samedi 31 janvier 2009

Les Syrtes, la lecture et Paul Andreu

L'un des derniers petits textes de mon ami Gérard sur son blog, traite avec beaucoup de talents des émotions qu'il a vécu à la réception par la Poste d'un exemplaire du "Rivage des Syrtes". Je lui ai fait cette réponse.
"J'ai lu avec un intérêt gourmand et un sourire évident le réçit de ton odyssée préliminaire vers le Rivage des Syrtes. Le rite consistant à devoir découper avec précaution le tranchant des pages des livres des Editions Costi (ou est-ce uniquement ceux de Julien Gracq ?)offre des parfums de nostalgie bien agréables, mais également de préliminaires indéniablement sensuels. Tu as ainsi perçu l'incomparable odeur mêlée du papier et de l'encre, le toucher particulier des feuilles, l'infîme débordement de la couverture sur la feuille ; autant de détails qui résonnent en défintive comme un espace essentiel. On se plait alors à penser que tous les livres devraient nécessiter cette complicité préalable de l'invité que nous sommes, nous-autres lecteurs, au seuil d'une des maisons de l'écrivain : se saisir d'un coupe-papier et avec patience et précaution (respect serait peut-être mieux encore ?) engager la conquête pacifique de l'objet vivant, ouvrir avec la lame la boîte de Pandore, laisser échapper un premier parfum comme on le fait d'un grand cru, avec lenteur, le corps déjà absent du monde concret, l'esprit déjà présent dans le monde réel du roman."
Je poursuis avec deux choses que j'ai relevé ce matin dans ma lecture du "Monde". En 1er lieu, un article de la romancière Danièle Sallenave (dont j'avoue ignorer la production) traitant de son expérience durant une année scolaire dans un collège de Toulon, sur la question du rapport des élèves à la lecture. Je cite quelques unes de ses réflexions : (parlant du travail des professeurs) "Leur métier est aujourd'hui le dernier des métiers parce que les enseignants ne sont pas soutenus. On leur en veut d'être porteur d'une idée qui dérange : que gagner beaucoup d'argent, dominer l'autre, lui marcher sur le ventre pour "arriver", s'abrutir de foot-ball et de jeux télévisés, cela ne peut pas être un but dans la vie, et lui donner un sens." Evoquant les écoles privées, dans lesquelles vont les enfants des "villas", et les écoles publiques réservées aux enfants des "barres", elle dit : "Dans le collège privé, il y a une apparence d'ordre, d'autorité, de travail. Mais c'est une apparence. car les deux écoles vivent au sein d'une société qui ne croient plus à la force de l'art." Elle ajoute : "Ce qu'on appelle "culture" aujourd'hui ? Le patrimoine, son exploitation commerciale et touristique. Ce n'est pas de cela que chacun a besoin. Mais d'une rencontre singulière et profonde avec des oeuvres qui vont changer sa vie... Chacun, quel qu'il soit, quelle que soit sa place dans la société."
Et puis dans "Le Monde 2", je découvre que Paul Andreu, le "grand" architecte des aéroports (en particulier Roissy), de l'Opéra de Pékin, Polytechnicien et Ingénieur des Ponts, est en fait un enfant de Tsiganes, échangé accidentellement à la maternité ! Et qu'il vient de le révéler dans un livre "La Maison", qui vient de paraître. Magnifique ! Deux anecdotes au sujet de Paul Andreu : à l'occasion d'une rencontre organisée en marge de la biennale d'architecture de Venise sur le thème "Littérature et architecture", où étaient invités à dialoguer des couples d'architectes et d'écrivains, Paul Andreu était associé à Erick Orsenna ; parlant de ce que représentait pour lui l'architecture, il eut cette phrase que je trouve très belle et que j'avais notée : "Ce qui m'intéresse le plus dans l'architecture, c'est la poésie ; la prétention incroyable que nous avons à ajouter au monde". La 2nde anecdote, toujour à la même occasion, alors qu'on lui avait demandé de sélectionner des photos qui seraient projetées et qu'il commenterait, la 1ère photo projetée est un plat de spaguettis ! "Et oui", dit-il, "pourquoi pas un plat de spaguettis, ça vous étonne ?" Et de parler sur "la vie, la réflexion sur les flux, toutes ces choses qui nous passionnent, ne sont-elles pas à l'image de ces spaguettis, dont on ne saisit pas bien la forme, qui se mélangent entre eux, dont les extrémités se perdent, etc..." et d'ajouter enfin : "Ces spaguettis me sont sympathiques car, alors qu'aujourd'hui tout le monde s'évertue à rendre ferme des choses molles, les spaguettis eux, vivent l'inverse !"

1 commentaire:

  1. Merci pour ce commentaire élogieux et surtout pour ce partage des sensations liées aux préliminaires d'une lecture.
    Encore une fois, le dialogue à travers nos blogs revêt une extrême importance. Le feed back est immédiat et il permet de faire des enchaînements.

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