"L'écrivain c'est un style et une vision du monde." Piquée dans un commentaire récent de Gérard à propos du livre de Patrick Modiano, je me pique - à mon tour - de rechercher l'auteur de cette formule. Un instant je m'empare de l'idée de disserter sur ce thème. Heureusement : la peur du ridicule qui me tient lieu de vertu m'en dissuade immédiatement. Une chose est certaine : une telle formule doit disposer de plusieurs quartiers de noblesse littéraire. Il est peu probable que son géniteur appartienne au clan des gondoliers du rayon livres des hypermarchés. Peut-être même qu'elle fut composée sous les voûtes baroques de l'Institut, dans la boîte crânienne chenue d'un immortel oublié, à quelques encablures de lieux propices à la méditation et à la vision du monde : les berges de la Seine, le Louvre, St Germain des Prés, ...
Face au vide sidéral de ma culture, j'appelle à la rescousse "Google". Forcément. Google est l'ultime recours ; la béquille toujours disponible (sauf panne de batterie ou d'électricité) de l'ignorant en quête de connaissances (savoir ? informations ?). Quel délice c'eut-été pour des Bouvard et Pécuchet que de disposer d'un tel outil d'investigation !
Je tape donc sur l'incontournable moteur de recherche "un style et une vision du monde". Et là, je deviens "promeneur de la toile". Cet article pour vous faire partager une déambulation printanière et arachnéenne évidemment.
Je tombe tout d'abord sur un premier site extrêmement savant qui m'affirme (chose que j'ignorais sans en mesurer les conséquences) que "le développement exponentiel des études simoniennes depuis une quinzaine d’années a eu un impact considérable sur le plan herméneutique". Après ce premier uppercut, l'auteur-boxeur décoche une salve de crochets dévastateurs : la "narratologie post-genettienne", "la théorie goodmanienne de l’exemplification", la "sémiotique de l’image", la "mythocritique", m'envoient dans les cordes et je suis compté une première fois par un arbitre impitoyable (mon égo).
Sauvé provisoirement par le gong (l'auteur reprend son souffle et se contente d'énoncer une série de noms associés à des dates), je sens que le prochain round me sera fatal. En effet, mon adversaire est d'une cruauté bestiale. Il récidive dans les coups dévastateurs. Le KO est imminent : "la métaphorisation des structures textuelles" me sonne une première fois, "les phénomènes d’imbrication isotopique" me mettent à nouveau un genou à terre, "la polyphonie bakhtinienne" et je suis compté jusqu'à 5, les «tropes implicitatifs» m'installe dans un KO irréversible.
Bon, tout ça pour parler du style de Claude Simon. Je vais jeter un œil suspicieux au seul ouvrage de cet auteur qui honore ma bibliothèque. Il va falloir que je me méfie de cet objet de papier. Je me félicite tout bas (ne pas le répéter) de ne pas y avoir pratiqué d'effraction prolongée. Et j'avoue devant le tribunal des gens savants que j'ai tenté 4 ou 5 fois sa lecture ; en vain.
Je poursuis mon évasion - non pas fiscale - mais googlesque. Et je tombe sur de la fraîcheur juvénile, un questionnement adolescent :
"Bonjour,
J'ai une recherche a rendre pour demain, portant sur Corneille .
Je dois trouver son style d'écriture et sa vision du monde .
J'ai cherché dans beaucoup de site et aucun ne parle de ceci .
J'ai juste trouver (sic) qu'il a donné naissance a un nouveau style de théâtre où les sentiments tragiques sont mis en scène .
Je ne sais pas si c'est juste !"
Mignon ! Mais je stoppe là les commentaires, car en ces périodes de MacCarthysme pédophile ...
Je rempile dans la prise de tête avec un site estampillé CNRS.
"Un monde et un style (Starosvetskie pomesciki de Gogol')
Auteur(s) / Author(s)
VIROLAJNEN M. ;
Résumé / Abstract"
Le conflit entre le monde décrit par G. (Gogol ? NDR) et sa propre vision du monde, est le conflit principal de cette nouvelle. (...) L'utilisation par G. d'un procédé "pictural" qui est celui de l'existence simultanée de divers éléments. Procédés utilisés par G. à la fin de la nouvelle, où dans le monde hermétique s'introduit une rupture qui provoque la mort."
Ouf !
Le chemin s'ouvre vers la peinture. Voici un artiste qui présente l'une de ses dernières œuvres : "Ma petite Geisha" Acrylique sur toile" 80x80 cm, avec le commentaire modeste : "Nouveau style de peinture, nouvelle vision sur le monde…"
L'inspiration est limpide : "Ce contraste entre la pureté, la beauté et la destruction, le chaos, la rouille et la crasse m'a toujours interressé." (sic). Convocation de Pollock et d'Andy Wharol à qui l'on ne demande pas leur avis. Le "Courbisme" comme nouvelle vision du monde. (La Geisha en question n'est pas vilaine d'ailleurs, mais elle inspire plus le dessin de BD que la référence aux œuvres du pape du Pop Art ou de Jack L'Egoutteur !).
J'achève mon périple arachnéen par un poète (forcément !), un dénommé Charles Vermont dont la devise, inspiré probablement de M. de Fursac, claque comme un étendard sous un vent de force 4 : "C'est le style qui fait l'homme".
Et j'ai envie d'ajouter (et ce sera mon dernier hommage, Gérard, je te le promets) : et "La femme est l'avenir de l'homme".
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