vendredi 28 juin 2024

Ce matin (ou presque) kiosque 40 - Burger et orfèvrerie

Il ne sera pas dit que je n’aurai pas gouté au hamburger à Hambourg. C’est fait, dans le resto recommandé en first sur plusieurs sites ; un rade en entresol dans San Paoli, le quartier alternatif antifa. Chaleur et table moites, serveuse affairée à préparer un cortège de sacs pour les livreurs. Excellents burgers accompagnés (en sus) par des frites irréfutables (moelleuses à l’intérieur et croustillantes en extérieur, et chaudes - toute comparaison est susceptible d’être inappropriée). Un type d’un quintal et demi minimum, armé d’une moustache de mameluck - probablement le petit-fils naturel du Sergent Garcia dans Zorro - s’enfile à la table d’à coté 2 burgers avec une célérité digne d’un championnat du monde d’avaleur de burgers. 

Mais bien avant, la veille, le clou fut le concert à la Philarmonie ; l’occasion de vérifier si l’extraordinaire de l’écrin recèle un vrai joyau. Un « parcours initiatique » , sur le plus long escalator du monde (80m), à l’intérieur d’un tube dont le revêtement est constitué d’un enduit granuleux blanc « décoré » de petits disques (blancs également) - une idée d’un voyage dans l’au-delà ? - vous conduit au niveau du belvédère périmetrique avec une vue magnifique sur les installations portuaires, leur armée  de grues titanesques et la ville elle-même.

J’avais déjà été époustouflé par la Vitra House à Bâle et les espaces piranésiens que l’agence Herzog et de Meuron avait été capable de concevoir. Ici, le spectacle est comparable, mais à une échelle démultipliée. Il y a de l’origami, du pliage savant, une profusion de perspectives qui excitent le regard : une merveilleuse complexité en bois clair et staff blanc d’une finition diabolique.

La conception de la façade relève de l’orfèvrerie et d’une subtile conjugaison entre plusieurs éléments : verre bombé, pixellisation, huisseries verticales en inox poli-miroir, pièces moulées en forme de chas d’aiguille, et autres pièces - probablement en Ductal blanc et aux allures « zahahadidennes »; tous ces dispositifs positionnés selon une combinatoire complexe que seuls les logiciels de CAO-DAO les plus évolués peuvent maîtriser. Le résultat est stupéfiant ; on peut affirmer qu’il y a rien moins que la réinvention de la modénature.

La salle de concert est un concentré d’architecture dans ce que cet art exige de « correct, savant et magnifique ». 

Au Panthéon (le mien) de l’architecture spectaculaire de ses 30 dernières années, Bilbao a son Guggenheim, Porto sa Casa de Musica, Valls ses Thermes, Chicago son Aqua Tower, Cologne son Kolumba, Paris sa Fondation LVMH ; Hambourg a sa Philharmonie.

Chers amis du kiosque de Bécon, je ne doute pas m’être éloigné de mes chroniques habituelles. Je requière pour cela votre indulgence.

N’oublie pas, Jean-Michel, de placer quelques « Apprentissages » car si la poésie ne peut sauver le monde, elle peut y contribuer.

C’est ainsi que les hommes vivent.

jeudi 27 juin 2024

Ce matin (ou presque) 39 - Un bunker et, toujours, la Philharmonie de l’Elbe

Au 3eme jour à Hambourg, je n’ai toujours pas goûter à un Hamburger. D’aucuns au kiosque de Bécon les Bruyères considèreraient ce manque comme une faute grave, sinon une indélicatesse.

Ce soir, peut-être, je me repentirai. 

En attendant, que de kilomètres avalés, à pied ou en vélo ! Oui, Hambourg dispose d’une infrastructure cycliste remarquable ; et comme la ville est globalement plate…

Hier matin, alors que d’autres cancanaient sur un parvis à Becon les Bruyères, nous avons arpenté la « ville neuve », plus arboré que la vieille, dotée d’un tissu de maisons dont la plupart ont été reconstruites après la guerre, mais dans le même style qu’avant. Le pastiche fait avec soin q son charme.

Vu un énorme bunker dont les redents de la partie supérieure ont été végétalisés et qui devrait accueillir prochainement un hôtel, des commerces et probablement des espaces tertiaires. Ce bâtiment est monstrueux. Il paraît qu’il y en a eu 3 de construit en Allemagne ; celui de Berlin a été entièrement détruit par les bombardements. Les édiles de Hambourg ont renoncé à raser celui-là par peur des dommages collatéraux liés à la quantité d’explosifs qu’il aurait fallu utiliser et aux risques pour le voisinage.

Mais surtout, Hambourg a désormais un nouveau symbole : la Philharmonie de l’Elbe. Un joyau architectural qui aura quand même coûté 10 fois son prix de départ et dont la construction aura pris 10 ans. Il mérite à lui seul le déplacement et, si vous avez l’occasion d’assister à un concert, la salle est splendide.

J’ai eu l’occasion (et la chance !) de travailler une fois avec ces architectes suisses, Jacques Herzog et Pierre de Meuron, qui dirigent une agence à Bâle. Ils figurent parmi les plus grands architectes vivants, au même titre que Renzo Piano ou Peter Zumthor. Esprits très ouverts, processus de conception très collaboratif notamment avec les ingénieurs, créativité illimitée, etc.

La silhouette bleu ciel de cet édifice et son toit en forme de vagues se remarquent de n’importe quel endroit de la ville. Le contraste avec l’immense quartier des docks tout en briques rouges dont il assure l’extrémité ouest est saisissant.

La façade est une œuvre d’art à elle toute seule : la pixellisation partielle, les éléments verriers bombés par endroit et les dispositifs courbes (probablement en Ductal blanc) distribués comme aléatoirement, composent un tableau extraordinaire renouvelé en permanence par le jeu de la lumière du ciel et le reflet des bâtiments proches.

Conclusion : Toute personne fâchée avec l’architecture contemporaine devrait faire le déplacement à Hambourg ; je dirais même que ça devrait être remboursé par la sécu pour les personnes dépressives. Un enchantement !

PS : comment se fait-il que j’ai eu 397 visites hier et 139 déjà aujourd’hui ? D’après les statistiques, des visites de Hong-Kongais en masse et de Canadiens…

mercredi 26 juin 2024

Ce matin au kiosque (ou presque) 38 - Hambourg, architectures (encore) et marche à pied

Ce matin, c’était hier et, pour compléter : ce n’était pas au Kiosque (avec un grand K).

Après 4h de train, à un jet de postillons (contaminés) et de rires gras d’une famille allemande (la mère, la fille, le fils, la copine du fils) qui, après s’être enfilée burgers et autres panetones, ont pioché avec enthousiasme dans plusieurs sachets de mini-wurtz, nous sommes arrivés à Hambourg.

La boucle qu’effectue le train en provenance du sud offre un aperçu plutôt favorable de la construction contemporaine allemande. 

Notre résidence-hôtel est dans le quartier St Michel, un quartier où abondent les restaurants lusitaniens.

Déjeuner d’une salade sur notre terrasse avant de partir pour notre semi-marathon urbain (15 km). 

Démarrage par le quartier ancien, plutôt minéral, ce qui nous oblige à chercher l’ombre des façades (en briques quand le soleil est de plomb).

Ascension (via un ascenseur) des 76m du clocher de St xx, la seule partie de l’édifice religieux qui a subsisté après les bombardements alliés. Belles vues sur la ville.

Un petit détour jusqu’à une rue relativement préservée (des bombardements) dans laquelle se loge une crêperie Ti Breiz. On n’est pas dépaysés.

Nos pas nous conduisent au Rauthaus (Hôtel de Ville), un bâtiment « kolossal » du 19eme qui surjoue le décorum statuaire.

Déambulation dans les rues chics et proches, et pause boisson au Café Paris.

Recherche de la Chilihaus (et trouvée) : un impressionnant ensemble de logements achevé en 1924, en forme de gigantesque paquebot de briques (et surtout pas de broc, car l’architecture intérieure est particulièrement soignée de dizaines de détails à faire frémir un promoteur d’aujourd’hui quant à la préservation de la « sainte marge »). Le commanditaire de ce navire immobile est un hambourgeois qui fit fortune au Chili avec le salpêtre (!!!). 

Retour le long des quais où les anciens entrepôts forment une muraille (toujours de briques) et les multiples ponts et passerelles autant de liens entre les deux rives rouges.

Quelques emplettes afin de se concocter un dîner plus équilibré que celui que l’on peut observer, en passant, dans les assiettes des clients aux terrasses des restos portugais.

Balade digestive jusqu’à la Philharmonie ; bâtiment qui pour moi représente peut-être la plus belle œuvre architectural qu’il m’ait été donné de voir jusqu’ici. Elle mérite à elle-seule le voyage à Hambourg.

J’oubliais de préciser : les quelques allemands que nous avons croisés ont toujours été très sympas (ceux du train ne savait pas qu’ils ont probablement refilé la crève à mon épouse !).

Conclusion qui n’a rien à voir : n’oubliez pas de voter NFP dimanche !

mardi 25 juin 2024

Ce matin au kiosque (ou presque) 37 - Mannheim, Jugendstill, parcs disciplinés et dîner au bord du Rhin

Ce matin, je vais vous parler de Mannheim, ville-étape sur notre trajet en train (empreinte écologique oblige) pour Hambourg où nous resterons 3 jours, avant de repartir un peu plus encore vers le nord et Copenhague. Pourquoi avoir choisi de telles destinations ? L’architecture et, en particulier la contemporaine qui constitue l’un de nos sujets d’intérêt principal en voyage. 


Alors Mannheim. Un ami avait fait la moue en entendant ce nom, signifiant qu’il n’y aurait rien de bien intéressant à y voir ; il se trompait. La ville recèle de très beaux musées. Manque de chance pour nous, on y est un lundi et c’est le jour de fermeture. 


En second lieu, les parcs (il y en a partout) dont un absolument magnifique - le Luisenpark - à quelques tours de pédalier de l’hôtel. L’entrée est payante et plutôt chère (12,50€), mais une charmante dame, voyant notre désarroi (j’exagère), nous a fait profiter de sa carte pour franchir l’imposant tourniquet d’entrée. On aurait imaginer les allemands plus stricts et moins coopératifs. Cigognes, bernaches et écureuils parcourent, paisibles, les vastes étendues de pelouse à l’herbe verte parfaite, ponctuées de fauteuils et de chaises longues bleues azur qui accueillent de rares silhouettes venues ici chercher un échantillon de luxe, de calme et de volupté. Des parterres magnifiques à la composition florale étudiée bordent des chemins qui serpentent au gré des méandres des pièces d’eau égayées de « gondoletta » et de flamands roses. Des arbres « fiers » laissent admirer leurs troncs respectables et leurs houppiers gigantesques. Des kiosques apparaissent de-ci de-là parmi la végétation ; l’un d’entre eux aux courbes voluptueuses que n’auraient pas renié Oscar Niemeyer. La tour Telecom dresse, orgueil d’ingénieur, ses 217 m de béton par-dessus cet océan de verdure. Ce parc est certainement le plus beau de la ville - mais aussi le moins sauvage.


L’architecture : de nombreuses maisons et édifices Jugendstill (art nouveau), dont la salle de concert ; d’autres dans des écritures plus massives en grès rouge assez typiques de cette architecture germanique du 19eme, sévère, massive, aux atlantes et cariatides qui semblent tout droit sortis d’un opéra de Wagner. L’église des Jésuites, colorée comme une pellicule en Technicolor.


16 km de marche à pieds plus tard et quelques kilomètres de vélo, dîner bien mérité, en terrasse et au bord du Rhin, d’un fish and chips et d’une wienner schnize tout à fait honorables, petit vin blanc et bière.


Sans le soleil et une température agréable, Mainheim aurait certainement présenté un aspect moins cool.

Il reste qu’il est assez incompréhensible que le Guide Vert fasse l’impasse.

lundi 24 juin 2024

Ce matin au kiosque 36 - Désertion, une paire de bretelles, mariage homo et brocante,

Ce matin, ce n’est pas le kiosque. Nouvelle désertion ! Cette fois, direction des contrées plus septentrionales : Hambourg puis Copenhague.

Samedi matin, j’ai quand même fait un petit tour au kiosque. 

Une nouvelle fois, une chose extraordinaire : le Marseillais est sans bretelles ! Ça m’a sauté aux yeux dès les premières secondes, d’autant que cette négligence me faisait mentir : j’avais évoqué dans une chronique précédente le fait que cette paire de bretelles était consubstancielle du Marseillais, comme pour la casquette de Pascal le Biker et, de plus, une centaine de Chinois avaient visité mon blog hier ! Le Chinois n’aime pas qu’on lui raconte des histoires ; alors une centaine ! Quand j’ai informé le Marseillais que son nom circulait dans l’espace sidéral, il a d’abord cru que c’étaient des conneries. Des côneuries, a-t-il dit, avé l’assent marseillais ! Et puis, il a voulu que je lui donne l’adresse du blog. J’aurais pu, mais je n’avais pas trop le temps. Tous les habitués l’ont ; ils lui communiqueront.

J’ai dû annoncer à tout ce petit monde que je leur faussais compagnie une fois encore. A cette annonce, personne ne s’est immolé sur le parvis de désespoir, mais j’ai senti comme un souffle de regrets dans certains regards (ce qui constitue une vraie performance).

Reaterrissage probable à Becon : le 2 juillet. Mais là encore, ce sera très temporaire, ponctuel, fugace : une apparition…

J’écris ces mots après un week-end marital (je veux parler d’un mariage). Le fils d’amis avec un copain qui est devenu, à cette occasion, son mari. Propriété magnifique dans le Vexin : une ancienne forge dont les différents bâtiments ont été réhabilités avec beaucoup d’attention et d’élégance par l’architecte (et académicien) Bernard Desmoulins. Pièces d’eau habitées de bernaches, de hérons cendrés et de carpes. Piscine couverte logée à flanc de coteau, hamam et salle de muscu. Tout pour permettre à des cadres stressés de pratiquer le « team-building » en toute sérénité. Les agapes furent au niveau du décor. La fête, totalement délirante façon « école de commerce » (vodka, gin, whisky, etc. en « open-bar »). Là, vous sentez que vous avez pris un premier coup de vieux, et le coup de grâce survient quand tous ces jeunes se mettent à chanter en chœur et à l’unisson les paroles de chansons dont vous ignorez totalement l’existence sur des rythmes exclusivement binaires de basses à vous désosser le squelette ! 

Autre ambiance avec la kermesse annuelle de Bécon qui se tenait ce dimanche. Ma première déambulation en 20 ans de vie Beconnaise dans cette « foire à tout » populaire, baignée par les  effluves de merguez et de poulets grillés « façon Ouaga » (c’est à dire, ouverts en deux en « crapaud » et au grill sur un lit de braises).

Je vous écris à plus de 200 km/h dans le TGV qui m’entraîne vers l’Allemagne. J’ai pris soin, ce matin, de saluer notre « passeur » en prenant le train à la gare. J’ai pris mon café Gare de l’Est, dans un Starbucks : quelle décadence !

Bien cordialement 

vendredi 21 juin 2024

Ce matin au kiosque 35 - les Pays baltes - Sassandra - les plates-formes off-shore - la coupe d’UTAH

JM m’accueille avec son petit sourire malicieux et son regard par en-dessous des lunettes. « T’es amoureux toi ? » J’imagine qu’il fait allusion au petit texte écrit suite à ma rencontre d’hier avec AI. « Bien sûr ! », je lui réponds.

Il me dit que sa compagne, quand il a évoqué Monogaga, une quantité de souvenirs lui sont remontés à la surface avec beaucoup d’émotion. Enfant, (adolescente ?) elle a vécu en Côte d’Ivoire, à Sassandra, plus à l’ouest. Ce n’est pas loin de San Pedro qui est au bord de la mer et tout proche de la frontière avec le Liberia. J’ai mangé à San Pedro des barracudas frits dans un resto logé dans un bâtiment en béton brutaliste au-dessus de l’eau. Il y a de cela plus de 40 ans ; hier, donc. Malgré mes recherches sur les images internet, je ne parviens pas à retrouver ce resto. Dynamité, pour laisser la place à un « resort » à l’architecture plus consensuelle ? 

Malgré la pluie, la petite bande des « habitués » est attablée sur la terrasse à l’abri du judicieux porte-à-faux de la toiture de la gare.

Il y a là Martine, Philippe, le Marseillais (et ses bretelles) et bientôt Pascal et Mr Chausson qui nous rejoignent. Utah est méconnaissable car elle est s’est fait raser toutes ses belles bouclettes, coupe façon caniche.

JM qui me sert un café m’informe que AI est passée ce matin et qu’il lui a donné l’adresse du blog. Va-t-elle me censurer ? Ajouter un commentaire ? M’étonnerait pas.

La discussion passe de l’enthousiasme moyen de Martine et Philippe pour les pays baltes qu’ils ont visités récemment, au malaise psychologique d’Utah qui n’ose même plus se coucher sur le sol depuis qu’elle a perdu sa belle toison bouclée noire ; des plates-formes off-shore en Mer du Nord et l’angoisse de la « vague scélérate), où les employés travaillent 3 semaines à raison de 12h par jour et 7 jours sur 7 avant de prendre 3 semaines de congés et rebelote, aux émigrés en charge du nettoyage du HLM du Marseillais qui font le travail à moitié (le chemin est glissant) ; des Restos du Cœur où, 2 jours par semaine, Martine et Philippe s’occupent des mères avec enfants (plus d’une centaine), à la Fête de la Musique qui battra son plein ici-même à partir de 15h. 

Les élections sont à peine évoquées et j’en rajoute pas. J’aimerais tant que toutes ces personnes sympathiques comprennent qu’en ne votant pas pour le NFP au prétexte de Melenchon - que la droite et l’extrême-droite ne cessent de diaboliser (il est loin d’être parfait, mais les forces réactionnaires ont trouvé l’épouvantail qui leur fallait et ont fini par hysteriser la question de l’antisémitisme) -, ils font le jeu diabolique de Macron et du RN. 

Tiens, j’avais oublié : c’est ainsi que vivent les hommes !

jeudi 20 juin 2024

Ce matin au kiosque 34 - Compliqué, Fiscalité, Ouessant et Monogaga

Tout a commencé ce matin par un débat sur le mot « compliqué ». Évidemment, Jean-Michel, mon passeur, est une nouvelle fois à l’origine de ce qui fut une (très) belle rencontre. 

« Bonjour mon oiseau des îles ! » (n’a-t-il pas même parlé de « colibri », ou je brode ?). Il ajoute à mon intention : et une bretonne ! La vraie Bretagne, dit-elle, celle du Finistère. Et l’île ? Ouessant.

Objection de ma part sur la « vraie Bretagne » : et les Côtes d’Armor ? Oh, les Côtes d’Armor, les maisons d’architecte… , dit la jolie jeune femme en mimant la minauderie. JM : attention, il est architecte ! Vous êtes architecte ? me demande-t-elle. Non, mais j’ai beaucoup travaillé avec des architectes. Et puis, il est l’auteur de ça (JM sort la casquette d’agent littéraire et montre le recueil « Apprentissage » qui trône toujours devant la caisse), et puis de ce livre aussi (il saisit un « Abuelo » en ajoutant : et ça se passe à Brehat !).

Elle avoue qu’elle serait plus sensible au roman qu’à la poésie. Je fais l’intéressant en citant Odysseas Elitis (Poète grec et Prix Nobel de littérature) : « La poésie ne sert à rien qu’à vivre en pleine lucidité. » Et bien, vous voyez : je suis lucide, me dit-elle. Je lui dit que je peux comprendre car la poésie (et voilà le déclencheur) c’est « compliqué ». 

Je n’aime pas le mot « compliqué », dit-elle, d’un ton vif. Elle s’explique  (je traduis) : « Qualifier quelque chose de « compliqué », c’est souvent instaurer une certaine distance entre la chose et la personne afin de faire croire à cette dernière qu’elle n’est pas au niveau. » 

Je comprends, mais certaines œuvres par exemple - en peinture contemporaine, ou en poésie - nécessitent un apprentissage, une initiation minimale. Cependant, je crois que certains auteurs se réfugient derrière un discours abscons pour cacher la vacuité de leur propos. Et si on les juge ainsi, c’est que, évidemment, on est trop c.. .

Elle fait un métier « compliqué » dans lequel elle s’efforce de rendre les choses simples, quand nombre de ses collègues persistent à les rendre inintelligibles pour le « non-sachant ». C’est la posture que je reproche à certains architectes qui ont besoin de ce piédestal pour exister. Mais de quel métier s’agit-il ? Fiscaliste. Fichtre ! Le gauchiste que je suis associe immédiatement le terme à « optimisation fiscale », voire « fraude fiscale ». Elle avoue (en plus elle est honnête ! Diable…) qu’elle a pratiqué un temps cet exercice consistant à utiliser les failles de la loi, mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Jolie, honnête, sage. Diable ! (Répétition).

Nous venons à parler de littérature et, plus exactement, de l’incidence de l’espace dans lequel se trouve le lecteur sur son intérêt pour le livre. Pour elle, le lieu ou la position sont importants. Elle prend l’exemple de la plage. « On lit allongés, avec l’horizon de la mer. Quand un livre m’ennuie, je peux y retrouver de l’intérêt si je choisis un autre lieu. » J’apprends qu’elle n’est pas très « plagisme » et qu’à la mer, elle se baigne et puis quitte rapidement la plage (sauf peut-être si elle a un bon livre). 

Je lui demande son prénom. « Il est double : Anne-Isabelle. » JM la prévient alors que je tiens un blog et qu’elle risque d’y figurer. « Il y a un droit de censure ? », me demande-t-elle. « J’y figure tous les jours ! dit JM. 

« Oui, bien sûr, il y a un droit de censure. Je confirme. Son titre : Ce matin au kiosque. » 

« Au kiosque ? Mais ce n’est pas un kiosque… dit-elle. 

La petite-grande dame de Bécon (« Ginette », traduit JM) le désigne par « le magasin de presse ». 

C’est beau, le magasin de presse, dit AI (je viens à l’instant de remarquer que c’est l’acronyme de « Artificial Intelligence », il va falloir que je me méfie…).

Je vérifie si JM n’est pas contrarié quand je le présente comme « kiosquier ». Pas du tout. C’est vrai que j’aime davantage le « Passeur ». AI acquiesce.

Elle m’apprend que le « kiosque » en Côte d’Ivoire, son pays d’origine (celui de son père ? de sa mère ?) avec Ouessant, désigne des petits baraquements aux toits de toile où les ouvriers et les chauffeurs de taxi, ceux qui vont au travail et ceux qui finissent leur nuit, viennent boire un café (lyophilisé avec beaucoup de lait, du lait concentré sucré - « c’est comme ça qu’on boit le café là-bas », précise-t-elle), ou manger des plats avec de la sauce tomate. « Y-a-t-il aussi des « tabliers ? », je lui demande, ces petites roulottes ambulantes où vous pouviez acheter à Ouaga n’importe quoi à l’unité, en particulier les cigarettes. « Bien sûr ! Et, savez-vous qu’on peut même téléphoner ; il y a un portable avec un fil et on paye juste au temps passé. On sait se débrouiller là-bas, et avec l’électricité c’est pareil, on paie avec une carte, comme ça on peut ajuster sa consommation. Pas de gaspillage ! ».

J’évoque « Monogaga », une petite crique, les paillotes et la soirée passée à déguster une langouste qu’un pêcheur était parti nous chercher, qu’il nous avait coupée en deux dans le sens de la longueur et puis fait griller sur un feu de bois. Un aperçu du paradis.

« C’est le coin que je préfère, Monogaga, ça ressemble à la Bretagne », ajoute-t-elle.

Je saurai aussi (mais ça c’était bien avant que nous évoquions mon passé colonial) qu’elle se méfie des personnes qui ont un talent exacerbé et qui peuvent être des pervers, égocentriques, qui se gargarisent de leur personnage et dont l’envers du décors est médiocre. Je lui ai cité ce poète, récompensé par le Goncourt de la poésie, qui a été condamné pour des brutalités conjugales d’une violence inouïes (j’ai lu les compte-rendus d’audience), sévices qu’il a exercés sur son épouse (une de ses anciennes étudiantes) durant une vingtaine d’années, qu’il a partiellement justifiés comme indispensables à sa créativité et qui a écrit des poèmes d’une sensibilité remarquable.

Aujourd’hui, c’était une très belle rencontre de plus, pleine de charme et d’intelligence.

Ginette, la « petite-grande dame de Bécon » est arrivée un peu plus tard, lors de mon second passage (j’étais allé faire valider ma procuration au commissariat d’Asnieres). Libé et l’Huma sous le bras. Nous avons échangé avec Pascal (et Utah, toujours assez indifférent) sur le contexte politique. Nous sommes sensiblement sur la même longueur d’onde. Les derniers propos de Macron m’ont convaincu définitivement (sauf coup de Trafalgar) de soutenir autant que je pourrai le NFP ; quoique l’on puisse penser des « melenchonneries », il y a avec le NFP un projet de solidarité, de justice sociale et résolument écologiste. Je suis prêt à en débattre !

mercredi 19 juin 2024

Ce matin au kiosque 33 - Rivarol, « Ça pourrait être pire ! »

A quoi ressemble un lecteur de Rivarol, journal d’extrême-droite, raciste, complotiste, islamophobe et antisémite ? A rien de particulier : cheveux courts (sans crâne rasé), visage régulier, taille moyenne, vêtements banals style vieille famille versaillaise (un côté un peu mili en « pékin » ? Ancien scout d’Europe ?). Une trentaine d’années ; peut-être une petite quarantaine ? Voila : c’est l’allure du gars qui vient chercher son Rivarol chaque semaine au kiosque de Bécon. Tout simplement.

Il passe un certain temps à considérer les couvertures des magazines qui sont sur le présentoir, sans émotions particulières. Il en feuillette même quelques uns. Ça lui prend bien 10 minutes d’une sorte d’expectative. Puis, il s’approche de la caisse - mais pas trop près - lâche un bonjour timide en regardant ses chaussures (normales elles aussi). Il donne l’impression d’un type gêné de vous annoncer qu’il vient d’écraser votre animal de compagnie préféré. Mieux peut-être : l’allure du type qui n’ose pas demander la revue porno qui est planquée derrière le kiosquier.

Jean-Michel connaît ce client et lui a préparé son torchon. Je me fais des idées ou ledit torchon est plié de telle façon que son titre soit caché ? L’échange se fait assez discrètement et l’homme s’en va comme en catimini. Mais peut-être est-ce un homme timide, discret. Est-il possible qu’il défile en hurlant sa haine des « bougnoules » au milieu d’un ramassis de fachos, rue de Rivoli ? Pourquoi j’imagine toujours que ces types-là ont des têtes patibulaires de brutes épaisses ?

Jean-Michel profite de ma présence pour s’en griller une petite dehors. Un petit papi, la face rayonnante, nous salue. Me demande comment ça va. « Ça pourrait être pire ! », je lui réponds. « Le pire est à venir ! » du tac-au-tac et il s’en repart. 

Les habitués n’ont pas encore pris possession des tables. Je dois m’en aller « me faire rafraîchir les douilles chez le merlan ». Au fait : savez-vous pourquoi on surnomme le coiffeur le « «merlan » ? Jadis les coiffeurs-perruquiers usaient du talc pour leurs exercices de coiffure, et les clients s’en prenaient plein sur le visage. Vous avez remarqué comme moi que Macron se laissait pousser les douilles ? Un peu à la manière de Mitterand du temps du programme commun. Croyez-vous qu’il s’agisse de la recommandation finale d’un rapport de McKinsey ?

Me voilà de retour de chez mon coiffeur préféré, Jean-Marie, un amateur d’art contemporain et de design. Il va aller passer 3 nuits à Venise pour la biennale d’art. Un esthète curieux avec lequel nous échangeons des recommandations de visite, chacun dans son domaine de prédilection. Il m’informe qu’il a aperçu récemment Jean Nouvel traverser la rue ; ça n’avait pas l’air d’aller fort.

Quand je reviens au kiosque vers 11h, quelques habitués sont là. Je suis accueilli avec beaucoup de sympathie. Martine me lance un « bonjour Claude » et Philippe, son mari : « enfin de retour ! ». Je n’ai hélas pas le temps de rester un peu avec eux. Ce sera pour demain ou après-demain.

Cet après-midi, j’irai faire un tour du côté de St Sulpice où se tient « Le marché de la poésie ». D’ordinaire, nous ne sommes jamais sur Paris à ces dates. Je vais aller « humer » ce que poesie signifie aujourd’hui.

dimanche 16 juin 2024

Ce matin au kiosque 32 - Le précipice !

Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. Soleil hier et pluie ce matin. La météo serait-elle influencée par le contexte politique ? Le dérèglement est partout. Quel est ce mois de juin froid et pluvieux ? Est-il annonciateur de lendemains gris ? Ou plutôt bruns ? La Gauche avait entrouvert en début de semaine une fenêtre laissant pénétrer un parfum d’espoir dans la maison France qu’une odeur de rassi avait envahie. Et puis, le naturel est revenu au galop chez certains pour fragiliser, en fin de semaine, l’édifice qui tenait déjà un peu par miracle ! Souhaitons que des maçons bien inspirés viennent à temps opérer les réparations (de fortune) suffisantes pour aller au bout et maintenir les fenêtres ouvertes.

Comment imaginer que la France soit le 8 juillet gouvernée par l’extrême-droite ? Sous un masque populiste, agitant les fantasmagories de l’islam et des migrants, alimentant la haine des élites, aidée par les médias puants de Bolloré, le FN/RN n’a pas renoncé à son ADN : racisme, rejet de l’autre, repli identitaire, chasse aux opposants, …

On évoquait dans un cercle d’amis, il y a déjà plusieurs années, le réveil de l’œuf du serpent (Cf film de Bergman sur la montée du nazisme) dans un cercle d’amis. Nous étions alors des cassandres et des indécrottables pessimistes ! Parce que nous étions de gauche ? Parce que la Gauche s’était fourvoyée ? Peut-être, mais nous avions, hélas, raison…

Vous avez compris : je suis de gauche. Pourquoi ? Essentiellement parce que je n’ai pas trouvé ailleurs un écho à mes valeurs : solidarité, amitié, défense du vivant, lutte contre la fracture sociale.

Alors ce 31eme bulletin n’a pas tout à fait la même teneur que ceux qui l’ont précédé. C’est vrai. Mais l’heure est grave, chers amis

Votez, mais surtout pas pour le RN au prétexte que les autres vous ont déçus. Le RN : essayé, mais non remboursé !

samedi 15 juin 2024

Ce matin au kiosque 31 - Quoi de neuf ? Montreuil (encore)

Chers amis,

Depuis mon petit exil provisoire montreuillois, je vous adresse ce court message de solidarité, à vous autres habitués du kiosque de la gare de Bécon les Bruyères et de sa terrasse toujours ensoleillée - si ce n’est par l’astre solaire, assurément par le rayonnent de vos amitiés.

J’inviterais bien nos édiles beconnaises à se jumeler avec Montreuil tant il me semble que ces deux villes pourraient s’apporter mutuellement beaucoup.

Durant ces quelques jours passés dans cette ville de la banlieue est - la seconde ville du Mali -, j’ai découvert tout un tas de belles choses : la réalité du mot « inclusif » défait de sa panoplie de « marketing-RSE », le sens d’ « alternatif » dans ce qu’il ouvre des horizons de culture, de tolérance et de solidarité, celui « d’appropriation de l’espace » dans ces lieux revisités exempts du formalisme architectural et tout entier nés d’une forme d’art sensible et improvisé. 

Bref, j’ai beaucoup aimé Montreuil, même si Bécon…

A bientôt !

jeudi 13 juin 2024

Ce matin au kiosque 30 - Poesie

Pas de kiosque ce matin, tout du moins en « présentiel », mais un kiosque en « distanciel », par la pensée.

Je partage un extrait de la lecture d’un texte dont le titre affirme les vertus de l’humilité : « Le succès, et après ? » ; un texte qui traite « des poètes que l’histoire a laissés de coté ».

« C’est une folie que de confier le sens de sa vie à quelques vers. Et pourtant, il existe des passionnés qui tentent de prolonger par-delà les échecs les échos de cette entreprise mi-vaine, mi-admirable. »

S’il fallait que je choisisse une autre adresse pour mon domicile, si je devais quitter la félicité de Bécon les Bruyères, il est très probable que je rechercherais un toit à Montreuil. 

Voilà 2 jours que j’y séjourne, chez ma fille, pour garder ses enfants alors qu’elle se dore la pullule en Crête avec son compagnon ; et cette ville m’enchante.

Elle m’enchante par le dynamisme qu’elle dégage, les gens que l’on croise (beaucoup d’enfants et de jeunes) et qui viennent de tous les pays de la terre, ses nombreuses librairies militantes, les boutiques bigarrées aux allures exotiques, son urbanisme irrespectueux et un peu déjanté, etc.

Montreuil, c’est l’anti-Vincennes dont elle est contigüe. La frontière entre les deux villes est évidente : d’un côté, c’est l’éclectisme, de l’autre le conformisme bourgeois ; le Front Populaire et la Droite corsetée ; l’Ecole Publique et l’institution privée ; le futur improvisé et le passé confit ; etc.


mardi 11 juin 2024

Un matin au kiosque 29 - Les législatives - L’ecolo, la piste cyclable et sa maîtresse - M. - San Sebastian - Jose Luis Sert

J’ai retrouvé, avec un plaisir certain et qui plus est ensoleillé, le kiosque de la gare de Bécon les Bruyères et son passeur que j’avais délaissés depuis une bonne dizaine de jours.

Jean-Michel a été, pendant cette période d’abstinence prosaïque, d’une efficacité remarquable : 1 Abuelo et 1 Apprentissage. Ce passeur est décidément mon meilleur agent ! Des « habitués », seule M., cette jeune femme qui aimerait écrire (mais en fait, elle m’a révélé qu’elle écrivait et qu’elle aimerait me montrer ses textes) était présente. Après être allée boire son café à la terrasse, elle est revenue dans le kiosque où je m’entretenais avec Jean-Michel du sujet du moment (le cataclysme des élections) avec une envie de parler évidente. J’ai eu beaucoup de plaisir à m’entretenir avec elle, bien qu’elle ait plus parlé que moi. Je ne vais pas dévoiler la teneur de notre échange ; il y aurait de ma part une inélégance coupable. J’espère seulement que, par les quelques paroles que j’ai voulues positives à défaut d’être enthousiastes, je lui ai apporté un peu de réconfort. La semaine prochaine, quand je reviendrai sur Becon, j’espère qu’elle me confiera la lecture de ses écritures et, surtout, que j’aurai les mots justes dans mes commentaires.

Avec Jean-Michel j’ai donc évoqué mes malheurs de cycliste randonneur quand la pluie, le froid et le vent s’acharnent sur vous. J’ai fait état de ce qui s’est bien révélée être une déchirure musculaire au Sartorius de la cuisse droite (après échographie réalisée ce jour). Elle s’est déclenchée suite à une crampe hyper douloureuse dans la nuit (la seconde de la randonnée). Mais il faut croire que le Sartorius en question (j’ai envie de parler de Stardivarius) ne sert à rien dans l’action de pédaler car, sur le vélo, je ne ressentais aucune douleur.

Jean-Michel m’a parlé d’un édile de Tours qui, pratiquant le vélo et une maîtresse, avait imposé que la rue où logeait ladite maîtresse soit réservé exclusivement aux cyclistes. Les écolos abusent !

Avec une cliente, dont j’ignore à ce jour le nom, nous sommes partis à San Sebastian, arpenter la courbe délicieuse de la Concha et piquorer des tapas dans la vieille ville. Je lui ai recommandé les fresques exceptionnelles de la chapelle du musée San Telmo de Sert (l’oncle ou le neveu, je ne sais jamais, de l’architecte du musée Miro de Barcelone et de la Fondation Maeght de St Paul de Vence). Elle nous a parlé de son amie d’enfance espagnole (basque), de Pasares et de mille détails ordinaires qui, assemblés dans cet espace, opèrent par magie une transmutation indicible en un tout extraordinaire.