa place qui se trouve être à côté de celle que j'occupe - mais qui n'est pas la mienne - dans un train de samedi matin qui sent le sommeil et la nuit courte. Il est possible que j'usurpe précisément sa place. Elle s'aperçoit de mon interrogation muette. Il n'en est rien, mais cet échange bref suffit à donner un prétexte pour engager la conversation entre deux inconnus. C'est elle qui s'engage. J'apprends entre deux arrêts un nombre très important de choses sur sa vie. J'en livre un peu, bien entendu.
Elle est d'origine espagnol. Habite dans cette ville de la Mayenne, seule, la semaine. Depuis 17 ans. 17 années qui lui ont permis d'élever ses enfants. 2 filles. Une est assistante sociale et l'autre esthéticienne à domicile. La seconde a du monter à Paris car dans cette ville de province elle n'aurait pas trouvé de travail. Son mari vit à Paris. Un petit appartement en location. Ils se retrouvent chaque week-end ; une fois c'est elle qui "monte", une fois c'est lui qui "descend". Il est patron d'une petite entreprise de fret routier. Quelques camions qui sillonnent l'Europe. Elle, elle n'a jamais voulu venir vivre à Paris. Surement pas ! Et puis mon mari, quand il revient, il est au milieu des arbres et des vaches. Il est content. Une petite entreprise c'est mieux par rapport à la crise. Mais c'est vrai, les camions, mon mari il dit qu'on pourrait faire mieux vis-à-vis de l'environnement : le fluvial, il n'y a presque plus rien, et puis par le train, on amènerait les containers sur les trains, et même par la mer ; rien n'est fait. Elle porte un parfum bon marché. Comme c'est le matin, l'odeur est assez forte. Curieusement, les effluves capiteuses se mélangent avec des relents de maison de retraite. Je dis ça un peu brutalement, mais c'est l'exacte vérité. Donc, ça y est, nos filles sont casées. Ouf ! Autonomes. Plus de tonnes de linge à laver le week-end. Comme je suis seule maintenant, j'ai pris un petit chien. Un beagle. Vous voyez ce que c'est un beagle ? Oui, c'est bas sur pattes et un peu long (j'ai envie de dire "comme un grosse saucisse", mais je mime simplement la taille avec mes mains), et puis avec des oreilles qui pendent (je mime à nouveau). C'est un chien de chasse, me dit-elle. Quand je monte à Paris, je le laisse à mes parents. Ils habitent tout près. Mais quand il sent que je vais partir il fait le loup. Je lève les sourcils. Oui, le loup. Dès qu'on est absent, il fait le loup. C'est pour les voisins que je lui dis : "arrête de faire le loup, doggy !". Quand on part quelques jours en vacances, on est obligé de le mettre au chenil. Mais il n'aime pas ça. Il perd 2 ou 3 kilos car, au chenil, il ne veut pas manger le matin. A Noël, on est allés à Noirmoutiers. On avait décidé de l'emmener. Il y avait des bois autour de la location. Il partait toute la journée chasser les lapins. On l'entendait aboyer. Il revenait le soir tout fatigué. Mais il était mieux que dans le chenil. Et puis je vais me promener tous les jours avec lui. Comme c'est un chien de chasse il peut faire des promenades de 2H. Vétérinaire ? Votre fils ? Nos voisins sont vétos. Lui fait les gros animaux et elles les chiens et les les chats. En période de vêlage, il est appelé toutes les nuits. Un chat ? Non, je suis allergique. J'ai immédiatement des rougeurs qui apparaissent sur la peau et j'enfle énormément (elle mime qu'elle enfle ; je comprends). Dehors le paysage est voilé par la grisaille d'un matin pluvieux d'hiver. Comme si on avait étendu un immense papier calque sur la campagne. J'aperçois un troupeau de vaches à la robe marron, terre de Sienne. La silhouette d'un taureau majestueux se détache sur fond de prés, de clôtures et de mares. Une compagnie de saules pleureurs se lamente. Le train passe vite ; pas le temps de compatir. Votre fille, elle voyage. Nous à notre époque, on ne partait pas comme ça, mais les jeunes maintenant, pour eux c'est rien. J'ai emmené mon père en avion à Vallaloid l'année dernière. Hop, en 1h30 on était en Espagne. Lui, il me disait qu'il lui fallait près de 15H00 dans le temps pour aller à Vallaloid ! Le papi, il était aux anges ! Je somnole. Je m'assoupis presque. Cette femme est plutôt sympathique. Son visage est normal. Je remarque ses lunettes à montures dorées et ses ongles peints en rouge foncé. Elle a l'air gentille ; trop sans doute pour un mari camionneur, seul toute la semaine à Paris depuis 17 ans. On arrive au Mans. Des maisons à un étage, toutes identiques dans leur configuration de base, mais toutes différentes dans les bricolages accolés aux façades de derrière (celles que l'on voit du train), et l'exploitation anarchique des lopins de jardin qui viennent mourir au pied du ballast. Cette fois je me fais déloger par un homme d'un âge encore plus certain que le mien, avec une belle barbe blanche et un sourire un peu désolé du dérangement qu'il me cause. Je ne lui dis pas qu'il me sauve, en quelque sorte, car ce n'est pas vrai ; il est très probable que ma voisine (mon ex-voisine devrais-je dire) m'aurait livré d'autres secrets : son prénom (Simone), son plat favori (un cake aux olives dont tous les amis raffolent ; Simone, refais nous du cake aux olives !), ses faiblesses (un cors au pied récalcitrant probablement), son aversion des huissiers (ils sont méchants, j'avais un beau-frère huissier), son dégoût des paparazzis qui s'acharnent sur Johnny (on aime ou on n'aime pas, mais c'est quand même un grand Monsieur de la chanson), sa préférence pour Carrefour plutôt qu'Auchan (je vous conseille les démarques), sa télé grand format (mon mari m'a fait installer un home-cinéma pour lui le week-end), le fait que Julien Courbet en rajoute toujours un peu et qu'elle préfère Jean-Pierre Pernot (ah, vous aussi ?), l'architecture ? oui Paris c'est magnifique m'aurait-elle dit et je rêve d'aller à Venise, alors il est probable que, si je ne m'étais pas à nouveau assoupi, j'aurais tenté de faire l'intéressant en lui parlant de Venise...on ne se refait pas !
Elle est d'origine espagnol. Habite dans cette ville de la Mayenne, seule, la semaine. Depuis 17 ans. 17 années qui lui ont permis d'élever ses enfants. 2 filles. Une est assistante sociale et l'autre esthéticienne à domicile. La seconde a du monter à Paris car dans cette ville de province elle n'aurait pas trouvé de travail. Son mari vit à Paris. Un petit appartement en location. Ils se retrouvent chaque week-end ; une fois c'est elle qui "monte", une fois c'est lui qui "descend". Il est patron d'une petite entreprise de fret routier. Quelques camions qui sillonnent l'Europe. Elle, elle n'a jamais voulu venir vivre à Paris. Surement pas ! Et puis mon mari, quand il revient, il est au milieu des arbres et des vaches. Il est content. Une petite entreprise c'est mieux par rapport à la crise. Mais c'est vrai, les camions, mon mari il dit qu'on pourrait faire mieux vis-à-vis de l'environnement : le fluvial, il n'y a presque plus rien, et puis par le train, on amènerait les containers sur les trains, et même par la mer ; rien n'est fait. Elle porte un parfum bon marché. Comme c'est le matin, l'odeur est assez forte. Curieusement, les effluves capiteuses se mélangent avec des relents de maison de retraite. Je dis ça un peu brutalement, mais c'est l'exacte vérité. Donc, ça y est, nos filles sont casées. Ouf ! Autonomes. Plus de tonnes de linge à laver le week-end. Comme je suis seule maintenant, j'ai pris un petit chien. Un beagle. Vous voyez ce que c'est un beagle ? Oui, c'est bas sur pattes et un peu long (j'ai envie de dire "comme un grosse saucisse", mais je mime simplement la taille avec mes mains), et puis avec des oreilles qui pendent (je mime à nouveau). C'est un chien de chasse, me dit-elle. Quand je monte à Paris, je le laisse à mes parents. Ils habitent tout près. Mais quand il sent que je vais partir il fait le loup. Je lève les sourcils. Oui, le loup. Dès qu'on est absent, il fait le loup. C'est pour les voisins que je lui dis : "arrête de faire le loup, doggy !". Quand on part quelques jours en vacances, on est obligé de le mettre au chenil. Mais il n'aime pas ça. Il perd 2 ou 3 kilos car, au chenil, il ne veut pas manger le matin. A Noël, on est allés à Noirmoutiers. On avait décidé de l'emmener. Il y avait des bois autour de la location. Il partait toute la journée chasser les lapins. On l'entendait aboyer. Il revenait le soir tout fatigué. Mais il était mieux que dans le chenil. Et puis je vais me promener tous les jours avec lui. Comme c'est un chien de chasse il peut faire des promenades de 2H. Vétérinaire ? Votre fils ? Nos voisins sont vétos. Lui fait les gros animaux et elles les chiens et les les chats. En période de vêlage, il est appelé toutes les nuits. Un chat ? Non, je suis allergique. J'ai immédiatement des rougeurs qui apparaissent sur la peau et j'enfle énormément (elle mime qu'elle enfle ; je comprends). Dehors le paysage est voilé par la grisaille d'un matin pluvieux d'hiver. Comme si on avait étendu un immense papier calque sur la campagne. J'aperçois un troupeau de vaches à la robe marron, terre de Sienne. La silhouette d'un taureau majestueux se détache sur fond de prés, de clôtures et de mares. Une compagnie de saules pleureurs se lamente. Le train passe vite ; pas le temps de compatir. Votre fille, elle voyage. Nous à notre époque, on ne partait pas comme ça, mais les jeunes maintenant, pour eux c'est rien. J'ai emmené mon père en avion à Vallaloid l'année dernière. Hop, en 1h30 on était en Espagne. Lui, il me disait qu'il lui fallait près de 15H00 dans le temps pour aller à Vallaloid ! Le papi, il était aux anges ! Je somnole. Je m'assoupis presque. Cette femme est plutôt sympathique. Son visage est normal. Je remarque ses lunettes à montures dorées et ses ongles peints en rouge foncé. Elle a l'air gentille ; trop sans doute pour un mari camionneur, seul toute la semaine à Paris depuis 17 ans. On arrive au Mans. Des maisons à un étage, toutes identiques dans leur configuration de base, mais toutes différentes dans les bricolages accolés aux façades de derrière (celles que l'on voit du train), et l'exploitation anarchique des lopins de jardin qui viennent mourir au pied du ballast. Cette fois je me fais déloger par un homme d'un âge encore plus certain que le mien, avec une belle barbe blanche et un sourire un peu désolé du dérangement qu'il me cause. Je ne lui dis pas qu'il me sauve, en quelque sorte, car ce n'est pas vrai ; il est très probable que ma voisine (mon ex-voisine devrais-je dire) m'aurait livré d'autres secrets : son prénom (Simone), son plat favori (un cake aux olives dont tous les amis raffolent ; Simone, refais nous du cake aux olives !), ses faiblesses (un cors au pied récalcitrant probablement), son aversion des huissiers (ils sont méchants, j'avais un beau-frère huissier), son dégoût des paparazzis qui s'acharnent sur Johnny (on aime ou on n'aime pas, mais c'est quand même un grand Monsieur de la chanson), sa préférence pour Carrefour plutôt qu'Auchan (je vous conseille les démarques), sa télé grand format (mon mari m'a fait installer un home-cinéma pour lui le week-end), le fait que Julien Courbet en rajoute toujours un peu et qu'elle préfère Jean-Pierre Pernot (ah, vous aussi ?), l'architecture ? oui Paris c'est magnifique m'aurait-elle dit et je rêve d'aller à Venise, alors il est probable que, si je ne m'étais pas à nouveau assoupi, j'aurais tenté de faire l'intéressant en lui parlant de Venise...on ne se refait pas !
mercredi 20 janvier 2010
Quoi de neuf ? Claude Parent !
Les lecteurs attentifs de ce blog auront remarqué que ce nom ne leur est pas totalement inconnu. J'ai évoqué il y a quelques semaines ma rencontre avec l'académicien iconoclaste, architecte sans diplôme comme on pourrait dire peut-être "voyageur sans bagages". On va plutôt parler d'un instant, quelques minutes en tête à tête avant qu'un couple de personnages très importants viennent, sans pudeur, interrompre notre échange. C'est comme ça dans les cocktails ; vous y croisez des personnes remarquables et puis des vénérés (c'est des faisans avec des belles plumes ... de paon) vous gâchent la soirée ! J'avais eu l'occasion, il y a plusieurs années, de déjeuner à la table de Claude Parent lors d'une visite de la Fondation Avicenne (la Maison de l'Iran à la Cité Internationale, sublime monolithe tournant avec dédain le dos au périf, arnaché de deux paires de bretelles métalliques noires qui suspendent un couple de parallélépipèdes blancs dans l'espace, et muni d'un escalier à deux volées écrit comme une arabesque). Il était bavard. Non, il ne s'agissait pas de bavardages, mais d'enseignement ; un peu sans doute à la façon des philosophes grecs. Et nous l'écoutions. Il avait (il a toujours) ce sourire coquin permanent qui ajoute à ses paroles ce supplément de fraîcheur et d'enfantillages qui lui permet de faire oublier le temps qui passe. Quand j'étais jeune ingénieur, visitant une centrale nucléaire sur la Loire, je me souviens avoir entendu parler d'un architecte tout à fait étrange qui venait aux réunions de chantier en Rolls-Royce. Je réalisa bien plus tard qu'il s'agissait de ce petit homme (et néanmoins grand Monsieur) qui écoute d'une intelligence distraite les envolées lyriques d'un Ministre de la Culture bedonnant, ce soir du 19 janvier 2010, à l'occasion du vernissage d'une exposition qui lui est consacrée à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine. Tout le gratin de l'architecture était présent. Les Brutus, les snobs, les authentiques (rares) et les curieux (dont je suis). L'accès à l'exposition en sous-sol était - un comble - inaccessible. Il fallut attendre, avec un couple d'amis architectes, un steak tartare plus tard et une promesse d'aller aux thermes de Vals incluse, que l'espace fut libéré des hordes de parentophiles d'un soir pour pénétrer dans le repère de la cause oblique ("causa obliqua" pour nos amis italiens). Rassurez-vous, je ne vais pas vous décrire en 250 lignes supplémentaires, ce que j'ai pu picorer dans l'exposition. Allez-y. Allons-y ensemble ?
Franck Gerhy (fatigué, perdu, authentique)
lundi 18 janvier 2010
Quoi de neuf ? Camus !
C'est la "Camusmania" actuellement. Le soi-disant "philosophe de classe terminale" est à la une de tous les numéros spéciaux des magazines. Camus aurait 96 ans aujourd'hui. Qu'aurait-il écrit en 50 ans, depuis sa mort, le 4 janvier 1960 sur une route dans l'Yonne, dans la Facel Véga de son ami-éditeur Michel Gallimard ? Qu'aurait-il écrit que nous ne connaîtrons jamais ? Qui existe sans doute quelque part, dilué dans l'espace et qui, peut-être, s'instille en secret dans l'imagination des écrivains vivants ? Camus est un recours ; il est profondément actuel car il remet l'Homme au cœur du monde. Il parle de doute, d'amour, de solidarité, de justice, de révolte, ... Il nous embarque avec des textes aux parfums exhalés par le soleil ou la mer, mais aussi la foule et la misère. "Certains matins, au détour d'une rue, une délicieuse rosée tombe sur le coeur puis s'évapore. mais la fraicheur demeure encore et c'est elle, toujours, que le coeur exige. Il me fallut partir à nouveau." L'été. Retour à Ipasa.
dimanche 17 janvier 2010
le ou la 1000ème !!!
Le ou la 1000ème qui passe sur ce blog a un cadeau spécial !(sous réserve de pouvoir le prouver bien sûr)...à 0H36, ce 17/01/10 on est à 999 ! Ca chauffe !...0H51, toujours 999..."Good night my friends, I hope you are satisfied"
Coming Out
Photo 1
Notre ami Gérard, tenancier du blog "Contrastes et Lumières", vient de faire son "coming out". Je voudrais lui tirer ... mon chapeau. Quel courage ! Il a avoué son faible pour les barbus. Pas n'importe lesquels : des barbus qu'il trouve au Super U de Vaucresson (voir photo N°1 ; dans un souci d'achat comparatif, je me suis rendu sur Google qui me signale à la rubrique "barbu", un produit un peu différent et disponible semble-t-il au Carrebour de Becon ; voir Photo 2)!
Photo 2
Quoiqu'il en soit, notre ami Gérard, fidèle au Super U de Vaucresson dont il est l'un des actionnaires majoritaires, nous surprendra toujours car il les préfère baveux ; plus précisément (je cite) : "avec la peau gluante au toucher". Il ne les aime pas bronzé plutôt "translucide blanc" et se méfie avec raison des contrefaçons ou des fumeurs de pipe ("blanc et non rosé ou jaunissant", souligne-t-il).
Il les choisit en général sur un simple regard (mais il n'est pas contre un léger palpage afin de vérifier la fermeté des chairs). Il a payé l'objet de sa convoitise 39 € (probablement parce que c'était les soldes ?) ; tarif qu'il juge élevé. Gérard est très attentif sur le volet financier (un passé de banquier, ça marque !). Il a consommé ce spécimen magnifique dans la soirée de vendredi à samedi (ah, les nuits clodoaldiennes !). Il recommande l'usage d'huile d'olive (vierge ? 1ère presse ?) et un excellent beurre (petite faute : il omet de préciser qu'il n'y a d'excellent beurre que Charentais !). Gérard est moderne ; il a l'esprit ouvert : son épouse était présente et il avait invité un couple d'amis (je présume). Voilà, chers regardeurs de blog une idée pas chère, gourmande, et une alternative possible à un assoupissement hebdomadaire devant "le plus grand cabaret du monde" ! Merci Gérard.
PS : je viens de m'apercevoir de mon erreur ; je lis beaucoup trop vite, manque d'attention m'a-t-on toujours dit, et voilà que je faute : il s'agissait de la barbue, poisson à la chair parfaite, et non d'un barbu, individu à la chair en général faisandée. Mille excuses Gérard
Notre ami Gérard, tenancier du blog "Contrastes et Lumières", vient de faire son "coming out". Je voudrais lui tirer ... mon chapeau. Quel courage ! Il a avoué son faible pour les barbus. Pas n'importe lesquels : des barbus qu'il trouve au Super U de Vaucresson (voir photo N°1 ; dans un souci d'achat comparatif, je me suis rendu sur Google qui me signale à la rubrique "barbu", un produit un peu différent et disponible semble-t-il au Carrebour de Becon ; voir Photo 2)!
Photo 2
Quoiqu'il en soit, notre ami Gérard, fidèle au Super U de Vaucresson dont il est l'un des actionnaires majoritaires, nous surprendra toujours car il les préfère baveux ; plus précisément (je cite) : "avec la peau gluante au toucher". Il ne les aime pas bronzé plutôt "translucide blanc" et se méfie avec raison des contrefaçons ou des fumeurs de pipe ("blanc et non rosé ou jaunissant", souligne-t-il).
Il les choisit en général sur un simple regard (mais il n'est pas contre un léger palpage afin de vérifier la fermeté des chairs). Il a payé l'objet de sa convoitise 39 € (probablement parce que c'était les soldes ?) ; tarif qu'il juge élevé. Gérard est très attentif sur le volet financier (un passé de banquier, ça marque !). Il a consommé ce spécimen magnifique dans la soirée de vendredi à samedi (ah, les nuits clodoaldiennes !). Il recommande l'usage d'huile d'olive (vierge ? 1ère presse ?) et un excellent beurre (petite faute : il omet de préciser qu'il n'y a d'excellent beurre que Charentais !). Gérard est moderne ; il a l'esprit ouvert : son épouse était présente et il avait invité un couple d'amis (je présume). Voilà, chers regardeurs de blog une idée pas chère, gourmande, et une alternative possible à un assoupissement hebdomadaire devant "le plus grand cabaret du monde" ! Merci Gérard.
PS : je viens de m'apercevoir de mon erreur ; je lis beaucoup trop vite, manque d'attention m'a-t-on toujours dit, et voilà que je faute : il s'agissait de la barbue, poisson à la chair parfaite, et non d'un barbu, individu à la chair en général faisandée. Mille excuses Gérard
vendredi 15 janvier 2010
Rendez-vous argentin, côte de boeuf, pompiers et voisine...
J'ai tenu presque 1H30, en fin d'après-midi, face à deux argentins parlant un anglais plus détestable que le mien. Ils m'ont présenté sur l'écran de leur portable des dizaines d'images de tours de bureaux dont les architectes devraient être pendus haut et court ; subito ! Je n'ai jamais su ce qu'ils voulaient me vendre ni pourquoi ils étaient venus me voir. Mais le fait est qu'ils étaient là.
Un gros assez poilu qui parlait avec une gorge rempli de galets (des lourds et des pointus), et des bajoues qui vibraient péniblement, et puis un stratège moins velu avec un profil de mercenaire qui ricanait après chaque intervention du gros poilu. Du coup je ricanais également. L'empathie sans doute. Vu de l'extérieur, nous devions être pitoyables. Comme nous étions concentrés sur cet écran où défilaient de piteuses créations architecturales toutes vitrées, un instant - ils étaient installés depuis plus d'une heure à ma table, la tension était presque insupportable - j'ai imaginé que j'étais avec ces deux individus dans la pampa, installés autour d'un feu où grillait une épaisse côte de bœuf que nous contemplions avec un respect d'amateur. Et puis il y eu ce ricanement. Celui du stratège. La côte était quasiment cuite. Le sang perlait légèrement sur la tranche bicolore. Le grésillement délicat d'une caramélisation spontanée des sucs et du gros sel se laissait aller à certaines confidences. Elle était prête à être consommée ; c'était irréfutable. Nous étions trois prédateurs sympathiques unis par le désir d'en finir avec l'arrogance de cette tentation carnassière. Et puis il y eu le ricanement. Le rêve s'est évanoui dans cet égarement jubilatoire. C'en était trop ! J'ai sorti deux cartes de visite que j'ai fait glisser en leur direction d'un geste lent et agacé. J'ai refermé tellement brusquement l'écran du portable du stratège qu'il s'est vu un instant finir ses jours à vendre des billets de tombola au profit des manchots, dans une casemate de la place centrale de Buenos Aires. Je me suis levé sans un mot. J'avais face à moi deux faces d'empaffés qui me regardaient avec stupeur. J'ai fait un petit geste des deux paumes de la main. Comme ça : les bras raides et tendus vers le bas, les paumes levées vers le haut, et des petits battements d'ailes de mes deux fois cinq doigts. Le tout accompagné d'un regard qui traduisait une certitude de propriétaire (merci Lobo Antunes). Mais polyvalent, on pouvait également y lire l'impérial dédain du garçon de café vous livrant un plat du jour avec une TVA à 5,5% dans une grande brasserie parisienne (merci Frédéric Dard). L'argentin n'est pas seulement un gros consommateur de viande ; il est également perspicace. Les deux cowboys se sont levés de concert ; ou simultanément, si vous n'êtes pas mélomane. Le gros poilu a remballé avec fébrilité des piles de documents inutiles dans son attaché-case. Le vendeur de billets de loterie putatif semblait un peu moins enthousiasmé. Pourtant n'avait-il pas préservé son intégrité physique ? Il s'appliqua à ranger son portable dans un étui en méchant skaï en simulant le dépit. L'emballement des prestataires de service inconnu me paraissant un peu timide, je dus m'exprimer une nouvelle fois. Et hop, le frétillement des doigts accompagné d'une mesure d'orientation : la porte, Messieurs, si vous voulez bien vous donner la peine ! Quand ils parvinrent à franchir le seuil de mon bureau, je dois l'avouer : j'avais le sentiment d'avoir gagné une bataille. Pas la guerre évidemment : il ne restait plus qu'à les pousser dans l'ascenseur afin qu'ils disparaissent définitivement de mon champ visuel. Une fois qu'ils furent avalés par la cabine de l'appareil élévateur, je retrouvais une sérénité indigne. Un peu comme Besson (l'agent de voyage) quand les contrôleurs aériens lui confirment que le charter avec les réfugiés afghans est bien sorti de l'espace aérien national.
L'après-midi était tellement entamé qu'il n'en restait plus que quelques miettes ; la nuit allait avaler tout ça en quelques minutes. Je revins à mon bureau, fermai la porte, baissai les stores et éteignais les lumières. Je m'asseyais dans mon grand fauteuil en cuir noir. Mes jambes vinrent spontanément se reposer sur le plateau de ma table de travail. Mes paupières étaient lourdes comme des paupières quand elles sont lourdes (c'est dire !). Je m'assoupis, bercé par ce contentement imbécile et benoit d'un devoir accompli. Il est probable que je dus dormir plusieurs heures (vous remarquerez à la construction de la phrase que je suis un homme, sinon douteux, du moins qui doute quand même beaucoup !). Je me réveillais en sursaut car quelqu'un venait de pénétrer dans mon bureau. Devant moi se tenait une sorte d'homme invisible habillé en pompier : un noir qui jouait malicieusement avec l'obscurité, mais que je parvenais à repérer grâce à ses dents blanches.
- "Bonsoir. Je fais ma ronde", me dit-il. "Vous comptez dormir ici ?"
Il sentait cruellement la côte de bœuf.
- "Vous sentez la côte de bœuf !" lui dis-je, d'un ton affirmatif (pas le merlan, ni la poire, non plus l'araignée, non, la Côte ; peut-être le T-bone à la rigueur).
Je sentis - en plus de l'odeur de la viande grillée - une certaine gêne envahir notre espace de convivialité. Les parfums se télescopaient. Il y avait une confusion de fragrances.
Mon pompier noir me dit : "Oui, c'est vendredi, nous venons de nous en faire une petite dans le local de sécurité. Mais, s'il vous plait, il faut pas que ça se sache. Si vous voulez, quand je redescends, on doit s'en faire griller une autre... ça vous intéresse ?"
- "Non merci", lui dis-je.
Saviez-vous que c'est une tradition chez les pompiers qui sont affectés à la sécurité incendie des tours de bureaux de se faire griller une côte de bœuf dans leur local de sécurité, en soirée, le vendredi ? C'est une sorte de rituel de conjuration. Parfois (rarement) ça tourne mal et le feu du barbecue se propage à la totalité des étages. Certains comploteurs (je veux dire adeptes de la théorie du complot) prétendent même que le 11 septembre 2001...
J'ignorais cette subsistance d'un vieux rite vaudou. Vous également ? Ecoutez : on ne peut pas tout savoir ; surtout aujourd'hui. Heureusement pour l'homme moderne il existe désormais, pour son salut, Wikipédia ou Facebook. Je m'y précipitais donc comme un trader affamé sur un produit dérivé. Wikipédia : rien. En revanche, Facebook regorge de "groupes" dont les noms intègrent le mot "pompier" ou "côte de bœuf". Et puis, le Graal : "Pour la dépénalisation de la consommation de la côte de bœuf le vendredi pour les pompiers de sécurité des tours de bureaux". Extraordinaire ! Une page d'accueil à faire saliver un amputé des amygdales !
Un sous-groupe pour la Limousine, un autre ne jurant que par la Charolaise, un troisième, sectaire de la Salers. Quand les gens ont une passion ! Quelques photos émouvantes où l'on distingue à peine quelques silhouettes massives, caparaçonnées de cuir et casquées de métal rutilant, entourant un probable barbecue d'où s'élèvent à gros bouillons les volutes fières d'une fumée épaisse qui a envahi la totalité du local que l'on devine exigu.
Avec des dates : vendredi 13 février 2009, vendredi 16 aout 2005, etc. Une révélation sociologique autant qu'ethnologique, voire même anthropologique. Regretté Levi-Strauss ! Au secours Edgar Morin ! Reviens Bourdieu !
Et alors que j'implorais tous ces illustres fantômes, la sonnerie détestable de mon réveil m'arracha brutalement des bras de ma maîtresse nocturne, Morphée bien sûr ... et vinrent subitement, jusqu'à mes narines largement dilatées (elles aussi), des odeurs négligées et confuses d'oignons frits et de viande grillée, de vieux cuir et de mayonnaise éventée : merde, me dis-je, c'est la voisine qui se fait encore un hamburger au petit-déjeuner !
Au bar
Retrouvé, dans les profondeurs de la mémoire de Cadel Ubbale, ce bout de poème qu'il avait tenté un matin du 1er avril 2005
Au bar
Un filet de fumée à la dérive, maille fine
Teintée des rougeurs moleskine.
Et le rire blanc de trois jeunes femmes en beauté
Qui supplie de baisers une glace désargentée.
Et puis la bouche triste d’une vieille qui se régale
D’une crêpe fourrée jusqu'aux amygdales.
Des mots perdus inventent Syracuse
Divaguent, s'abandonnent, s'excusent.
Au comptoir, seul, un ouvrier se gondole,
Juste, égaré par une bière tiède et son col.
Parfois, dehors, le soleil titube au vent
Sur les pavés gonflés de Printemps.
Où les secondes comptent pour des heures,
Là réside ma solitude et une tentation de bonheur.
Au bar
Un filet de fumée à la dérive, maille fine
Teintée des rougeurs moleskine.
Et le rire blanc de trois jeunes femmes en beauté
Qui supplie de baisers une glace désargentée.
Et puis la bouche triste d’une vieille qui se régale
D’une crêpe fourrée jusqu'aux amygdales.
Des mots perdus inventent Syracuse
Divaguent, s'abandonnent, s'excusent.
Au comptoir, seul, un ouvrier se gondole,
Juste, égaré par une bière tiède et son col.
Parfois, dehors, le soleil titube au vent
Sur les pavés gonflés de Printemps.
Où les secondes comptent pour des heures,
Là réside ma solitude et une tentation de bonheur.
jeudi 14 janvier 2010
Quoi de neuf ?
Dans l'actualité, télescopage ahurissant : effroyable et épouvantable le drame haïtien ; considérables et irresponsables les bonus pour les traders !
Quelqu'un peut-il m'expliquer à quoi peut bien servir un trader ?
- à rendre les riches encore plus riches ?
- à participer au déséquilibre financier de la planète ?
- à éloigner encore plus l'homme de la réalité ?
- à conduire le Monde dans le mur ?
- à générer périodiquement des crises qui ne les affectent pas ?
- autre chose ?
Mais pourquoi les paie-t-on aussi grassement ?
En attendant toutes les réponses pertinentes qui vont prochainement saturer la rubrique "commentaires", je propose qu'on transforme les salles de marchés en y installant des postes de travail comme celui présenté ci-dessous. Relié à un générateur d'électricité, le trader dans sa cage, en réseau avec des centaines d'autres rongeurs du même acabit, tous ivres d'énergie, pourrait enfin servir à quelque chose ... d'utile !
mardi 12 janvier 2010
Architecture, Cohen et Littérature
Je sens que je délaisse les 3 piliers fondamentaux de mon blog. Pergame, ressaisis toi ! Quoi de neuf en architecture ? Ce qui est embêtant avec l'architecture c'est que pour en parler, il faut aller la voir ! Comment voulez-vous traduire une sensation qui nait de votre présence dans un espace donné sans y être allé ? Et je n'ai rien vu de saisissant depuis la Caixa d'Herzog et de Meuron à Madrid, il y a quelques mois.
Et Cohen ? Il n'en fini pas de vouloir se remplir les poches de billets : encore une "dernière" tournée de programmée. Cette fois en province. Il faudra que je me remette à le traduire ; il ne mérite plus que ça.
Et la littérature ? Fini le 1er livre de Dina ; attaqué le second avec un enthousiasme moins prononcé ; commencé le "temps des crises" de Michel Serres ; heureux de constater que je partage avec lui le sentiment (il est plus affirmatif que moi ; c'est normal : il a réfléchi) que l'une des causes essentielles du mal de l'humanité est le fossé toujours plus grand entre la nature (à laquelle nous appartenons) et la société telle qu'elle a récemment muté ; ajouté à cela le déséquilibre, l'écart, entre les pauvres et les riches ("Rien de plus risqué que de vivre cet écart-là" dit M. Serres).
"T'y crois à la métamorphose ?" Réponse : "pas l'choix !"
Faisant le constat que le monde va à sa perte, sa désintégration, s'il ne change pas radicalement, Edgar Morin, dans un grand article du Monde daté de ce WE, appelle à la métamorphose, cette transformation effectivement radicale qui permet, à partir d'un processus d'autodestruction, de renaître sous une forme différente, tout en conservant certains liens fondamentaux de l'état antérieur (cf l'exemple de la chenille et du papillon).
Pessimiste notre sociologue national, inventeur de la "politique de civilisation" ? Pas vraiment, bien qu'il nous foute les pétoches : "le probable est la désintégration". Faisant deux autres constats, un historique "l'histoire humaine a souvent changé de voie" grâce à "une innovation, un nouveau message déviant, marginal ...", l'autre contemporain "il existe sur tous les continents un bouillonnement crétaif", Edgar Morin énonce les voies possibles du "salut" :
1) le surgissement de l'improbable (comment l'invraisemblable, l'inimaginable, peut sauver le monde ; cf Athènes face aux Perses, cf Joukov qui parvient à mettre en déroute les armées nazies)
2) les vertus génératrices/créatrices inhérentes à l'humanité
(espère !)
3) les vertus de la crise
(espère encore, et fume même !)
4) Ce à quoi se combinent les vertus du péril
"Là où croit le péril, croit aussi ce qui sauve"
5) L'aspiration multimillénaire de l'humanité à l'harmonie
(j'en reprendrai bien une petite taffe !)
M. Morin, votre texte est magnifique, mais la chenille ne va pas se transformer en papillon, car elle est d'une race qui a perdu le code génétique de la métamorphose ; c'est une chenille processionnaire hyper-urticante dont la seule raison d'exister est de tout bouffer devant elle sans réfléchir. Maintenant qu'elle a inventé un système qui la dépasse et qu'elle a perdu la clé de contact, et bien ça va être "sauve qui peut" ; sauf surgissement de l'improbable (bien entendu) !
dimanche 10 janvier 2010
Neige (encore)
Il neige encore ce matin. Dieu et sa bande de copains prennent un malin plaisir à alimenter la théorie du complot. Réchauffement climatique ? Mon œil ! (je préfére rester correct). Les urgences ne sont pas gavées de récipiendaires du virus H1N1, mais d'anonymes aux muqueuses dilatées d'où s'écoulent à gros bouillons des glaires enrhumées, ou de citoyens ordinaires dont les os ont cédé sous l'impact violent d'une chute conséquente à une aventure d'une seconde sur la surface sournoise, et néanmoins gelée, d'une plaque de glace traitresse !
C'est le camarade Allègre qui se frotte les deux grosses mains potelées et velues ! Vous allez voir qu'il va embrayer sur le complot ! Et Roselyne qui lui sert sur un plateau une collusion possible entre les grands laboratoires et les instances gouvernementales ! Oyez, oyez, braves gens, ouvrez enfin les yeux : le réchauffement climatique c'est juste pour vous faire oublier l'augmentation de la redevance TV ou le maintien de Domenech comme sélectionneur (de quoi au fait ?) ; la remontée du niveau de la mer ? De quoi se plaint-on ? C'est la mer qui vient vers nous ; moins de kilomètres à parcourir, donc moins de carburant dépensé, donc tout ça va s'équilibrer ! La désertification ? les famines ? Les risques de conflits sociaux ? ... tiens je reprendrais bien un peu d'œufs à la neige...
samedi 9 janvier 2010
Crèche béconnaise AOC
Ci-dessus, l'unique crèche AOC : la béconnaise.
Qu'est ce qui caractérise la crèche béconnaise ?
D'abord, elle est unique et inimitable.
Ensuite, elle doit être réalisée dans une caisse de Bordeaux Grand Cru (ici un Château Talbot 1982).
Les santons sont exclusivement issus de la Maison Carbonel à Arles.
Joseph et Marie sont potentiellement hors la loi car ils accueillent sous leur toit des individus sans-papiers aux noms douteux : Gaspard, Melchior et Balthazar.
Une brique volée sur les remparts de San Giminiano reçoit le repos du berger.
Le pays Dogon est à l'honneur : une serrure en bois, et une série de figurines en plomb présentant des petits animaux, et servant pour mesurer l'or, assiste sagement au spectacle.
Il s'agit du seul édifice que j'ai jamais construit dans ma vie, en dehors d'une cabane provisoire dans les bois durant un camp scout.
Alors voilà pourquoi, moi qui ai une âme de bâtisseur, je tiens à dire merci au petit Jésus de me permettre d'accéder, chaque année, à ce plaisir infantile.
mercredi 6 janvier 2010
Photo
"Ombres et lumières" nous avait incités à commenter une série de photos impressionnantes visibles sur une adresse http//... qu'une de ses amies (je trouve que "Ombres et lumières" a beaucoup d'amies !) lui avait indiquée.
L'exercice n'est pas facile ; c'est sans doute ce que le rend excitant ! J'ai choisi cette photo. J'ai l'impression que cette image est bruyante, assourdissante et que les personnages vont sortir du cadre pour me foncer dessus ; moi qui ne suis supporter de rien du tout en terme de foot. Car une ivresse pareille, ça ne peut être déclenché que par ce sport incroyable qui, comme dirait - Stéphane Guillon ? -, parvient à faire que des centaines de millions de pauvres encouragent pendant près de deux heures 22 milliardaires qui courent après un ballon !
Il y a une chose assez surprenante sur cette photo (je ne parle pas du champion du monde du cracher de noyaux d'avocat), c'est la présence de cette femme devant le policier. Que vient faire une "bonne femme" dans cette pataugeoire de mâles surexcités ? J'entends à cet instant le râle horrifié des féministes égarées dans ces lignes... Tant pis ; je maintiens. La femme est l'avenir de l'homme ; et pas le contraire ! Sauf peut-être au foot ?
Neige
J'avais pris le train au matin et il faisait encore nuit. La lune honorait la Seine d'un disque parfait abandonnant son reflet glacé sur la peau épaisse du fleuve. Je n'avais dormi que quelques heures. Le hall de la gare semblait épuisé, lui-aussi. Discipliné - ou simplement prudent ? - j'étais monté dans le wagon dont le numéro était inscrit sur mon billet. Je m'étais assis bien calé sur un siège du fond, presque allongé. Quand le train est parti j'ai placé mon manteau par dessus ma tête de telle sorte que j'étais comme dans un minuscule abri obscur. J'avais l'impression de pouvoir me faire oublier du reste du monde. J'ai senti le train qui vibrait prenant lourdement une vitesse de croisière programmée. Mon corps suivait le rythme des vibrations tourmentées du wagon. Des bruits de frottements métalliques, sourds, équipés d'accents plus ou moins aigus, parvenaient à se glisser sous le manteau, au cœur du nid. Je maintenais mes yeux ouverts pour bien voir ce noir absolu, chaud et bruyant. Je savais qu'il faisait froid dehors. Cette idée m'était extrêmement agréable. Çà pouvait être une idée détestable. J'aurais aimé observer longtemps cette obscurité délicieusement tiède. Je savais que dehors c'était le vacarme des aciers, et les gifles du vent. C'était un bonheur supplémentaire. Il n'y avait presque personne dans le wagon. c'était une victoire. Et puis je me suis endormi. Profondément. Quand je me suis réveillé, tout était encore parfaitement en place : l'obscurité, le froid imaginé, le vacarme légèrement feutré du dehors. J'ai soulevé mon manteau. Il faisait jour. Un jour d'une blancheur d'hostie. La campagne - nous étions en pleine campagne - disparaissait, trouillarde, sous la neige. Nous doublions à grande vitesse des colonnes de pylônes dressés comme des patrouilles inquiétantes, pétrifiées ; leurs pieds absents dans l'écume immaculée. Parfois le train longeait un épais mur végétal surchargé de poudre glacée. Le souffle du vent faisait alors se lever comme un voile de mariée qui confondait le spectacle.
lundi 4 janvier 2010
Le Louvre à Lens
Un petit billet de Frédéric Edelmann dans "Le Monde" daté du 31 décembre, "Le Louvre à Lens raconté par celle qui l'a conçu", m'invite à la réflexion.
Il faut tout d'abord saluer l'attitude d'Edelmann qui, plutôt que de discourir sur un projet encore virtuel (les travaux étaient officiellement lancés le 4 décembre), laisse une large place aux commentaires de l'architecte et aux intentions qui ont guidé la conception.
Mais je m'interroge sur trois points :
- le premier, concerne le coût du projet et la pertinence de l'investissement : 80 millions d'Euros HT pour les travaux, pour 28.000 m2 de bâtiment et 20 ha de jardin ; à lire l'article, les espaces d'expositions ne représenteront qu'une partie (réduite ?) des surfaces construites ; aux 80 M€, il faut ajouter les honoraires ; la muséographie est-elle comprise ? Bref, c'est un investissement conséquent (100 M€ au total ?). Combien de logements sociaux pour la même somme ? 60.000 m2 ? 1.000 logements ? Bien entendu, il faut des lieux pour conserver les œuvres d'art et pouvoir les présenter à un public toujours plus large, et pas exclusivement parisien. Mais n'y a-t-il pas provisoirement peut-être, une échelle des priorités qui place le plaisir personnel d'une minorité - pouvoir admirer quelques chefs d'œuvre supplémentaires - après le droit élémentaire pour des milliers de familles à disposer d'un logement ; social en l'occurrence ?
- le second est un peu technique : le production de Sanaa est d'une très grande exigence constructive ; cette écriture, qui semble inspirée par la philosophie Zen, sera-t-elle servie à la hauteur de cette exigence ? On peut rester optimisme ; la qualité de réalisation de la médiathèque de Strasbourg l'atteste : une très grande exigence architecturale, jusque dans les finitions, peut trouver ses protagonistes.
- le troisième point, c'est le paradoxe d'une époque où on construit des musées aux quatre coins de la France et, simultanément, on réduit l'enseignement des arts et de l'histoire à l'école ; qui visitera demain ces musées édifiés par les plus talentueux architectes : des spectateurs et des touristes qui "auront fait le Louvre à Lens" comme on consomme une prestation incluse dans un forfait ? Restera-t-il encore des amateurs et des curieux chez lesquels l'éducation aura suscité le goût de découvrir ou approfondir leurs connaissances dans le domaine de l'art ; des curieux pour qui l'art ne se contente pas d'être une représentation, mais un élément majeur de la connaissance de soi et des autres ?
Je saute peut-être du coq à l'âne, mais ... je pense au sujet de ce paradoxe à la réflexion d'Emmanuel Todd pour qui le sarkozysme se caractérise par "la capacité à dire tout et son contraire"...
Je saute encore du coq à l'âne en pensant à Goering, le monstrueux maréchal d'Hitler qui avait pillé pour sa collection personnelle plus de 1000 tableaux du musée du Jeu de Paume ! Ceux qui fréquentent l'art ne sont pas toujours des personnes fréquentables, et comme disait Léo Ferré, "ce n'est pas le baise-main qui fait la tendresse"...
Renaissance
Une photo de notre séjour sur Pandora
Coucou, le revoilou !
Face au déchainement de lamentations qui a accompagné l'autodissolution d'Everybody Knows, au déferlement de pétitions exigeant le retour à la vie de ce blog légendaire, je suis parvenu, après un détour sur Pandora qu'Everybody Knows avait atteint en quelques jours seulement, à demander aux Navis de tous se tenir la queue et de chanter des psaumes de cannibales en oscillant lentement (sans regarder la caméra) afin de redonner vie à notre blog héroïque.
Vous ne me croirez certainement pas, mais ça a marché !
Evidemment, Everybody Knows aura muté légèrement. Il sera devenu beaucoup plus grand, plus gentil, bleu peut-être, mais vivra enfin en harmonie avec le monde !
Alors oubliez Alep l'imposteur, le Prince Jean (pas celui des Haut de Seine, le mieux, celui de Richard Coeur de Lion ; oui : le camembert !).
Je vais liquider ce félon et poursuivre une vie paisible en territoire connu.
(je suis à droite sur la photo ; à gauche, c'est une copine que j'ai rencontré par hasard)
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