mercredi 5 septembre 2018

Eglise Saint Anastasis d'Alvaro Siza, Couvent des Jacobins de Jean Guervilly, Exposition "De-Bout" de la collection Pinault

A 1H30 de Paris, Rennes et son agglomération offrent un véritable dépaysement et l'opportunité de découvrir une cité, non seulement riche de demeures et de bâtiments publics remarquables que nous ont légués les siècles passés, mais aussi une ville du 21ème siècle, dynamique, ouverte à la modernité architecturale et à la culture contemporaine.
La Place des Lices avec son exceptionnel marché du dimanche - l'un des plus beaux de France - constitue l'une des attractions privilégiées des rennais et des touristes qui se délectent à la seule vue des homards bretons, chevaliers de la mer, fiers dans leurs carapaces teintées par le bleu de l'océan, ou des empilements d'araignées roses aux pattes interminables.
Non loin de cette place bordée de très hautes demeures bourgeoises et patriarcales aux façades parées de pans de bois joliment agencés, les années 70 ont fait pousser quelques "barres" dont la présence aurait pu paraître incongrue. Est-ce le fait qu'elles ne soient pas reléguées au fin fond d'une banlieue oubliée ? Est-ce parce qu'une certaine mixité a prévalu et perduré ? Dans tous les cas, elles appartiennent au "skyline" rennais et cette présence apporte à la ville comme un zeste de "diversité positive".
A quelques encablures des Lices, Jean Nouvel a dessiné une sorte de paquebot noir en verre et métal qu'il a fait accoster sur le mail François Mitterrand. Passons.

Mais ce qui nous a intéressés davantage à l'occasion d'un week-end ce sont deux bâtiments récents et une exposition :
- l'église Saint Anastasis située à Saint-Jacques de la Lande dans les faubourgs de Rennes, conçue par l'architecte portugais Alvaro Siza,
- la restructuration acrobatique et réussie du Couvent des Jacobins par l'architecte breton Jean Guervilly,
-l'exposition "De-Bout" de la collection Pinault qui inaugurait l'espace culturel de ce même couvent.

La petite église Saint Anastasis a été inaugurée au début de cette année.
Elle est fidèle au travail du célèbre architecte portugais (lauréat du Pritzker Price en 1992 et du Praemium Imperiale 6 ans plus tard, les deux plus prestigieuses distinctions en architecture) qui ne cesse de rechercher dans son travail une économie formelle au profit d'une plastique de l'essentiel. Celle-ci se caractérise par une enveloppe fermée, monochrome (blanche), aux volumes élémentaires assumés qu'un détail - un porte-à-faux, une découpe biseautée - soustrait avec ingéniosité à la pesanteur. Il faut gravir quelques marches en marbre blanc d'un escalier intérieur (chemin initiatique ?) pour accéder au cœur circulaire de l'édifice, baigné par une lumière zénithale indirecte et sculpté avec une grande douceur, offrant aux fidèles un écrin de sacralité que le Père en charge du lieu aime à commenter : "On perçoit l'origine de la lumière sans pouvoir y accéder directement ; c'est un symbole très fort."


Le Couvent des Jacobins est un exploit technique autant qu'une hardiesse architecturale. Le vaillant breton, Jean Guervilly, auteur avec François Mauffret, d'un pôle universitaire de biologie dans la ZAC Seine Rive Gauche inspiré par une retenue et une application toute japonaise (Prix Spécial du jury de l'Equerre d'argent 2008), a su imposer au cœur du Rennes médiéval une oeuvre contemporaine où le verre et la lumière, dessinés avec une précision d'orfèvre, défient la pierre et la mémoire des ruines de l'ancien couvent, dans une sorte de dialogue anachronique, reléguant au rang du dérisoire toute querelle des anciens et des modernes.








Les quelques œuvres de la Fondation Pinault - un autre breton - présentées dans les espaces reconquis de Guervilly, dans le cadre de l'exposition "De-Bout", dont les remarquables peintures de Marlène Dumas et les terrifiantes maquettes des frères Chapman, constituent un ensemble de qualité qui laissent à voir la force expressive remarquable de l'art contemporain quand il ne se fourvoie pas dans l'abscons.



Marlène Dumas. Hommage à Michel-Ange
Jake & Dinos Chapman. "Fucking Hell"

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