jeudi 5 février 2009

Le malheur des autres


Dans l'avant-propos de cet ouvrage il est dit : "De 1880 à 1898, Tchékov a écrit 649 récits et nouvelles répertoriés." A la Pléiade, il y a 250 titres. Quid des 399 autres ? Pour certains, Tchékov les jugeaiet indignes d'être publiés "Ne figurera pas dans mes oeuvres complètes", avait-il annoté. Pour d'autres, il s'agissait à l'évidence d'oeuvres alimentaires de jeunesse écrites "par un jeune écrivain pressé de gagner quelques roubles, (et qui) méritent vraiment d'être oubliés". Commentaire : ça nous rassure, nous autres de la tribu des écrivains amateurs !
Le livre "Le malheur des autres" rassemble 38 récits sélectionnés et traduits parmi les 399 par Lily DENIS, édités chez Gallimard.
Anton Tchékov nous entraine dans un monde interlope dans lequel grouillent des personnages ordinaires de son temps, médiocres, intéressés, paumés, cupides, ruinés, rusés, résignés, transis, snobs, voyeurs, désespérés, cocus, arrivistes, suicidés, fourbes et généreux (parfois). Difficile de choisir entre ces histoires.
Dans "Lui et elle", il brosse le tableau d'un coupe improbable de "nomades" : Elle, chanteuse célèbre, lui, son gigolo. Ils se détestent en apparence. Chacun trouve l'autre laid et minable, mais chacun trouve dans l'autre une chose admirable, une étincelle qui fait qu'ils s'aiment. Lui, c'est quand elle chante et que "je sens que sous l'influence de ces sons magiques mon âme désorientée s'apaise, regardez mon visage et vous découvrirez le secret de mon amour." Elle, c'est tout simplement quand à l'occasion d'"un dîner, à un bal...Lorsque quelqu'un profère un mensonge, il relève la tête et , sans que rien ne l'arrête, sans s etroubler, il dit : ce n'est pas vrai. (...) Quelle femme résisterait à l'éclat des yeux de celui qui dit cela ?".
Dans "A l'automne", il met en scène un châtelain déchu, pitoyable, qui mendie une vodka dans un cabaret sinistre et qui est reconnu par l'un de ses moujiks qui révèle au patron les causes de la déchéance du barine : une femme dont il est fou amoureux et qui juste mariée avec lui s'enfuit vivre chez son amant, et un beau-frère qui finit par le ruiner totalement.
"La nuit de Noël" m'a paru le plus fort. Dans une nuit glacial, une femme de pêcheur, pauvre, fatiguée, vient attendre sur la grève du lac gelé son mari. Elle fait partie d'un petit groupe de malheureux, angoissés par le redoux qui, s'il survient avant que les pêcheurs en traineaux ne soient rentrés, les condamne à une mort certaine. Et l'on entend le bruit sinistre de la glace qui se fend (c'est le fou qui le premier le perçoit) en même temps que l'angoisse monte. Bientôt, il n'y a plus rien à attendre...et pourtant ! (impossible de livrer la fin de cette nouvelle, suspens oblige !).

1 commentaire:

  1. Je ne connais pas bien Tchekov, je sais que c'est un auteur très subtil.
    Quand je pense qu'à la fin des années 1960, à Chalon sur Saone, j'avais eu l'outrecuidance de jouer au Théatre municipal, le père de " Une demande en mariage", Stéphane Stepanovitch. Bien sûr c'était dans le cadre des activités socio-édcatives du lycée dans lequel j'exerçais les fonctions de maître d'internat. J'espère qu'aucun de ceux qui nous ont vu jouer dans cette pièce de Tchekov n'est encore vivant ! J'aurais trop honte !

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