samedi 14 novembre 2009

LA TELEVISION


Je n'avais jamais lu Jean-Philippe Toussaint avant qu'on m'en recommande la lecture (!). "Tu verras, il y a un style que tu apprécieras. Il ne se passe rien, mais c'est beau. Les phrases sont longues mais magnifiques." Je retranscris de mémoire les propos de la personne qui m'a conseillé et qui, faisant partie des "inconnus silencieux" qui viennent périodiquement "incrémenter le mouchard", se reconnaîtra sans doute.
J'avais donc lu "La vérité sur Marie", finaliste du Goncourt et finalement Prix Décembre, dont j'ai fait un éloge ici-même.
Avec "LA TELEVISION", son 5ème roman, publié en 1997, Toussaint met en scène un historien d'art français qui, un été, seul à Berlin (il est marié à une femme belle, qui est partie en vacances en Italie avec leurs deux enfants), tente de faire plusieurs choses : travailler à son essai, "Le Pinceau" traitant de l'évènement historique (mais dont l'historicité se révèle incertaine) à l'occasion duquel le grand Charles Quint se serait penché pour ramasser le pinceau que Titien (Le Titien ? Titien Vecellio ? Tiziano ?) aurait laissé échapper de ses mains ; soigner et arroser les plantes de ses voisins de l'appartement du dessus (des maniaques de la botanique domestique) ; et arrêter définitivement de regarder la télévision. Le succès de chacune de ces tentatives sera relatif.
Le lecteur accompagne le double de Toussaint dans ces errances estivales, d'une séance de bronzage intégral dans un des parcs de Berlin, aux baignades en piscine, en passant par les atmosphères sympathiques des restaurants branchés de la capitale allemande, au détour en flash-back d'une consultation à la Bibliothèque de Beaubourg.
Au fil de ces tableaux ordinaires d'une vie qui se déroule au rythme lent d'une liberté d'intellectuel célibataire, Toussaint nous fait partager le regard qu'il porte sur les petites choses, les petits évènements insignifiants (parfois) et subtils (souvent) qui fourmillent autour de nous, à chaque seconde. Ne serait-ce pas ce que l'on qualifie habituellement par le mot "attention" ?
Il s'aide de très longues phrases, composées comme le serait un tableau fait de mille touches précises - les mots - placées sur la toile selon une densité choisie - la ponctuation.

Extraits : "L'illusion de la réalité dans un tableau de la renaissance, l'illusion, à partir des couleurs et des pigments, des huiles et des coups de brosse sur la toile, les retouches légères au pinceau ou même au doigt, d'un simple frottement du bord du pouce dans la pâte encore légèrement humide d'huile de lin, d'avoir en face de soi quelque chose de vivant, de la chair ou des cheveux, de l'étoffe ou des drapés, d'être en présence d'un personnage complexe, humain, avec ses failles et ses faiblesses, quelqu'un avec une histoire, avec sa noblesse, sa sensibilité et son regard (...) est par nature fondamentalement différente de l'illusion que propose la télévision quand elle représente la réalité, simple résultat mécanique d'une technique inhabitée."


Ne jamais oublier :
"La télévision est du temps de vente de cerveau humain disponible" Mr. Lelay, ex-PDG de TF1, humaniste du 20ème siècle.
"La télévision, le nouvel opium du peuple." Paternité inconnue, mais adoption assumée.

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