jeudi 7 avril 2016

Paris est une fête !



Il paraît que le monde en général, et la France en particulier, est en crise. Nous avons plus de 10 millions de chômeurs, un pourcentage croissant de la population vit dans une très grande précarité quand un autre pourcentage - celui des plus riches - affiche une santé indécente (les vases communicants ?). Pourtant, l'inauguration somptueuse de cette réhabilitation d'un ensemble immobilier en plein cœur de Paris, ne laissait pas deviner, ce jeudi soir, cette situation de crise. Nous étions un millier, paraît-il, à profiter du champagne à volonté, des barbes-à-papa au foie gras, des tartares de saumon, dorade ou autre bar préparés à la minute, des plateaux de petits fours salés d'une sophistication extrême qui se faufilaient au travers de la foule guidés par une armée de serveurs en livrées aux armes d'un traiteur réputé. Tumulte, luxe et plaisirs effrénés. J'y retrouvai des têtes connues et des parfums oubliés. Une dame au visage tuméfié par les interventions chirurgicales à répétition m'était présentée par une jeune femme moins torturée qui se fourvoyait avec une insouciance coupable dans la transaction immobilière des surfaces de bureaux inférieures à 2000 m2, exclusivement en "Première couronne". Un couple d'architectes déjantés mais sympathiques m'encourageaient dans mes activités paranormales d'écriture. Un promoteur endimanché dont la bouche imite à la perfection celle du canard de barbarie, refusait avec une moue dédaigneuse les assauts des petits-fours afin de préserver une silhouette obligée de se produire cet été sur une quelconque plage familiale des rivages de l'Atlantique. Un homme politique déambulait, d'un pas mal assuré, la bouche gavée de saumon fumé. De vieux faisans de la profession s'exerçaient maladroitement au jeunisme. De jeunes pousses s'employaient à faire adultes et considérés. Dans tous les recoins on découvrait une nouvelle attraction : des sommeliers prodiguaient leurs meilleurs conseils en offrant des crus remarquables à des palais ignorants ; un studio de photos vous embobinait dans un décor de rêve ; dans un patio exotique un orchestre de jazz produisait des standards que le bruit des conversations de salon couvraient sans scrupules. Il est probable que certains trésors de cette caverne d'Ali Baba m'ont échappés. Des obligations familiales m'obligèrent à prendre bientôt congés de ces festivités aberrantes avant que les régiments de petits-fours - sucrés cette fois - ne se sacrifient sur le champ de bataille de cette assemblée satisfaite.


Circulant dans les rues de Paris dans l'habitacle douillet de mon véhicule, je remarquais sous les portes cochères des amas de linges sales, des tas d'ordures, des empilements hétéroclites d'où surgissait parfois une hypothèse de vie humaine. Alors une envie furieuse m'a tiraillé d'appeler cette tribu de congédiés de l'existence à une insurrection violente. Et puis, passées quelques minutes, ma lâcheté ordinaire a repris le dessus me poussant mollement à renoncer : que pouvais-je bien y faire ?

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