Ici on tente de s'exercer à écrire sur l'architecture et les livres (pour l'essentiel). Ça nous arrive aussi de parler d'art et on a quelques humeurs. On poste quelques photos ; celles qu'on aime et des paréidolies. Et c'est évidemment un blog qui rend hommage à l'immense poète et chanteur Léonard Cohen.
samedi 13 février 2010
L'arrogance de F.L. Wright
"Très tôt dans la vie, j'ai du choisir entre mon arrogance naturelle et une humilité de façade ; j'ai opté pour mon arrogance."
Cette citation du grand architecte F.L. Wright, que notre ami Jacques-Franck a extraite d'un livre "Les femmes" de Tom Coraghessan Boyle, m'interpelle.
Elle me renvoie à plusieurs choses :
- un débat avec un ami architecte qui peut admettre la modestie mais ne peut se soumettre à l'humilité ; moi, j'aime le mot humilité, "cette modestie de l'âme" car, justement, ce mot apporte à la modestie un supplément d'épaisseur : l'esprit ; aptitude que je considère, à l'égal du rire, le propre de l'homme. Il existe un petit ouvrage qui s'intitule "Architecture et modestie" que tous ceux qui s'intéressent à l'architecture devraient lire
- un échange récent avec un ingénieur regrettant l'arrogance d'un architecte ; l'arrogance est un "orgueil qui se manifeste par des manières hautaines, méprisantes ou blessantes", nous indique "le Robert culturel" ; c'est à l'évidence le contraire du respect ; l'ingénieur peut aussi être arrogant, bien sûr ; cette arrogance se matte alors d'indifférence, d'un dédain technique, d'incompréhension, de résignation, et de rage (parfois) de devoir reconnaître (ou sentir) qu'il est exclu d'un certain champ de réflexion culturelle ; il ne tient qu'à lui de ne pas l'être !...
- un syndrome supplémentaire qui peut affecter certains architectes, celui de l'arrogance ; je dis supplémentaire, car j'en vois un autre, évident, c'est celui que je dénomme le "syndrome de Bilbao" ; cette ancienne ville laborieuse et sinistre du Pays Basque industrieux s'est transformée, par la grâce de l'œuvre de Franck Gerhy (et le mécénat de la Fondation Guggenheim, ne pas l'oublier !) en une cité de la culture et de la modernité ; Sir Norman Foster y a ajouté une pointe supplémentaire de modernité avec des bouches de métro d'un futurisme élégant ; ce miracle est contagieux et il est nombre de métropoles qui prétendent à se parer des plumes du paon ; mais le plus ennuyeux, c'est que le virus frappe de manière aveugle les organismes talentueux et les autres ; statistiquement, l'espèce humaine est ainsi faite que la proportion d'individus dotés d'un véritable talent est infiniment plus réduite que celle qui en est tout à fait dénuée ; mais voilà : la seconde est souvent plus bavarde ! Le "syndrome de Bilbao" se caractérise par une prétention à vouloir concevoir une œuvre complexe et coûteuse, là où la raison imposerait une œuvre juste et économique.
Pour revenir au syndrome de l'arrogance que l'on observe chez certains architectes, il provient probablement de l'écoute attentive (et sélective) de certaines déclarations de "Maîtres" prônant une attitude extrêmement ferme, voire exempte de tout compromis, dans l'affirmation du bien-fondé de leur projet (dans sa totalité de préférence) ; attitude à laquelle on ne peut que souscrire si et seulement si 1) le talent est au rendez-vous 2) le budget également 3) l'interlocuteur en face est vraiment un abruti !
Mais l'arrogance" se fout pas mal de la conjonction des 3 critères précédents.
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Je ne peux m'empêcher de transposer cette analyse à d'autres domaines et notamment à la philosophie. D'un côté BHL et même Onfray, de l'autre un Bachelard dont j'ai jadis intégré un merveilleux entretien télévisé, sur ce blog.
RépondreSupprimerParfois l'arrogance n'est-elle pas une protection ? Une signe de faiblesse, de vulnérabilité ? Plus je prends de l'âge plus j'en suis convaincu.
Combien d'hommes se cachent (j'ai failli écrire se gâchent) derrière des attitudes, des postures souvent ridicules ? L'autre face de l'argument d'autorité : "J'ai raison parce que je suis ce que je suis !" Finalement être un citoyen lambda, c'est pas mal, c'est un bon observatoire, à condition de ne pas se prendre au sérieux et de relativiser toutes choses : une seule chose est certaine, le doute permanent; une seule chose ne change pas : le changement.
Bon ouais, on pourrait aussi prétendre le contraire de tout celà ! Oui mais ça c'est la méthode de Jankélévitch, un philosophe qui ne se prenait pas au sérieux, un homme qui avait su rester enfant ! Quel beau projet personnel. Qu'en penses-tu ?