samedi 11 février 2012

cette année je me prends au mot et j'écris ! (6)


Sur le Post-it aujourd'hui :
"Donc, plus de jérémiades !
Un Post-it bleu d'amour
Un jaune pour les conseils
Et un vert pour le rangement."

Arrêtons-nous quelques instants sur le mot "jérémiades". Tout un chacun connait la signification : plaintes fréquentes et importunes, gémissements, lamentations, geignements, etc. Mais qui en connait la véritable origine ?
En réalité Jérémie avait, il y a fort longtemps, un petit job de prophète en CDI dans la banlieue nord de Jérusalem. (Je fais une digression. Prophète est un de ces petits métiers que la révolution industrielle et la globalisation mondiale ont fait disparaître. Et pourtant, avec le nombre de chômeurs que nous avons à présent, l'idée de réhabiliter ce job pourrait faire son chemin. Aucun problème pour trouver des enseignants : la classe politique en regorge ! Je clos cette digression)
Revenons donc à Jérémie. Prophète, il n'avait pas vraiment choisi. Lui il se voyait plutôt "sacrificateur" ; comme son père, et sans doute le père de son père, et encore le père du père de son père, si ce n'est le père du père du père de son père, comme il est d'usage de le préciser dans la Bible. Jérémie n'eut pas qu'une enfance malheureuse ; toute son existence fut une suite continue de malheurs, et même aujourd'hui, il n'est pas considéré comme l'auteur de la plupart des écrits qu'il n'aurait pas commis. Vous suivez ?
Un exemple pour illustrer "l'enfance malheureuse" : le père de Jérémie, un dénommé Hilqiyahou, sacrificateur de son état (boucher-charcutier de l'époque - ils vendaient déjà des carottes rappées à 19,50€ le kg !) vouait un culte sans bornes à Abraham. Si bien qu'il lui prenait fréquemment le désir irrépressible de sacrifier son fils. C'est ainsi qu'à plusieurs reprises le matin à la fraîche, il devait emmener Jérémie, sous prétexte de faire un jogging, sur le sommet d'une colline qui dominait la zone pavillonnaire où il s'était fait bâtir un F4, ligoter le gamin, avant de le coucher sans ménagement sur un fagot de bois. Heureusement, Dieu qui voit tout et qui est infiniment bon, arrêtait à chaque fois le bras armé de Hilquiyahou avant que la lame de l'Opinel ne tranche la jugulaire du pauvre enfant terrorisé. Bon, il faut relativiser la trouille de Jérémie : après une petite dizaine de fois d'un pareil manège, il compris qu'il ne risquait rien, que son sacrificateur de père ne tournait pas très rond et que Dieu, qui devait s'ennuyer fortement, laissait trainer un peu le suspens. Enfin, on ne sait jamais : Dieu, un jour, pouvait être pris par une partie de pétanque ou dans un embouteillage !... Faut pas plaisanter avec ce type de choses.
A l'école, Jérémie subit tous les sarcasmes de ses petits camarades. Les autres s'appelaient Sarfati, Bensoussan, ou Benjamin, et lui il se trainait un patronyme ridicule : Hilqiyahou ! Il avait beau leur dire que dans le futur son nom - ou plus exactement une abréviation - serait côté à la bourse de New-York ; les autres morveux n'étaient pas des visionnaires !
Au bureau, ses collègues étaient jaloux de son statut de prophète et lui faisaient mille petites misères du style : remplir son encrier de buvard ou lui envoyer des photos cochonnes sur sa boîte mail. En même temps, ils venaient systématiquement le consulter dès 10H00 du matin pour savoir quel était le menu de la cantine à midi. Les gens ne sont pas sympathiques en règle générale ; et ingrats presque toujours ! A leur décharge, il faut bien dire que ce n'est pas très stimulant de côtoyer à longueur de journée, dans un open-space, un type qui vous prédit la destruction de Jérusalem ou l'exil des Judéens à Babylone.
Sur le plan sexuel, la vie de Jérémie ne semble pas avoir été très exaltante. On ne lui connait ni femmes, ni enfants, à une époque où il était courant d'avoir une bonne vingtaine d'épouses et plusieurs centaines de gamins. Cependant, un texte rapporte qu'on le vit trainer un soir dans une ville du nord avec un type un peu louche du nom d'Elie la Saumure, proxénète notoire...
Jérémie mourut au VIème siècle avant JC dans une relative indifférence (du moins la mienne), et fut réhabilité seulement 26 siècles plus tard par George Brassens dans son inoubliable "Mauvaise réputation" :



"Pas besoin d'être Jérémie
Pour d'viner le sort qui m'est promis,
S'ils trouv'nt une corde à leur goût,
Ils me la passeront au cou,
Je ne fais pourtant de tort à personne,
En suivant les ch'mins qui n'mènent pas à Rome."



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