mercredi 27 décembre 2023

« Un détail mineur » d’Adania Shibli

«  Ce n’est pas le canon qui vaincra, c’est l’homme », pourrait être le sous-titre de « Un détail mineur », le roman de l’autrice palestinienne Adania Shibli. 

Construit en deux parties, le livre fait référence au viol collectif et au meurtre d’une jeune bédouine de la région du Neguev par des soldats israéliens en août 1948. 

Dans la première partie, on assiste à la description lente et quasi-chirurgicale du contexte dans lequel va se dérouler le drame. On suit, pas à pas, les gestes du commandant de la troupe de soldats. Chaque détail, même anodin et superflu en apparence, participe de la composition d’ensemble de la scène de crime finale. 

Dans la seconde, le livre relate l’ « enquête » menée par une jeune femme palestinienne, la narratrice, interpelée par la découverte d’un article évoquant ce « fait divers » atroce, et saisie par la date de son exécution qui coïncide exactement, à 25 ans d’intervalle, avec celle de sa naissance. Elle cherche à exhumer le point de vue de la jeune fille ignoré dans l’article. On suit donc cette jeune femme qui part en voiture munie de plusieurs cartes dont celle de la région en 1948 faisant figurer de très nombreux villages palestiniens qui n’existent plus, détruits par l’armée israélienne. 

On découvre, au fil du récit, combien la vie des civils palestiniens peut être  conditionnée par les multiples interdits érigés par l’état d’Israel, et combien la peur accompagne chaque acte de la vie ordinaire, comme se rendre à son travail ou se déplacer d’un lieu de résidence à une autre zone. 

« Un détail mineur » est un livre sombre qui tire son titre du fait que la narratrice dit s’intéresser à cet article, davantage par cette coïncidence avec sa date de naissance plutôt que par le crime lui-même : « Il va de soi que la raison pour laquelle ce sujet que j’ai découvert un matin en lisant un article de journal m’a captivée n’était pas liée en soi à l’événement qui y était relaté. Car ces histoires-là sont banales, ou disons que, dans un tel contexte, ce sont des choses qui arrivent, et qui arrivent même tellement souvent qu’elles m’ont toujours laissée impassible. »

Car ces histoires-là sont banales … et pourtant « Ce n’est pas le canon qui vaincra, mais l’homme », comme l’affiche ce slogan de l’armée israélienne sur un mur en ruine, slogan qui résonne étrangement à la lumière des événements actuels et qui, aujourd’hui, pourrait être celui du peuple palestinien.

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