dimanche 25 janvier 2009

Hello Papa Tango Charlie

Après réflexion, je préfère mettre ce "PS" avant le texte, car ce serait dommage que les lecteurs vélléitaires (il en existe !), frileux à l'idée de se lancer dans la lecture du texte qui suit la vidéo, ne profite pas de ce petit commentaire préalable à ce régal de clip.
PS donc : les hommes de goût reconnaîtront dans les danseuses toute la sensualité de Jane Birkin, de Dany, et de Nathalie Delon, dont j'étais éperdument amoureux bien entendu. Sensualité qui comble les quelques approximations (euphémisme) de leur synchronisation rythmique ! J'envie le déhanchement du regretté Mort Schuman, son basculement anthologique de buste vers l'arrière et ses petits sautillements qui font oublier le léger excès pondéral du chanteur anglo-saxon et néanmoins moustachu ! A admirer sans modération !

Je profite (encore !) de Contrastes et Lumière pour aligner quelques phrases et par là, quelques souvenirs. Ce fameux (mythique) café de la Place Saint-Augustin, plaque tournante des fantasmes du jeune héros du court métrage de Rohmer dont Gérard nous gratifie, est comme glissé au forceps sous la masse solennelle du bâtiment un peu pompier qui abrite le Cercle national des armées. La relation que j'ai avec ce lieu - je laisse le bar à Gérard et à Rohmer, et je m'empare de l'immeuble - date de plus de 30 ans ; ça devait être en 1973, sans doute en décembre. Comme chaque année, le 2ème ou 3ème samedi de décembre, la grande salle d'apparat du 1er étage est réservée pour le bal du Prytanée Militaire de La Flèche. Je suis en 1ère (classe dénommée "Rhéto", de "rhéorique" bien entendu, et bien qu'il n'y ait plus, à cette époque déjà, de filière littéraire au Prytanée, les classes de 1ère continuent à être appelées "Rhéto"), j'appartiens à la musique (la "Wouah" - chaque chose au Prytanée avait en quelque sorte un double, un avatar de schizophrénie qui permettait proablement à l'institution et ses institués de survivre malgré l'incongruité du système), j'y sévi en qualité de tambour, c'est à dire que lors des défilés, je marche au 1er rang à quelques mètres derrière le chef de clique - un adjudant bouffi dans son uniforme raccourci - qui bat la mesure, fait virevolter son bâton (il doit bien y avoir un nom pour cet instrument, je vais chercher) et le lance épisodiquement en l'air pour faire l'intéressant ; pour être précis, je suis positionné au 1er rang le plus à droite (c'est la seule fois de mon existence, je le jure !); le tambour major étant positionné le plus à gauche (l'armée m'étonnera toujours !). Le tambour major est aujourd'hui médecin psychiâtre à Paris : il ne s'en est toujours pas remis ! Ma digression musicale vous semble légèrement digressive ? Vous avez tort. En fait, avant de briller sous les ors de la salle d'apparat du 1er étage de l'institution augustine, nous devions réanimer la flamme du soldat inconnu sous l'arc de triomphe. Et oui, cher(e)s ami(e)s lecteur(e)s, songez, quand vous tournerez dans le flot des voitures autour de l'Etoile comme des balles dans un barillet de revolver (merci Julien Gracq), que j'eus mon heure de gloire et que je tentas, sans succès, de faire frissonner la dépouille du sacrifié inconnu aux accents lugubres de la sonnerie aux morts. Il parait que les associations de tout poil se pressent pour figurer sur la liste des élus qui paradent chaque jour sur le nombril de Paris, et qu'il n'existe pas une seule soirée de repos dans l'année pour ce pauvre soldat ! Donc, en récompense à notre exhibition élyséenne, nous avions le droit de participer au bal du Prytanée, et ce en toute dérogation puisque ce bal était théoriquement réservé aux seuls élèves des classes préparatoires aux grandes écoles de l'armée (St Cyr, Navale, l'Air et bien sûr l'X), et bien entendu aux anciens, les moins glorieux, puisque toujours en vie. Ce bal, les plus vieux de "la Wouah" nous y préparaient mentalement des mois à l'avance, nous faisant rêver à cette terre promise parisenne où la "chasse" était (officiellement) ouverte aux jeunes demoiselles de la Légion d'Honneur de classe terminale, triées sur le volet de leur bulletin de notes (plutôt que sur leur plastique), invitées par l'institution de La Flèche (72), à cette époque exclusivement masculine. Il s'agissait probablement d'une ultime tentative pour unir des jeunes filles de bonne famille à de futurs officiers propres sur eux et dans leur tête, avant que la vie civile ne prenne les jouvencelles dans les filets d'une perversion inéluctable. Donc nos ainés musiciens nous chauffaient, nous pressant de recommandations destinées à anihiler en nous toute forme de timidité, surenchérissant dans l'anecdote croustillante, nous menaçant des pires mesures de rétorsion si, d'aventures, nous devions rentrer "broucouille" de cette virée à la capitale.
Je ne me répendrai pas dans une description nostalgique des séquences grottesques auxquelles j'ai pu assister ; je ne résiste cependant pas à l'évocation de la giffle retentissante que notre copain "le Chinois" se prit à l'issue d'une tentative de rapprochement très rapproché d'une certaine demoiselle au nom brodé de particules, sous le regard goguenard de la troupe d'idiots que nous formions en tapisserie, et qui, dans un sursaut improbable d'humanité, recueillie dans ses rangs le pitoyable "Chinois", assommé de ridicule, et le consolat en forçant l'épaisseur du duvet disgracieux qui régnait au-dessus des lèvres de la jeune vestale, la rendant indigne d'une quelconque attention sentimentale, fusse-t-elle de l'incorrigible "Chinois". J'ai du sans doute tomber amoureux d'une de ces jeunes filles, en silence, incapable de me détacher de ma bande d'abrutis de peur d'essuyer des sarcasmes comparables à ceux infligés à notre audacieux camarade. Je livre seulement à vos orbites cruelles (encore !) le souvenir d'avoir envié pendant des heures le batteur de l'orchestre qui interpréta plusieurs fois le tube de l'année, "Hello Papa Tango Charlie", dont la virtuosité du tempo, le rythme syncopé de son charleston, autant que ses cheveux longs maintenus par un bandeau rouge aux accents apaches, raisonnaient en moi comme un parfum de liberté, une vision anticipée d'un Zabrisky Point comme une terre promise.

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