lundi 4 janvier 2010

Le Louvre à Lens


Un petit billet de Frédéric Edelmann dans "Le Monde" daté du 31 décembre, "Le Louvre à Lens raconté par celle qui l'a conçu", m'invite à la réflexion.
Il faut tout d'abord saluer l'attitude d'Edelmann qui, plutôt que de discourir sur un projet encore virtuel (les travaux étaient officiellement lancés le 4 décembre), laisse une large place aux commentaires de l'architecte et aux intentions qui ont guidé la conception.
Mais je m'interroge sur trois points :
- le premier, concerne le coût du projet et la pertinence de l'investissement : 80 millions d'Euros HT pour les travaux, pour 28.000 m2 de bâtiment et 20 ha de jardin ; à lire l'article, les espaces d'expositions ne représenteront qu'une partie (réduite ?) des surfaces construites ; aux 80 M€, il faut ajouter les honoraires ; la muséographie est-elle comprise ? Bref, c'est un investissement conséquent (100 M€ au total ?). Combien de logements sociaux pour la même somme ? 60.000 m2 ? 1.000 logements ? Bien entendu, il faut des lieux pour conserver les œuvres d'art et pouvoir les présenter à un public toujours plus large, et pas exclusivement parisien. Mais n'y a-t-il pas provisoirement peut-être, une échelle des priorités qui place le plaisir personnel d'une minorité - pouvoir admirer quelques chefs d'œuvre supplémentaires - après le droit élémentaire pour des milliers de familles à disposer d'un logement ; social en l'occurrence ?
- le second est un peu technique : le production de Sanaa est d'une très grande exigence constructive ; cette écriture, qui semble inspirée par la philosophie Zen, sera-t-elle servie à la hauteur de cette exigence ? On peut rester optimisme ; la qualité de réalisation de la médiathèque de Strasbourg l'atteste : une très grande exigence architecturale, jusque dans les finitions, peut trouver ses protagonistes.
- le troisième point, c'est le paradoxe d'une époque où on construit des musées aux quatre coins de la France et, simultanément, on réduit l'enseignement des arts et de l'histoire à l'école ; qui visitera demain ces musées édifiés par les plus talentueux architectes : des spectateurs et des touristes qui "auront fait le Louvre à Lens" comme on consomme une prestation incluse dans un forfait ? Restera-t-il encore des amateurs et des curieux chez lesquels l'éducation aura suscité le goût de découvrir ou approfondir leurs connaissances dans le domaine de l'art ; des curieux pour qui l'art ne se contente pas d'être une représentation, mais un élément majeur de la connaissance de soi et des autres ?
Je saute peut-être du coq à l'âne, mais ... je pense au sujet de ce paradoxe à la réflexion d'Emmanuel Todd pour qui le sarkozysme se caractérise par "la capacité à dire tout et son contraire"...
Je saute encore du coq à l'âne en pensant à Goering, le monstrueux maréchal d'Hitler qui avait pillé pour sa collection personnelle plus de 1000 tableaux du musée du Jeu de Paume ! Ceux qui fréquentent l'art ne sont pas toujours des personnes fréquentables, et comme disait Léo Ferré, "ce n'est pas le baise-main qui fait la tendresse"...

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