Ici on tente de s'exercer à écrire sur l'architecture et les livres (pour l'essentiel). Ça nous arrive aussi de parler d'art et on a quelques humeurs. On poste quelques photos ; celles qu'on aime et des paréidolies. Et c'est évidemment un blog qui rend hommage à l'immense poète et chanteur Léonard Cohen.
lundi 2 août 2010
Mon nom est Jamaïca
Heureux lecteurs de ce blog : en avant-première, puisque ce livre n'est pas encore sorti en vente en librairie (prévue début septembre seulement), vous allez pouvoir briller dans les salons !
José Manuel FAJARDO est un auteur espagnol de 53 ans qui, pour ce roman de 302 pages que j'ai dévoré en quelques heures, et cul-sec (à Liège on dirait "aphoné" ou "affoné", je ne m'engage pas sur l'orthographe), s'est mis dans la peau d'une femme, Dana, juive, professeur d'histoire, qui se rend à un congrès en Israël sur les marannes*, y retrouve le mari d'une de ses anciennes amies morte d'un cancer, professeur d'histoire également. Lui, c'est Santiago Barani, Tiago, un homme effondré de douleur car, deux ans après avoir vu mourir son épouse, il vient de perdre son fils unique, tué dans un accident de voiture. Après une nuit d'amour désespéré, Tiago s'enfuit et Dana est prévenu le lendemain soir que la police militaire détient un homme - un fou ! - qui prétend s'appeler Jamaïca, tient des propos incohérents, mais dont les papiers et le portrait ne laissent aucun doute sur l'identité : il s'agit bien de Tiago.
Dana parvient à ramener à Tel-Aviv un Tiago-Jamaïca méconnaissable, à l'évidence fou, et qui se déclare investi d'une mission sacrée : être un rédempteur et lutter contre toutes les oppressions.
Le lendemain ils se rapatrient en France et dans les jours qui suivent (cinq, mais qui vont paraître une éternité), le couple va s'embarquer dans un périple assez fou guidé uniquement par la détresse de Tiago-Jamaïca.
Mais une seule phrase dans le le délire de Tiago : "J'ai décidé d'être un tigre", évoque subitement chez Dana le souvenir d'un texte qu'elle possède, écrit par un Inca né en 1599, Diégo Atauchi, batard d'un espagnol et d'une indienne, et qui est le récit d'une véritable épopée, de sa propre vie.
Dana va relire ce texte, et vont apparaître alors des "passerelles" troublantes entre le délire de Tiago et l'histoire de Diégo, séparés de plus de quatre siècles.
Au-delà de ces aventures - l'une moderne et l'autre de la conquête espagnole du continent sud-américain -, ce livre est riche de connaissances - sur l'histoire des juifs en particulier -, de réflexions sur le thème de la victime ("à quoi rimait...se désir de s'afficher en victime ?"), de l'identité ("cette obsession pour l'identité, cette manie d'appartenir"). Et que dire du regard posé sur notre société par Bertrand, un prolo : "...il est terrible de prendre conscience que nos mains ne servent à rien.(...)Nous sommes à une époque de pirates." ? Et dans les délires de Tiago, cette illumination : "Nous vivons dans une tempête de mots qui emporte nos vies au milieu des tromperies et des pantomimes, nous vivons en nous fiant à l'omnipotence, nous rêvons que nous sommes capables de tout.(...) Nous sommes une espèce suicidaire, et au pays des suicidés, le criminel est roi."
Un livre lumineux, formidable, épique, inoubliable.
* juifs espagnols et portugais qui se convertirent au christianisme pour tenter d'échapper à la barbarie de l'Inquisition
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire