mardi 24 août 2010

Un roi sans divertissement


En rugby, ça s'appelle des "fondamentaux" ; en littérature, simplement des "classiques". Giono, ça nous ramène à nos années de lycée : "Colline", "Le hussard sur le toit", etc. On prenait alors le temps de s'interroger sur "ce que l'auteur a voulu dire", "les mots et le rythme qui traduisent une impression particulière" ; bref, ce que véhicule l'écriture. Aujourd'hui, c'est un peu plus compliqué : le temps presse, plus de cours de français, ... Heureusement, les blogs et le Square Littéraire existent !
Donc "un roi sans divertissement". Si vous allez sur le web, vous trouverez des pages entières et érudites sur ce roman qui est "parti parfaitement au hasard, sans aucun personnage. Le personnage, c'était l'Arbre, le Hêtre. Le départ, brusquement, c'est la découverte d'un crime, d'un cadavre qui se trouva dans les branches de cet arbre", nous explique Giono. Un polar alors ? Je n'y avais pas pensé.
Au centre du roman, il y a Langlois ; capitaine de gendarmerie dépêché au village pour résoudre ces crimes à répétition ; ce "roi sans divertissement" qui ne semble vivre véritablement que dans la chasse à l'homme ou à la bête furieuse. Autour de Langlois, Giono dépeint un village avec ses personnages hauts en couleur : la dynastie des "Frédéric" patrons de la scierie, Saucisse l'ancienne prostituée, le procureur, le curé... Le récit n'est pas conventionnel : plusieurs personnes différentes, à des époques différentes interviennent pour composer le tableau de ce roman. Le style est d'une richesse rare, ou plutôt "comme on n'en fait plus" ; il suffit de lire les premières lignes du livre dans lesquelles Giono décrit un hêtre, l'"Apollon citharède des hêtres".
L'impression qu'une lecture pareille donne : j'imagine celle d'une plongée avec des bouteilles et un mélange très riche en oxygène !
Dernière phrase du roman : Qui a dit :" Un roi sans divertissement est un homme plein de misères"* ?
* Pascal

dimanche 22 août 2010

Dernières livraisons du DIP

Somnambule
On raconte sur les somnambules des histoires à dormir debout : il paraîtrait que si vous mettez le petit doigt d'un somnambule dans un verre d'eau, il fait pipi illico ! Jamais essayé !

Sénèque
De son petit nom Lucius Annaeus, Sénèque était un cumulard : philosophe, dramaturge, homme d'état. Depuis 21 siècles, seul Bernard Tapie a tenté le même parcourt (en sautant la philosophie). Sénèque naquit en Espagne au 1er siècle av JC. Il se faisait surnommé "le Tragique" ou "le Jeune" ; surnoms qu'il avait préféré à "le Calamiteux" ou "le Pète sec", conscient qu'il était d'une probable postérité. Il fut en effet le précepteur de Caligula et de Néron ; il appris au premier à rester stoïque devant un spectacle d'empalement collectif (très prisé à cette époque), et au second à mépriser des évènements extérieurs comme l'éclairage à base de chrétiens crucifiés (dispositif précurseur en terme de développement durable).
La fin de Sénèque fut tragique : il se suicida. La morale de cette histoire est que, dans le Conseil, il faut se méfier des clients ingrats.

Savants
Quand les savants seront payés plus chers que les joueurs de foot, on commencera à y voir un peu plus clair !

Saturnales
Rev Party

mardi 17 août 2010

Seul le silence


Tout individu normalement constitue qui s'est engagé dans la lecture de "Seul le silence" de R.J. Ellory ne peut l'interrompre que sous la menace terroriste, en cas de force majeure (désastre écologique, cataclysme, ou, contamination nucléaire) ou, a la rigueur, si Léonard Cohen sonne à l'improviste à sa porte pour savoir si quelqu'un aurait retrouvé un fameux imperméable bleu égaré il y a quelques années ...
Je ne prétends pas être un spécialiste du polar,  néanmoins il y a dans ce livre tout ce que l'on est en droit d'attendre du genre : du suspens (jusqu'au bout), une histoire qui se tient avec des meurtres particulièrement épouvantables, mais aussi des personnages avec de l'épaisseur, une vraie réflexion sur des thèmes humains fondamentaux (la guerre, la relation sociale, le lien familial, l'amour), une écriture (style, rythme) remarquable, aucune vulgarité, aucune exploitation du sordide ; plutôt une mélancolie, une tristesse infinie, de l'amour trop pur pour vivre longtemps, et de l'intelligence littéraire.
Je ne vous dit rien de l'histoire ; un conseil : ne lisez pas la 4ème de couverture et plongez en apnée dans la Géorgie profonde de 1939 pour remonter a la surface a New-York en 1967 - un clin d'œil a Salinger en prime. Il est très peu probable que vous le regrettiez !
 

samedi 14 août 2010

Comment briller dans les salons ?

Une seule solution : lire regulierement Everybody Knows qui se paie le luxe de vous presenter des ouvrages qui ne sont pas encore sortis en librairie !
Retournez donc voir les presentations de "'Ta mere" (parution le 26 aout)* et de "Mon nom est Jamaica" (parution courant septembre)
* "Le Monde magazine en parle seulement maintenant !

jeudi 12 août 2010

Dernières livraisons du DIP

Prêtres
Contrairement à ce que prétendait Flaubert (mais les temps ont changé), les prêtres ne couchent pas avec leur bonne, et ont des enfants qu'ils appellent leurs neveux ; la tendance actuelle serait plutôt qu'ils couchent avec des enfants - et parfois leurs neveux - et délaissent leur bonne ! (je vais me faire des amis !)

Pratique
"Supérieure à la théorie" : comment Flaubert a-t-il pu ecrire une ânerie pareille ?

Pradon
Encore un dramaturge français ! Du 17ème siecle cette fois. Personnage complexe se faisant appeler parfois Jacques alors que son prénom était Nicolas. Il a joui pendant toute sa vie... d'un succès modéré. Il s'est posé en rival de Racine et de Boileau (la réciproque n'étant pas vraie). Une précision : Son frère était curé à Bracquetuit en Seine-Maritime. Pradon était sans doute un con ; vous l'avez compris !

Portrait
Jadis les stars allaient se faire tirer le portrait au Studio Harcourt ; aujourd'hui, elles fréquentent la Clinique Montceau.

Croire ou ne pas croire, telle est la question !

Ne parvenant pas à inscrire un commentaire sur le blog de Gérard, et intéressé par son questionnement sur la manipulation des informations et notre (in)capacité à fonder une opinion, je verse ici quelques idées au dossier.
Trois facteurs sont en cause, me semble-t-il :

1) L'abondance d'informations
2) L'obligation que nous nous donnons de réagir dans l'instant
3) La mise en cause de la notion d'objectivité scientifique

Concernant le 1er facteur, j'ai pour ma part cessé de tout vouloir lire et surtout je ne regarde plus le JTV. Rien n'est pire que l'info zapping : elle agit comme la publicité en imprimant dans nos cerveaux (disponibles, voir Mr Lelay) des messages primaires sans épaisseur autre que celle du tragique ou du plaisir (sacro-saint).

Pour ce qui est du 2ème facteur, chaque jour qui passe me fait prendre conscience de la valeur fondamentale du temps. Rien n'est bien fait (ou si rarement) dans la précipitation. La civilisation de la production à outrance impose pour sa survie que l'échelle du temps soit comprimée au maximum. Cette échelle-là, atrophiée, n'est pas celle de l'homme. A un moment, il faut choisir !

Le 3ème facteur est un détournement du doute, cette disposition plutôt positive qui devrait participer à l'équilibre de notre jugement. Plus personne ne croit en l'objectivité scientifique, à la démonstration logique, à l'honnêteté intellectuelle. Et le doute institutionnalisé chez les imbéciles crée les nouveaux mythes que sont les théories du complot.

Je crois que le contre-pouvoir est une force indispensable au démocratie et à tout système d'organisation en général. Tous les exemples (politiques ou financiers) où un contre-pouvoir n'a pas pu s'exercer se soldent par un désastre. Je comparerai volontiers le contre-pouvoir au vent, un vent qui tourne, pas stable du tout. Bien sûr avec un vent établi le bateau trace sa route. Mais il est probable aussi que, trop confiant, le capitaine oublie quelques fondamentaux. Un vent instable oblige à la manœuvre. Il faut louvoyer, être attentif, optimiser.

mercredi 11 août 2010

Requiem pour une cité de verre


Des intrigues qui se déroulent dans le cadre magique de Venise, des références fréquentes à la gastronomie vénitienne et aux bonnes adresses de la lagune, des romans qui semblent plébiscités par la critique : autant d'arguments aptes à tenter plus d'un diable ; et moi le premier !
Pour mon baptême avec Donna Léone, grosse déception. "Requiem pour une cité de verre" est un roman bavard, sans suspens, où je découvre un commissaire Brunetti sympathique, mais sans grand caractère ni profondeur (les autres personnages en sont également dépourvus), une Sérinissime dont ni le charme ni les secrets de chacune de ses ruelles ne sont franchement mis en valeur.
Faut-il évoquer le style ? Quel style ? Bien sûr on n'atteint pas les vertiges d'un Lévy ou d'un Musso ...
Pour résumé, il n'est guère probable que les étagères de ma bibliothèque ploie dans le futur sous la charge des romans de cette dame de 68 ans, née dans le New-Jersey, dont j'apprends - grâce à l'éditeur - qu'elle enseigne la littérature dans une base de l'armée américaine !... Je fais le rapprochement entre ce probable sacerdoce et certains propos "limites" distillés dans le livre comme le retour des touristes au Printemps comparé à la migration des gnous, et les "roms" aux chacals et aux hyènes attirés par eux !...
Bilan : lecture qu'il est possible d'éviter

3000 !

Ce jour, le cap des 3000 vient d'être atteint ! Jusqu'où irons-nous ?

samedi 7 août 2010

L'ombre de ce que nous avons été


"L'ombre de ce que nous avons été", de l'écrivain chilien Luis Sepulveda, est un petit roman qui se lit avec délectation tant le style est jubilatoire (je cède au cliché, mais je n'ai pas trouvé d'autres qualificatifs), l'histoire drôle et émouvante, les personnages assez truculents.
Trois anciens militants sexagénaires et de gauche du Chili d'Allende se retrouvent après plus de 35 ans de séparation et d'exil, et attendent le "spécialiste" dont l'expression favorite est "On tente un coup". Mais le "spécialiste" n'arrivera jamais, victime de la chute d'un tourne-disque balancé par la fenêtre d'un appartement par une femme excédée de vivre avec un mari minable ; lequel, pseudo militant de gauche, minable également dans son engagement, va se retrouver malgré lui embarqué avec les trois autres dans un "coup" mis au point par le "spécialiste".
Mais on ne peut pas réduire ce livre seulement au fait qu'il soit "plaisant" à lire ; il évoque les heures sombres du Chili, celles de Pinochet, de la torture, des exécutions sommaires, des disparitions. Il dénonce également l'inégalité extrême de la population chilienne, l'enrichissement crapuleux d'une faction de militaires. Il dépeint avec beaucoup d'humour le socialisme grotesque des Ceaucescu et, d'une manière générale, les excès du militantisme de slogans.
Bref : un petit livre comme on aimerait pouvoir en lire le plus souvent possible.
Extrait (et vous comprendrez mon enthousiasme) :
"...ils se sont éloignés de la foule qui comparait les vertus d'un beau carré de porc préparé à la mode de Chillan, des kilomètres crépusculaires de saucisses, du tressage parfaitement wagnérien des tripes, des tétines présentées avec les hommages d'un lit de persil et des testicules qui, ouverts, exhibaient toute la virilité de la caste des taureaux d'Orsono."
Voir également le commentaire sur "Contrastes et lumières" le blog de Gérard.

La femme en vert


Un bébé qui suce un os humain, et le commissaire Erlandur doit une nouvelle fois (Cf "La cité des jarres") se plonger dans le passé, à l'aube de la seconde guerre mondiale, sur une colline des hauteurs de Reykjavik où un squelette vient d'être découvert dans les fondations d'un chantier. Comme dans chacun de ses romans, Arnaldur Indridason, déroule son intrigue autour d'un thème principal ; dans "La femme en vert", il s'agit de l'horreur des violences conjugales qu'il dénoncent avec passion. Indridason distille les indices de l'énigme policière dans un va-et-vient entre le présent (l'enquête) et le passé, cette histoire, parfois insupportable, d'une épouse terrorisée et battue par son mari. Et puis, il y a la douleur d'un père, Erlandur, dont la fille Eva est dans le coma après une grossesse avortée et à laquelle il confie le naufrage de sa vie.
Deux personnes m'avaient recommandé "La femme en vert" comme étant l'un des romans, sinon le meilleur roman, d'Indridason.
En tout cas, un policier apte à réconcilier toute personne réservée sur l'intérêt du genre. Me semble-t-il.

vendredi 6 août 2010

Le pet (je me marre !)


Tout le monde pète, il ne faut pas se le cacher. Moi, pour commencer, je pète. Le pet est un dénominateur commun de l'humanité.
Le Président de la République, sa femme, l'ensemble des membres du gouvernement jusqu'aux plus obscurs secrétaires d'état, les huissiers des palais ministériels, les cuisiniers, les chauffeurs, tout le monde pète dans les sphères politiques. Ça pète rue du Faubourg Saint Honoré, mais on n'est pas en reste à Bercy ; et que dire de Matignon !
Le pape lui-même ne bénéficie d'aucune dérogations : il pète dès sa descente d'avion, semble-t-il. Son prédécesseur qui avait une drôle de manie d'embrasser le sol de tous les tarmacs d'aéroport, pétait très vraisemblablement avant sa génuflexion.
Toutes les stars d'Hollywood, les "peoples", les bimbos, les nouveaux riches, les rois du pétrole, le ghotta princier, les nouveaux milliardaires chinois sont, d'après leurs biographes, des péteurs sans gênes.
Le pet n'épargne aucun continent. On pète en Amérique avec un chapeau de cowboy sur la tête, au Japon en dégustant des sushis, en Papouasie-Nouvelle Guinée avec un os dans le nez, et en France, bien sûr, avec une baguette sous le bras.
Pète-t-on plus fréquemment quand il pleut que quand il fait beau ? Si c'était avéré, l'islandais ou le londonien auraient, en la matière, un rythme plus soutenu que le Nigérien ou le nomade du désert de Gobi.
Le pet est sensible aux aliments ingérés (normal, voir en fin d'article). Une chose est certaine : n'en déplaise à nos amis belges, le choux de Bruxelles fait plus péter que le melon charentais.
Les vacances sont-elles une période propice pour le pet ? On peut le penser : c'est la période du relâchement, de la décontraction, de la jouissance immodérée des congés payés. Mais je n'en suis pas certain. Une étude sérieuse et documentée pourrait amener à des conclusions diamétralement opposées ; en effet, le pet a besoin de contraintes (ce "marchepied du talent" comme dirait le philosophe). En effet, un pet sans un minimum de contraintes n'a pas de tenu ; j'oserai même dire : aucune éducation. Et sans éducation, pas de valeurs. Vous en voudriez, vous, d'un pet sans valeur ? Et pourquoi un pet serait-il étranger à la notion de valeur ? Moins qu'une spéculation boursière ? (J'entendais l'autre matin à la radio un gestionnaire de fonds quelconque parler de la "valeur sentimentale économique" ! Il se la pétait !). Revenons au sujet.
Le pet est-il plutôt masculin ou féminin ? Il y a, comme dans chacun de nous, une part de féminité ou de virilité dans le pet. Ça dépend des individus. J'en ai connus qui avait le pet matinal tonitruant, bourré de testostérone, et d'autres un pet moins éveillé, comme encore assoupi, maniéré, presque charmant (et oui, comme le vin !).
Le pet du soir est éminemment variable : il dépend des rendez-vous de la journée, de l'humeur de votre patron (ne jamais oublier : il pète gaillardement également !), du menu du soir (cf précéd. le choux de Bruxelles versus le melon charentais, mais on pourrait aussi faire la comparaison entre l'andouillette 5A et le rumsteck), et surtout du programme télé ! Un bon film appelle le pet de satisfaction, un tantinet guilleret (c'est un constat) ; la mauvaise série, le pet de dépit qui semble s'interroger sur le bien-fondé de la redevance télé.
Le questionnement sociologique est d'une richesse inouïe. Le pet caractérise-t-il une classe sociale ? Je veux dire : pète-t-on différemment à Neuilly où 80% de la population vote Sarkozy qu'à Villiers le Bel ou Sarcelles ?
La Révolution française a-t-elle aboli les privilèges en matière de pet ? Le pet en majesté a-t-il un sens ? Subsiste-t-il une aristocratie du pet ? A cette dernière question, la réponse est : affirmatif ! Dans certains milieux on n'émet aucun pet. Mensonge me direz-vous. Non : sémantique. Le pet des beaux quartiers se dénomme "flatulence". Il est parfumé au caviar et au champagne millésimé ; ce qui lui donne une indéniable distinction par rapport au pet de camping, qui ne se hissera jamais au rang de la flatulence, et qui renifle la chipo et le ricou.
Que dire du pet d'intellectuel par rapport à celui de l'ouvrier ? Le premier minaude, se pose des questions (je sors, je sors pas ?), s'interroge sur l'opportunité de se lancer dans une brillante démonstration ; c'est un pet complexe qui appelle l'exégèse, qui sent la "Closerie des Lilas". Celui de l'ouvrier est franc et massif. Il se lâche en une fois, sans remords. Le danger avec le pet de prolétaire, c'est qu'il revendique fréquemment - ce qui peut lasser - et qu'il est susceptible d'en appeler à la mobilisation générale.
Je vous laisse vous interroger sur le pet du terroriste (qui se lâche comme un ultimatum), le pet de la femme de l'agent de police (un phantasme !), le pet du trader (spéculatif), celui du comptable (pointilleux), du notaire (hypothéqué), de l'agent immobilier (flambeur), de l'assureur (garanti), du dentiste (creux et fétide), celui de la prostituée (suspect), de l'écologiste (certifié HQE), du bouddhiste (qui imite le son du dungchen dans les vallées tibétaines), du belge (une fois), du catcheur (que du chiqué !), du suisse (anonyme), du blagueur (contrepet), de l'africain (marabouté), celui encore de la poule de luxe (fantasque), etc. (A vous !)
Le pet le plus spectaculaire est bien entendu le pet flambé (voir illustration).
La langue française fourmille d'expressions dans lequel le pet est célébré :
- "comme un pet sur une toile cirée", dénote la réplique bien envoyée
- "il pète plus haut que son cul", fustige le vantard
- "il pète dans la soie", comme un gestionnaire de fortune par exemple
- "faire le pet", comme à La Courneuve par exemple
- "ça ne vaut pas un pet de lapin"
On pourrait aller jusqu'à substituer le terme "pet" dans certaines expressions comme :
- "à pet moucheté"
- "long comme une journée sans pets"
- "à pets feutrés"
- "il a pris son pied à petits pets"
- "il a le pet mauvais"
- "le pet en est jeté"
- "un pet vaut mieux que deux tu l'auras"
- "ne pas lâcher le pet pour l'ombre"
etc.
On le voit, le pet est un terme d'une richesse insoupçonnée. Mais ça méritait la démonstration !
Aux grincheux qui vont trouver que ce blog ne sait plus se tenir, je les renvoie à certaines chansons du grand Brassens (Quand je pense à Fernande) ou à Ferré (La solitude) ; avec mon respect (bien entendu).

Et pour ceux qui ne me croit pas (que tout le monde pète et qu'il s'agit d'une question essentielle) j'en appelle à Wikipédia dont sont extraites les quelques phrases suivantes (et pan, et proutt !)

"En moyenne, une personne libère par jour de 0,5 à 1,5 litre de gaz, en 12 à 25 occasions. Les pets (ou flatulences) sont le résultat de la fermentation des matières décomposées ; on y trouve notamment des gaz non odorants : du méthane (gaz inflammable produit par des bactéries), du dioxyde de carbone, de l'azote, de l'oxygène, de l'hydrogène, et des gaz odorants sulfurés.[réf. nécessaire]

Leur intensité, et notamment celle des gaz odorants, dépend de nombreux facteurs : la constipation, et certaines autres maladies.

Issus de la fermentation intestinale, ces gaz sont d'autant plus présents que les aliments se décomposent : les protéines complexes, notamment. Chez l'être humain, la consommation de légumes secs (flageolets, cassoulet, soja, lentilles, pois cassés) et de viandes rouges en augmente donc la production. La mauvaise absorption de certains glucides (lactose, fructose...) peut aussi provoquer des flatulences. Plus rarement, la giardiase, une parasitose bénigne de l'intestin, peut causer des flatulences."

lundi 2 août 2010

Les réflexions architecturales d'un chauffeur de taxi


On dit des chauffeurs de taxi qu'ils ne savent parler que de banalités et que, souvent, leur intérieur ressemble au comptoir du Café du Commerce. Je suis tombé l'autre soir sur un spécimen assez rare qui m'a entretenu pendant 1/2 H des styles en architecture, et plus précisément de sa vision de ce que devait être l'architecture parisienne. Je suis, hélas, obligé de résumer !
La leçon inaugurale s'est engagée dès la sortie de la gare Montparnasse et l'éloge de la Place de Catalogne dont le style romain, impérial, représentait la seule exception de réalisation moderne qu'il pouvait tolérer à Paris. "Je n'aime pas du tout les immeubles des années 60, 70 et 80 ; 90 aussi d'ailleurs." Me dit-il. "Si : certaines façades en brique, celle des HLM proches du périf (les HBM ; NDR) sont travaillées ; il y a des décrochements, de l'allure, un rythme. Mais regardez-moi c'est façades (il me montre un immeuble d'habitation effectivement banal), c'est laid. Paris est une ville que le monde entier nous envie. Et Paris, c'est la pierre de taille, les sculptures, les beaux balcons." Je lui dit que ce n'est plus possible de construire les immeubles en pierre de taille (ma 1ère et avant-dernière contribution au débat).
"Mais si c'est possible."
Et il embraye sur un autre sujet, La Défense, qu'il considère un peu comme une "réserve" où il est toléré de mettre des spécimens rares de l'architecture délirante en verre et en acier. Mais surtout pas en dehors.
"Il parait qu'il y a quatre couches superposées. On ne s'y retrouve pas. J'ai des collègues qui sont des spécialistes de La Défense. Mais ils connaissent rien au Marais. Moi je connais par cœur le Marais. Mais, ne me demandez pas d'aller à La Défense ! Tiens, la Pyramide du Louvre ; moi j'aurais fait une sorte de très grande lampe, très ronde, très ouvragée, avec des beaux montants en cuivre (là, frayeur car il lâche le volant pour me montrer une idée de la taille de la lampe en cuivre ouvragé), qui aurait été au centre d'une grande spirale abritée où les visiteurs auraient pu attendre à l'abri."
Je me dis à cet instant : on l'a échappé belle quand même ! Imaginez un référendum populaire. une idée comme ça, avec la culture architecturale du bon peuple de France... (Là je joue un peu les snobs, je l'avoue, mais ça me démangeait...la facilité !).
"Au lieu de ça, il y a cette pyramide en verre. Savez-vous de combien de plaques elle est composée ?"
"Non", je lui réponds.
"666". (...) Et oui, le chiffre des francs-maçons."
Je me dis que je suis sans doute le dernier à ignorer ce détail que je vais, rapidement, tenter de vérifier*.
Et le trajet s'est poursuivi, la logorrhée également. Il en a même oublié de changer de tarification en quittant Paris !
En final, sur le trottoir, le Michel-Ange des faubourgs m'a déclaré fièrement qu'il avait acquis un petit pavillon des années soixante dont le toit à deux pentes venait à l'origine jusqu'à terre. Il a déposé le toit et travaillé une charpente de façon à disposer d'un comble aménageable avec fenêtres à la Mansard, et surtout il a fait porter sa charpente par des étais de chêne visibles de l'extérieur, qui se croisent comme dans un logis normand du 17ème siècle.
J'avais très fortement envie de me coucher et j'ai pensé qu'il valait mieux, pour interrompre cette leçon d'architecture, y aller d'un compliment facile : "Et ainsi, vous avez créé une architecture qui remonte le temps !"
J'ai senti mon homme rassuré et fier en remontant dans son taxi. Son enthousiasme et ma patience m'avaient fait gagner environ 10€ !

* après vérification, c'est une vrai connerie (Dan Brown l'a repris, c'est vous dire)

Mon nom est Jamaïca


Heureux lecteurs de ce blog : en avant-première, puisque ce livre n'est pas encore sorti en vente en librairie (prévue début septembre seulement), vous allez pouvoir briller dans les salons !
José Manuel FAJARDO est un auteur espagnol de 53 ans qui, pour ce roman de 302 pages que j'ai dévoré en quelques heures, et cul-sec (à Liège on dirait "aphoné" ou "affoné", je ne m'engage pas sur l'orthographe), s'est mis dans la peau d'une femme, Dana, juive, professeur d'histoire, qui se rend à un congrès en Israël sur les marannes*, y retrouve le mari d'une de ses anciennes amies morte d'un cancer, professeur d'histoire également. Lui, c'est Santiago Barani, Tiago, un homme effondré de douleur car, deux ans après avoir vu mourir son épouse, il vient de perdre son fils unique, tué dans un accident de voiture. Après une nuit d'amour désespéré, Tiago s'enfuit et Dana est prévenu le lendemain soir que la police militaire détient un homme - un fou ! - qui prétend s'appeler Jamaïca, tient des propos incohérents, mais dont les papiers et le portrait ne laissent aucun doute sur l'identité : il s'agit bien de Tiago.
Dana parvient à ramener à Tel-Aviv un Tiago-Jamaïca méconnaissable, à l'évidence fou, et qui se déclare investi d'une mission sacrée : être un rédempteur et lutter contre toutes les oppressions.
Le lendemain ils se rapatrient en France et dans les jours qui suivent (cinq, mais qui vont paraître une éternité), le couple va s'embarquer dans un périple assez fou guidé uniquement par la détresse de Tiago-Jamaïca.
Mais une seule phrase dans le le délire de Tiago : "J'ai décidé d'être un tigre", évoque subitement chez Dana le souvenir d'un texte qu'elle possède, écrit par un Inca né en 1599, Diégo Atauchi, batard d'un espagnol et d'une indienne, et qui est le récit d'une véritable épopée, de sa propre vie.
Dana va relire ce texte, et vont apparaître alors des "passerelles" troublantes entre le délire de Tiago et l'histoire de Diégo, séparés de plus de quatre siècles.
Au-delà de ces aventures - l'une moderne et l'autre de la conquête espagnole du continent sud-américain -, ce livre est riche de connaissances - sur l'histoire des juifs en particulier -, de réflexions sur le thème de la victime ("à quoi rimait...se désir de s'afficher en victime ?"), de l'identité ("cette obsession pour l'identité, cette manie d'appartenir"). Et que dire du regard posé sur notre société par Bertrand, un prolo : "...il est terrible de prendre conscience que nos mains ne servent à rien.(...)Nous sommes à une époque de pirates." ? Et dans les délires de Tiago, cette illumination : "Nous vivons dans une tempête de mots qui emporte nos vies au milieu des tromperies et des pantomimes, nous vivons en nous fiant à l'omnipotence, nous rêvons que nous sommes capables de tout.(...) Nous sommes une espèce suicidaire, et au pays des suicidés, le criminel est roi."
Un livre lumineux, formidable, épique, inoubliable.

* juifs espagnols et portugais qui se convertirent au christianisme pour tenter d'échapper à la barbarie de l'Inquisition

dimanche 1 août 2010

Profondeurs


Henning Mankell est un romancier et dramaturge suédois de 62 ans à la superbe crinière blanche, dont la vie se partage entre son pays natal et le Mozambique. Il s'est imposé comme le premier auteur de romans policiers suédois nous indique l'éditeur. Télérama a célébré pour "Profondeurs", "un roman d'amour forcené, une célébration de la langueur et de la fureur, de la tendresse et du désarroi".
Concernant la langueur, l'histoire m'a paru décoller qu'à partir de la page 100, soit, sur un livre qui en comporte 345, presque 1/3 de l'ouvrage... La fureur, celle d'un capitaine hydrographe de la marine suédoise, alcoolique, enfermé dans une vie conjugale qui lui est étrangère et qu'il subit par lâcheté ; un homme qui devient subitement amoureux-fou d'une femme sauvage, sans grâce particulière à l'exception de l'inconnu qu'elle représente et une image de la liberté ; étranger à lui-même ("un jour, dans un avenir lointain, je pourrai peut-être lui expliquer qu'elle a épousé un homme qui n'est jamais entièrement visible, pas même à ses propres yeux"),un homme qui croise et provoque la mort, brutalement de manière irraisonnée. La tendresse, celle d'un homme encore enfant qui se berce du souvenir du parfum de son épouse, et qui est capable de gestes d'amour pour sa maîtresse improbable. Le désarroi, celui d'un officier sans cesse au bord du gouffre, happé par un destin dont il est conscient, qu'il accompagne mais qu'il ne peut maîtriser.
Si j'ose la métaphore facile de l'iceberg, la vie de Lars Tobiasson-Svartman, est comparable à ces blocs de glace dont la part immergée, invisible, est incroyablement plus importante que la partie apparente.

Que recherche cet hydrographe, maniaque de la mesure, dans l'identification des hauteurs des fonds marins sinon, simultanément, à se rassurer et à découvrir des mondes inconnus (les siens), à des profondeurs insoupçonnées ?
"La mer, l'émergence des terres, tout ce mystère ressemble au lent mouvement de l'enfance vers la maturité et la mort. En chaque être humain, la terre sort des eaux. (...) La mer est un rêve qui ne rend pas les armes."
Belle réflexion, profonde, sur l'âme humaine. Le mensonge comme espérance de vie ? Sur la part cachée dans chacun d'entre nous. Voir "Invisible" de Paul Auster également.