"Par les jours de soleil trop cru, on étalait sur des espars une tapisserie de brumes, à l'aplomb architectural des moulures pendait à sécher la belle lessive des trois-mâts longs courriers, un luxe de batistes lourdes comme des brocarts, de velums fantomatiques et, gonflé, pansu, énorme comme l'armoire vernie de la coque d'où jaillisent les suaires géants du beau temps, le palais voguait sur un entre-deux de planètes, un éther fécondé de béantes mamelles blanches, de cumulus de toiles, d'un maëlstrom claquant de blancheurs, l'impudeur géante d'un lacher de voiles de mariée."
Extraits d'"Affinités éléctives" du recueil de petits textes "Liberté grande" de Julien Gracq. Un régal.
Ici on tente de s'exercer à écrire sur l'architecture et les livres (pour l'essentiel). Ça nous arrive aussi de parler d'art et on a quelques humeurs. On poste quelques photos ; celles qu'on aime et des paréidolies. Et c'est évidemment un blog qui rend hommage à l'immense poète et chanteur Léonard Cohen.
samedi 28 février 2009
jeudi 26 février 2009
Jaîskibel vs la Rhune
Toujours livré à vos orbites cruelles !
Par delà l'orangé brûlant des tuiles mécaniques
A l’horizon du golfe d’encre violette
L’Espagne parade comme une Amérique
Livrant les bourrelets fatigués de ses montagnes vertes
Aux délices des marines fantasques.
Le Jaïzkibel, lourd de sa carapace couronnée,
Tel un guerrier s’arrachant au ciel des basques,
Ivre d'impatiences sur sa terre contaminée,
Défie la Rhune, indolent balcon de pierre,
Trop tendre mais de son charme certaine,
Montagne civilisée, rivale séculaire.
La mer en une imaginaire arène
A convié ces deux géants à se repaître
De leurs envies froissées
Sous le regard un peu traitre
D'une Bidassoa de noyés.
Caddel Ubbale
Par delà l'orangé brûlant des tuiles mécaniques
A l’horizon du golfe d’encre violette
L’Espagne parade comme une Amérique
Livrant les bourrelets fatigués de ses montagnes vertes
Aux délices des marines fantasques.
Le Jaïzkibel, lourd de sa carapace couronnée,
Tel un guerrier s’arrachant au ciel des basques,
Ivre d'impatiences sur sa terre contaminée,
Défie la Rhune, indolent balcon de pierre,
Trop tendre mais de son charme certaine,
Montagne civilisée, rivale séculaire.
La mer en une imaginaire arène
A convié ces deux géants à se repaître
De leurs envies froissées
Sous le regard un peu traitre
D'une Bidassoa de noyés.
Caddel Ubbale
mardi 24 février 2009
Rolex
Je n'ai pas de Rolex. J'ai plus de 50 ans. J'ai donc du rater ma vie. Une chose me console : vraisemblablement pas autant que vous, M. Séguéla !
Quoi de neuf ? Barcelone
Il y a des villes pour lesquelles il me paraitrait légitime d'obliger tout un chacun à s'y rendre au moins une fois dans sa vie, et pas choquant que le déplacement fut remboursé par la Sécurité Sociale ! Venise figurerait au 1er rang de ces villes. Mais Barcelone serait aussi dans mes favorites. Bien sûr, le Barrio Gotico et la Ribeira ont perdu un peu de leurs canailles en faveur des rénovations obligées ; bien sûr il est fait offense au pavillon de Mies van der Rohe, relégué en marge d'un parking de foire d'expositions au pied de Monjuic ; bien sûr encore, les Ramblas grouillent de mimiles hilares se faisant phtographier entre les ailes d'un démon grottesque ou au bras faussement velu de l'homme des cavernes ; la marina est une marina, banale par défaut, mais ... mais, mais, il y a dans cette ville des beautés à tous les coins de rue, un cocktail architectural extraordinaire où les volutes gaudiennes composent avec le quadrillage mathématique de l'Eixample, des marchés à se damner et à se ruiner le porte-monnaie avec une insouciance coupable vis-à-vis des dérives financières qui agitent la planète (loin ?),
un musée Picasso qui vous révèle instantanément le génie de l'ogre de la peinture ;
une tour phallocratique qui s'exhibe sans pudeur, la nuit tombée, dans des fards de drag-queens et qui fait le trottoir au rond-point des Gloriès ; un centre de congrès échappé de la planète bleue, griffé sur tranche et aux entournures, en lévitation mystique au-dessus d'un macadam narcissique qui ne cesse de se mirer dans l'acier grêlé de la sous-face de l'OSNI (Objet Statique Non Identifié).
mardi 17 février 2009
Le procès verbal
1er roman de JMG Le Clézio, alors agé de 28 ans, couronné par le Prix Renaudot, Le Procès verbal raconte l'errance folle, inutile et chaotique d'un jeune homme, Adam Pollo, (le double de Le Clézio ?) dans une cité balnéaire. Le style, le texte font continuellement écho à cette folie ; je veux dire par là, qu'il ne s'agit pas d'une histoire simplement racontée à laquelle le lecteur assiste en spectateur ; l'écriture est souvent incohérente, la mise en page perturbée, certaines descriptions paraissent dérisoires, attachées à un détail qui semble sans aucune signification et sur lequel le texte s'attarde comme une torture. Il y a une résonnance absolue entre le contenu du texte et le chaos mental d'Adam. Il y a des violences (la scène avec le rat) et des états de décadence qui surprennent de la part d'un auteur plus connu pour sa très grande retenue et son calme. Les personnages anonymes qui errent dans les pages sont également vus au travers du regard d'un fou. C'est un livre troublant, parfois menaçant dans le sens où il est déséquilibré (comme le héros). Et puis, il y a cette femme, Michelle, qu'il a aimé violemment (au sens propre) et qui représente son seul lien avec une forme de raison, mais qui finit lamentablement dans les bras d'un américain vulgaire aux cuisses potelées et graisseuses.
J'ai voulu faire l'exercice de lire un livre écrit il y a plus de 35 ans par un auteur "institutionnalisé" aujourd'hui afin de savoir s'il y avait déjà les éléments du talent littéraire. Curieusement, j'ai trouvé dans les 1ères pages quelques effets un peu trop visibles, aux accents gracquiens. Et puis, au fil des pages, tout ceci s'est estompé et j'ai plutôt été subjugué par l'originalité et la profondeur du texte.
La nef des fous de Brueghel
C'est intéressant de relire l'interview de Le Clézio au sujet de son livre (paru dans Le Point) : "C'était une drôle d'époque. J'ai commencé à écrire ce livre alors que la guerre d'Algérie n'était pas finie, et que planait sur les garçons la menace d'être envoyés dans le contingent. Un de mes camarades, un garçon très artiste, très rebelle, nommé Vincent, du fait de ses mauvaises notes est parti à la fin de l'année 1960, et il a été aussitôt tué dans une embuscade. Un autre convoyait des fonds pour le FLN. Un autre était revenu en permission, le cerveau lessivé, ne parlant que de bazookas et de « bidons spéciaux » (comme on nommait pudiquement le napalm). Certains de mes camarades pour échapper au Moloch se tiraient une balle dans le pied, ou s'injectaient de la caféine pour feindre une tachycardie, ou construisaient une folie qui au cours des semaines de traitement à l'hôpital militaire devenait réelle. L'état d'esprit, c'était un mélange d'agressivité et de dérision, duquel le mot « absurde » ne rendait qu'un faible écho. En même temps régnait en France un racisme anti-arabe des plus répugnants, dont je ne peux m'empêcher de ressentir la résurgence aujourd'hui.
Alors j'écrivais « Le procès-verbal » par bribes, dans le fond d'un café, en y mêlant des morceaux de conversation entendus, des images, des découpes de journal. Au jour le jour. Le roman a été fini après les accords d'Evian, quand j'ai compris que la menace s'arrêtait, que nous allions vivre. Il est resté un peu plus d'un an à l'état de manuscrit, puis a été présenté au prix international européen Formentor (la récompense était un séjour tous frais payés dans l'île de Formentera), mais c'est Uwe Johnson qui l'a eu ! L'automne suivant, j'ai été consolé par le prix Renaudot !"
jeudi 12 février 2009
Prix Mies van der Rohe
Plateau bien relevé pour le Prix Mies Van der Rohe cette année ! L'architecture française a déjà gagné puisque "nous" plaçons 2 projets parmi les 5 finalistes !
Le Zénith de Strasbourg de Massimiliano Fuksas
et le Centre Multimodal du Tramway de Nice de mon ami Marc Barani (équerre d'argent 2008). Evidemment mon favori (il paie le champagne à chque fois qu'il gagne !).
Bon, maintenant Marc, il va falloir battre les norvégiens avec leur iceberg échoué sur les berges d'Oslo,
les irlandaises avec leur colossale université Bocconi de Milan
et les espagnols avec leur Bibliothèque à Barcelone (que je verrai fin février) !
Donc sur les 5 projets, j'en aurai vu 3. Je regrette de ne pas avoir programmé un séjour à Oslo. (Si quelqu'un me lit et souhaite me sponsoriser...)
Evidemment, fin février, je proposerai mon palmarès ; subjectif bien entendu puisque je ne pourrai voir ni Milan ni Oslo.
mercredi 11 février 2009
L'acte fondamental d'interrogation
Retrouvé dans mes carnets, cet extrait d'un article de Julia Kristeva dans "Le Monde" d'il y a 2 ans. Parlant des filières d'enseignement en lettres et sciences humaines, l'auteur écrivait :
"Au-delà des quelques "postes dans l'enseignement", les métiers de la communication, de l'édition, des médias, de l'image, des ressources humaines, de la culture, de la solidarité, etc., requièrent l'apprentissage des modalités de pensée qui diffèrent de la pensée-calcul. Notre vocation, indispensable à la vie de la civilisation, est d'ouvrir les portes à ce que l'esprit humain a de plus précieux, énigmatique et fragile : la pensée innovante, qui trouve sa source dans l'acte de pensée lui-même - acte préproductif, hasardeux, voire improductif par définition, acte fondamental d'interrogation."
Exercice absurde
Si je tente de faire la liste des 10 oeuvres architecturales que j'ai vues (de mes yeux vu) et qui m'ont le plus impressionné (au sens "émotion"), je me dis à ce stade de la phrase : à quoi ça sert, je vais forcément avoir des regrets, commettre au nom de ma mémoire (faillible) des "injustices" ... que diable, un peu d'audace !
Je mets en 1 la Villa Cavroy à Croix de Mallet Stevens que j'ai découvert un matin ensoleillé d'hiver, belle aristocrate éviscérée par la barbarie de l'homme et la négligence du temps.
En 2, le Pavillon de l'Allemagne de Mies Van der Rohe à Barcelone ; la déclinaison parfaite des mots "équilibre" et "juste" dans la grammaire de l'architecture moderne
En 3, le temple d'Angkor Vat à Siem Réap (au Cambodge bien sûr), une fin de journée de juillet 1994; tout en haut de la plus haute tour, au centre de cette merveille de pierre ; nous n'étions que 3 avec quelques apparitions furtives et silencieuses de voiles couleur safran dans le dédale des scupltures.
En 4, la Fondation Querini Stampalia de Venise, une oasis ciselée par Carlo Scarpa.
En 5, la Mosquée de Djenné au Mali, sur une boucle du delta intérieur du Niger ; le plus grand édifice en terre du monde ; l'élégance intuitive ; une preuve du génie de l'homme et (pour taquiner mes amis architectes) conçue sans architecte DPLG !
En 6, le Pavillon MacCormick de Rem Koolhaas sur le campus universitaire de Chicago ; violent et fascinant comme un film de David Lynch ; on s'attend à y croiser le fantôme de Mies.
En 7, l'Alhambra de Grenade en tant qu'exemple merveilleux de correspondance entre architecture et tolérance.
En 8, l'Eglise St François d'Assise d'Oscar Niemeyer dans la banlieue de Belo- Horizonte au Brésil
En 9, le Pavillon Noir de Rudy Ricciotti à Aix en Provence comme un acte de piraterie salvateur.
En 10 (m..., c'est la fin !) les Thermes de Caracalla à Rome comme une réflexion sur la grandeur, la chute et la mémoire.
Bon, je regrette déjà de ne pas avoir mis dans cette liste ..., et ..., et ... encore, etc. Mais ce sera pour une autre liste sans doute !
Je mets en 1 la Villa Cavroy à Croix de Mallet Stevens que j'ai découvert un matin ensoleillé d'hiver, belle aristocrate éviscérée par la barbarie de l'homme et la négligence du temps.
En 2, le Pavillon de l'Allemagne de Mies Van der Rohe à Barcelone ; la déclinaison parfaite des mots "équilibre" et "juste" dans la grammaire de l'architecture moderne
En 3, le temple d'Angkor Vat à Siem Réap (au Cambodge bien sûr), une fin de journée de juillet 1994; tout en haut de la plus haute tour, au centre de cette merveille de pierre ; nous n'étions que 3 avec quelques apparitions furtives et silencieuses de voiles couleur safran dans le dédale des scupltures.
En 4, la Fondation Querini Stampalia de Venise, une oasis ciselée par Carlo Scarpa.
En 5, la Mosquée de Djenné au Mali, sur une boucle du delta intérieur du Niger ; le plus grand édifice en terre du monde ; l'élégance intuitive ; une preuve du génie de l'homme et (pour taquiner mes amis architectes) conçue sans architecte DPLG !
En 6, le Pavillon MacCormick de Rem Koolhaas sur le campus universitaire de Chicago ; violent et fascinant comme un film de David Lynch ; on s'attend à y croiser le fantôme de Mies.
En 7, l'Alhambra de Grenade en tant qu'exemple merveilleux de correspondance entre architecture et tolérance.
En 8, l'Eglise St François d'Assise d'Oscar Niemeyer dans la banlieue de Belo- Horizonte au Brésil
En 9, le Pavillon Noir de Rudy Ricciotti à Aix en Provence comme un acte de piraterie salvateur.
En 10 (m..., c'est la fin !) les Thermes de Caracalla à Rome comme une réflexion sur la grandeur, la chute et la mémoire.
Bon, je regrette déjà de ne pas avoir mis dans cette liste ..., et ..., et ... encore, etc. Mais ce sera pour une autre liste sans doute !
dimanche 8 février 2009
A vos marges, citoyens !
Frédéric Edelmann, journaliste spécialisé dans l’architecture au Service Culture du « Monde », fait paraître dans le numéro daté du dimanche 8 – Lundi 9 février 2009, sous le titre « De la crise économique à la crise de l’architecture », un article extrêmement intéressant où il met en évidence le lien direct entre capitaux et constructions. La réduction brutale - sinon la disparition - des premiers conduisant fatalement au report ou l'annulation proprement dite des secondes. Mais si la crise économique ne fait aucun doute (un article du même N° du "Monde" titre sur : "Crise : le choc est à venir"), faut-il parler de "crise de l'architecture" ?
L'architecture est-elle à un "moment périlleux et décisif" de son parcours à travers le temps par le fait qu'une crise économique "sans précédent dans l'histoire" secoue le monde ? Périlleux, je ne crois pas ; décisif, vraisemblablement.
Dans "périlleux", il y a "péril", terme associé à la notion de danger. Il est vraisemblable que le danger est plus d'ordre quantitatif que qualitatif. C'est déjà pas mal, me direz-vous ; il est évident que moins de projets égal moins de travail pour tous les acteurs de l'acte de concevoir et de construire ! Mais, deux remarques : 1) la plupart des projets évoqués dans l'article correspondent à des commandes exceptionnelles aux mains d'une petite minorité de "stars" de l'architecture ; c'est formidable que de tels projets aient pu être initiés (sous réserve, pour certains, de leur véritable utilité), mais ce n'est pas le gros de la troupe, loin de là, qui est concerné. 2) le coup de frein au déraisonnable, à la "surenchère formelle ", n'est-il pas finalement salutaire ? Comme y fait référence Edelmann, en citant l’architecte israélien Zvi Hecker, l'architecture ne va-t-elle pas retrouver un peu « de la mission de modèle vertueux » et de ses « obligations sociales » édictés par le Mouvement moderne ? Edelmann de poursuivre en citant son confrère du New York Times, Nicolas Ourousoff, qui souligne qu’« aux Etats-Unis, comme à Londres, Tokyo ou Dubaï, l’architecture sort d’une période de surenchère formelle, qui excluait la dimension sociale de la construction. »
Après les dollars et les paillettes : "low-cost", "développement durable", "fonctionnalité" à tous les étages ! On aurait tort de croire que ce régime minceur forcé est de nature à dégrader la qualité architecturale. Et si cette ascèse nous permettait, à nous autres concepteurs, de nous remobiliser sur l'essentiel ? La question de l'abri, de la fonction, de l'usage, du juste, du conforme aux besoins dans un budget fixé, du véritablement durable, etc. Bien entendu, si dans la chaîne des intervenants à l'acte de construire, nous sommes les seuls à pratiquer cet exercice, l'architecture y perdra forcément. A vos marges, citoyens !
Et finalement, pour revenir à l'article d'Edelmann, qu’importe pour l’Architecture que les Emirats Arabes Unis aient décidé de geler 582 milliards de dollars pour l’extension invraisemblable de Dubaï ; qu’importe que des projets démesurés, soi-disant labellisés « écologique », soient mort-nés ; qu’importe que des projets de villas de milliardaires fondées sur des îles artificielles soient suspendus : l’Architecture a-t-elle quelque chose à y perdre ? N’était-elle pas en train de dérailler quelque part ? La « surenchère formelle » n’est-elle, ou n’était-elle pas, une sorte de maquillage, de travestissement facile, susceptible de confondre in fine, architecture et décor spéculatif ? Ce "moratoire" obligé n'est-il pas une chance pour l'Architecture ?
A l’heure où la Cité de l’Architecture et du Patrimoine a eu le bon gout (le flair ?) de présenter une exposition des architectes du « low-cost » (mais du « more space ») Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, il est utile de se réinterroger sur cette spécificité de l’architecture qui ne peut la rendre assimilable à un « produit marchand » comme les autres ; au même titre d’ailleurs que l’Education, la Recherche (scientifique et en sciences humaines), la Médecine ou les Arts.
A cet égard, Giancarlo di Carlo écrivait : "La mission essentielle de l'architecture est d'organiser et de former l'espace pour l'usage, de le confier à l'expérience tant individuelle que collective, de l'exposer aux outrages du temps. De telle sorte qu'il se patine, se stratifie, continue d'acquérir de nouvelles significations, jusqu'au point où il se met à dessiner et à se redessiner lui-même, comme de son prore chef, pour supporter et transmettre la plus éloquente des traces des évènements humains."
Le bon côté de la crise (même s’il paraît dérisoire face à l’ampleur du sinistre que l’on nous annonce), sera d’éviter à l’architecture de se transformer en "produit marchand", au service exclusif d’une image ou d’une rentabilité ; éviter une collusion désastreuse entre la sphère financière et l’architecture. Pour construire des bâtiments, ou plus largement des ouvrages, au service du collectif, l’architecture a besoin d’une économie qui lui permette de créer dans une démarche libre, généreuse et responsable. Elle a besoin de maîtres d'ouvrage porteurs d'une vision qui soit non asservie aux sacro-saintes "règles du marché", remises systématiquement sur le tapis comme un référentiel absolu, et dont je soupçonne qu'elles ne soient, pour l'essentiel, qu'un catalogue de dispositions susceptibles de générer le maximum de profit.
Elle a besoin d’architectes et d’ingénieurs engagés, avec leurs talents respectifs et complémentaires, dans cette démarche ; on l’avait presque oublié.
L'architecture est porteuse d'une responsabilité majeure : sociétale (elle peut être un amortisseur ou un amplificateur formidable des frictions urbaines), et environnementale (toujours plus consommatrice d'espaces pour répondre à l'explosion démographique, elle doit dans le même temps limiter l'utilisation de matière). A ce titre elle doit être réfléchie en dehors de la dictature du court terme. L'architecture ne doit pas être cotée à Wall Street !
vendredi 6 février 2009
First we take Manhattan
Pour Françoise qui vient de multiplier par 50% le groupe de mes "fidèles" (je lui dois au moins ca !)
C'est une version que je ne connaissais pas, mais qui me plait bien.
(ma) traduction
D'abord, nous prenons Manhattan
Ils m'ont condamné à vingt ans d'ennui
Pour avoir tenté de changer le système de l'intérieur.
Maintenant me voici, je reviens pour les remercier.
D'abord, nous prenons Manhattan, puis nous prendrons Berlin.
Je suis guidé par un signe dans les cieux.
Je suis guidé par une tâche de naissance sur ma peau.
Je suis guidé par la beauté de nos armes.
D'abord, nous prenons Manhattan, puis nous prendrons Berlin.
J'ai vraiment aimé vivre à tes côtés, ma petite.
J'ai aimé ton corps, ton esprit, tes vêtements.
Mais vois-tu la foule de ces gens qui traversent cette gare ?
Je te l’avais dit, je te l’avais dit, te l’avais dit, j’étais l’un d’eux.
Ah tu m’as aimé comme un loser, et maintenant tu as peur que je puisse gagner.
Tu connais la façon de m'arrêter, mais tu manques de discipline.
Combien de nuits j'ai prié pour cela, pour que mon travail commence enfin.
D'abord, nous prenons Manhattan, puis nous prendrons Berlin.
Je n'aime pas vos affaires de mode, Monsieur
Et je n'aime pas ces drogues qui vous gardent mince.
Je n'aime pas ce qui est arrivé à ma soeur.
D'abord, nous prenons Manhattan, puis nous prendrons Berlin.
J'ai vraiment aimé vivre à tes côtés, ma petite.
J'ai aimé ton corps, ton esprit, tes vêtements.
Mais vois-tu la foule de ces gens qui traversent cette gare ?
Je te l’avais dit, je te l’avais dit, te l’avais dit, j’étais l’un d’eux
Et merci pour les objets que tu m'as envoyés :
Le singe et le violon en contreplaqué
Je me suis entraîné chaque nuit et maintenant je suis prêt.
D'abord, nous prenons Manhattan, puis nous prendrons Berlin.
Je suis guidé par un signe dans les cieux.
Je suis guidé par une tâche de naissance sur ma peau.
Je suis guidé par la beauté de nos armes.
D'abord, nous prenons Manhattan, puis nous prendrons Berlin.
Ah rappelle toi de moi. Je ne vivais que pour la musique.
Te souviens-tu de moi ? Je t'ai monté tes commissions.
Bon, c’est la fête des pères et tout le monde est blessé.
D'abord, nous prenons Manhattan, puis nous prendrons Berlin.
jeudi 5 février 2009
Le malheur des autres
Dans l'avant-propos de cet ouvrage il est dit : "De 1880 à 1898, Tchékov a écrit 649 récits et nouvelles répertoriés." A la Pléiade, il y a 250 titres. Quid des 399 autres ? Pour certains, Tchékov les jugeaiet indignes d'être publiés "Ne figurera pas dans mes oeuvres complètes", avait-il annoté. Pour d'autres, il s'agissait à l'évidence d'oeuvres alimentaires de jeunesse écrites "par un jeune écrivain pressé de gagner quelques roubles, (et qui) méritent vraiment d'être oubliés". Commentaire : ça nous rassure, nous autres de la tribu des écrivains amateurs !
Le livre "Le malheur des autres" rassemble 38 récits sélectionnés et traduits parmi les 399 par Lily DENIS, édités chez Gallimard.
Anton Tchékov nous entraine dans un monde interlope dans lequel grouillent des personnages ordinaires de son temps, médiocres, intéressés, paumés, cupides, ruinés, rusés, résignés, transis, snobs, voyeurs, désespérés, cocus, arrivistes, suicidés, fourbes et généreux (parfois). Difficile de choisir entre ces histoires.
Dans "Lui et elle", il brosse le tableau d'un coupe improbable de "nomades" : Elle, chanteuse célèbre, lui, son gigolo. Ils se détestent en apparence. Chacun trouve l'autre laid et minable, mais chacun trouve dans l'autre une chose admirable, une étincelle qui fait qu'ils s'aiment. Lui, c'est quand elle chante et que "je sens que sous l'influence de ces sons magiques mon âme désorientée s'apaise, regardez mon visage et vous découvrirez le secret de mon amour." Elle, c'est tout simplement quand à l'occasion d'"un dîner, à un bal...Lorsque quelqu'un profère un mensonge, il relève la tête et , sans que rien ne l'arrête, sans s etroubler, il dit : ce n'est pas vrai. (...) Quelle femme résisterait à l'éclat des yeux de celui qui dit cela ?".
Dans "A l'automne", il met en scène un châtelain déchu, pitoyable, qui mendie une vodka dans un cabaret sinistre et qui est reconnu par l'un de ses moujiks qui révèle au patron les causes de la déchéance du barine : une femme dont il est fou amoureux et qui juste mariée avec lui s'enfuit vivre chez son amant, et un beau-frère qui finit par le ruiner totalement.
"La nuit de Noël" m'a paru le plus fort. Dans une nuit glacial, une femme de pêcheur, pauvre, fatiguée, vient attendre sur la grève du lac gelé son mari. Elle fait partie d'un petit groupe de malheureux, angoissés par le redoux qui, s'il survient avant que les pêcheurs en traineaux ne soient rentrés, les condamne à une mort certaine. Et l'on entend le bruit sinistre de la glace qui se fend (c'est le fou qui le premier le perçoit) en même temps que l'angoisse monte. Bientôt, il n'y a plus rien à attendre...et pourtant ! (impossible de livrer la fin de cette nouvelle, suspens oblige !).
dimanche 1 février 2009
Impressions sur "Terre Natale"
"Ailleurs commence ici"
D'abord j'ai tenté 3 fois de voir cette exposition. Finalement la 4ème fut la bonne. Juste 20' de queue sur le trottoir glacial du boulevard Raspail sous le regard romantique du cèdre de Chateaubriand. (Au fait : est-ce bien un cèdre ? Etait-ce bien Chateaubriand ?) J'avais emmené avec moi un livre (des nouvelles inédites de Tchekov ; je sais, c'est très snob, mon fil me l'a déjà fait comprendre !). Des groupes d'étudiants s'épataient entre eux. Devant. Derrière. Je tentais de m'imprégner de Tchekov avec mes écouteurs dans les oreilles (mais sans musique !). Ils étaient au présent au 21ème siècle, à une période que l'Histoire jugera sentencieusement comme "l'avant quelque chose" (mais quoi ?) ; j'étais dans la Russie du Moyen Age de la fin du 19ème siècle. Les paysans se nomment des moujiks, ils portent des "touloupes" à la place de jeans, et les petits bourgeois s'appellent des barines. Les routes sont pleines de boue. Les forêts sont profondes peuplées de loups. Les villages de bois brulent souvent. Les hommes boivent toujours. Miracle de la littérature : ailleurs dans l'espace et dans le temps !
Une fois pénétré dans la Fondation Cartier, difficile de ne pas être happé par l'escalier qui descend au sous-sol : il vous tend ses marches de béton. Je ne sais pas si l'exposition à un début. En fait, a posteriori, peu importe. Dans une obscurité relative, Virilio est projeté en boucle grandeur nature ; il marche dans une petite ruelle pavée que l'on imagine parisienne, en ouvrant régulièrement les bras, ponctuant de ce geste un peu maladroit les mots très importants, empesés de gravité, de son discours. Je pense à l'énergumène dans "Tintin et l'étoile mystérieuse" qui parcourt les rues de la ville annonçant la fin du monde. J'ai sans doute tort, car tout ça est très sérieux. 2 milliards de migrants. Paradoxe : les sédentaires sont des nomades qui sont partout chez eux (TGV, aéroports, bureaux, hôtels, ...) et les nomades, eux, ne sont nulle part chez eux ; sédentaires des bidonvilles peut-être ? L'"outre-ville" est annoncée raisonnant avec "outrance" ou "outre-tombe" peut-être. Les déséquilibres sont intolérables et nous les tolérons. Accrochés au plafond, alignés comme à l'armée, plusieurs dizaines d'écrans diffusent des films relatant avec force grésillements, sauts d'images, cadrages approximatifs - bref toute une panoplie d'effets en rapport avec la précarité des situations - des pérégrinations de réfugiés. Je pense à "Eldorado" quand un groupe de réfugiés franchit de nuit un mur. 45' pour la prochaine séquence d'un film sur ? dans une salle à côté. Je m'abstiens. Plus on vieillit et plus c'est dur d'attendre : comme si l'on pressentait que l'on allait attendre bientôt trop longtemps ! Je remonte à l'étage ; je veux dire au rez-de-chaussée. Derrière un grand rideau noir, il y a une grande salle, avec un grand écran. Les gens sont allongés à même le sol (de la moquette, ouf !). Je me fraie un chemin entre les corps concentrés sur la projection d'individus représentant des groupes ethniques menacés : par l'homme blanc, par l'oubli, par l'exil, par la sélection naturelle, par le monde comme il va. Par nous sans doute qui sommes allongés, silencieux ; nous, les fameux "hommes blancs" qui ne comprendrons jamais la "terre-forêt" de ces autres hommes et de ces femmes, étrangers, presque incongrus, d'une autre planète, sacrifiés sur l'autel de notre confort. (Il y a un type qui n'a pas compris que s'il est au 1er rang il ne permet pas aux autres de lire les sous-titres ; un "homme blanc", c'est certain). Il y a cette femme qui parle devant la mer et dans le vent, jusqu'à ce qu'elle dise qu'elle n'a plus de mots et qu'elle pleure ; "je n'ai pas de mots". Ne plus avoir de mots pour un être humain, n'est-ce pas une perte d'humanité ? Une autre, ridée comme une très vieille pomme, les lèvres épaisses et pratiquement immobiles, les yeux tristes de résignation, qui nous parle de son "peuple", qui n'est plus constitué que de 11 membres, et qu'elle est la seule femme, et de ses enfants, et toutes ces questions pour lesquelles il n'y a plus de réponses possibles ; sa voie est grave, lourde et brisée comme des rochers au pied d'une falaise.
Sculpture de Zadkine (mise en bouche pour Gérard)
Le designer-architecte Ron ARAD à Beaubourg
Après Richard ROGERS et Dominique PERRAULT (2 expositions remarquables), la mezzanine de Beaubourg est actuellement investie par Ron ARAD.
Né en 1951 à Tel-Aviv, Ron Arad commence à être "reconnu" depuis les années 1980. Il étudie l'architecture à Londres ; l'une de ses plus illustres collègues est l'architecte anglo-irakienne Zaha Hadid. (les styles sont assez proches)
Extraits de Wikipédia : "Ron Arad utilise des technologies et des matériaux avec des modalités et des formes tout à fait nouvelles" (acier, résines, polymères, etc...pour ses meubles par ex.). "Manipulation, transformation et expérimentation sont les maître-mots de l'esprit de ses créations. Son design se caractérise par des formes pures, non conventionnelles et un goût pour les courbes qui le place dans la lignée des designers sculpteurs. Sa démarche est en effet plus celle d'un artiste que d'un designer industriel, en témoignent le côté objet unique des ses créations, et le fait que leur fonction n'est pas un critère de premier ordre dans le processus de création."
A l'exception de quelques modèles dont les fauteils "Tom Vac Chair" (fig 1)
et "Big easy chair" (dans des versions taggées), je ne suis pas un inconditionnel du style de Ron Arad, qui évoque trop souvent pour moi les accessoires d'une science-fiction design et un peu mode.
Je trouvais finalement plus attachant les meubles aux rivets mal dissimulés - voire apparents pour faire "high-tech" -, les courbes mal ajustées et un peu gauche, les insuffisances de la technique de mise en oeuvre, qui caractérisent le mobilier futuriste d'il y a 40 ou 50 ans, plutôt que cette fluidité lisse, que je trouve en définitive froide, sans âme.
Quant à l'architecture on retrouve, dans les quelques maquettes présentées, toujours cette dictature de la courbe, comme si la fluidité exigeait le recours au ruban de Moebius.
Difficile de ne pas penser au génie de Niemeyer !
Bref, enthousiasme moyen, mais visite obligatoire pour les amateurs de design, bien entendu !
Né en 1951 à Tel-Aviv, Ron Arad commence à être "reconnu" depuis les années 1980. Il étudie l'architecture à Londres ; l'une de ses plus illustres collègues est l'architecte anglo-irakienne Zaha Hadid. (les styles sont assez proches)
Extraits de Wikipédia : "Ron Arad utilise des technologies et des matériaux avec des modalités et des formes tout à fait nouvelles" (acier, résines, polymères, etc...pour ses meubles par ex.). "Manipulation, transformation et expérimentation sont les maître-mots de l'esprit de ses créations. Son design se caractérise par des formes pures, non conventionnelles et un goût pour les courbes qui le place dans la lignée des designers sculpteurs. Sa démarche est en effet plus celle d'un artiste que d'un designer industriel, en témoignent le côté objet unique des ses créations, et le fait que leur fonction n'est pas un critère de premier ordre dans le processus de création."
A l'exception de quelques modèles dont les fauteils "Tom Vac Chair" (fig 1)
et "Big easy chair" (dans des versions taggées), je ne suis pas un inconditionnel du style de Ron Arad, qui évoque trop souvent pour moi les accessoires d'une science-fiction design et un peu mode.
Je trouvais finalement plus attachant les meubles aux rivets mal dissimulés - voire apparents pour faire "high-tech" -, les courbes mal ajustées et un peu gauche, les insuffisances de la technique de mise en oeuvre, qui caractérisent le mobilier futuriste d'il y a 40 ou 50 ans, plutôt que cette fluidité lisse, que je trouve en définitive froide, sans âme.
Quant à l'architecture on retrouve, dans les quelques maquettes présentées, toujours cette dictature de la courbe, comme si la fluidité exigeait le recours au ruban de Moebius.
Difficile de ne pas penser au génie de Niemeyer !
Bref, enthousiasme moyen, mais visite obligatoire pour les amateurs de design, bien entendu !
Inscription à :
Articles (Atom)