dimanche 24 janvier 2010

Pedro Paramo de Juan Rulfo (2)

Je viens de refermer ce livre après l'avoir achevé pour la deuxième fois (achève-t-on un livre ?). Qu'en dire ? Les qualificatifs qui me viennent sont : sombre, poétique, surréaliste ; les mots : amour, mort et morts, fantômes, vivants, nostalgie, passé, âme.
Je ne veux pas parler de l'histoire (est-ce possible d'ailleurs ?), mais juste pointer une facette de ce roman à laquelle j'ai été particulièrement sensible.
Ce village, Comala, est abandonné. Pedro Paramo, maître absolu, tyran local victime de sa passion pour Susana la folle, a juré de se venger de Comala quelques jours après sa mort quand il a vu que ce village, assommé de folie par les cloches qui n'ont pas arrêté de sonner pendant trois jours, ripaillait pendant qu'on enterrait sa dernière femme.
Mais les pierres gardent en elles le souvenir de tout ce passé. Rien ne s'efface. Rien ne peut s'effacer. L'espace, les portes, les rues vides conservent tous les détails de l'histoire du lieu et des hommes qui l'ont habité. Mais tout ceci est invisible et ne peut se révéler à nous, êtres vivants provisoires, que si nous savons entendre ce qui est inaudible, voire ce qui est invisible, sentir ce qui n'a plus d'odeur. C'est à dire parvenir à recréer ce qui a disparu par une sorte de communion secrète avec les choses. C'est toute la question de Lamartine : "Objets inanimés avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?"
Tous ces lieux en déshérence possèdent un pouvoir d'attraction fort, mystérieux, poétique. Les espaces jonchés de traces de vie comme autant d'indices, envahis par la végétation, dégradés par les intempéries, nous livrent de vrais trésors...
"Ce village est plein d'échos. Ils semblent avoir été reclus au creux des murs ou sous les pierres. Quand on marche, on a l'impression qu'ils vous emboîtent le pas. On entend des craquements. Des rires. Des rires très anciens comme lassés de rire. des voix usées d'avoir trop servies. On entend tout ça. Je crois qu'un jour viendra où ces bruits s'éteindront."
Quand s'éteindra l'attention ?...

PS : les photos viendront, mais c'est un peu lent ce soir !

1 commentaire:

  1. Je partage ton point de vue. Pourquoi un roman serait-il conforme à ce que l'on voit dans l'instant et uniquement à ce que l'on voit. La perception que nous avons est bien plus riche. Faire partager ce qui est ressenti, ce qui est projeté sur le réel, on est bien au coeur de la démarche artistique. L'espace romanesque est multi-dimensionnel, c'est ce qui fait son charme. RV au 5 pour débattre de tout cela.

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