lundi 29 octobre 2018

659 Wrigthwood St à Chicago. Un haïku architectural. La dernière oeuvre de Tadao Ando

Dans ce quartier résidentiel proche du Lincoln Park au nord de Chicago où les maisons de style néo - gothiques, flamandes, Windsor, victoriennes, médiévales, etc. - se sont grimées en cette fin octobre des accessoires d’Alloween, un volume austère en béton gris peut surprendre. C'est qu'ici, dans ces rues tranquilles, loin de l'agitation du Downtown chicagolais, l'architecture déploie des trésors de pastiches à grands renforts de tourelles, balustres, loggias, dragons, colonnes et chapiteaux. La confrontation avec l’art minimaliste du maître japonais n'en est que plus excitante ("so exciting" comme disent les américains). 
En ce samedi matin, un peu avant 10H00, un petit groupe d’amateurs piétinent déjà devant l'entrée de l'élégante façade en briques rouges au 659, Wrightwood Street. Celle-ci contraste fortement par son classicisme revisité avec le parallélépipède en béton qu'elle jouxte dont la seule "fantaisie" consiste en une engravure au milieu de sa façade, close par trois éléments superposés métalliques. L'éditeur Fred Eychamer et sa fondation philanthropique, Alphawood, engagée dans la promotion de l'art, la cause LGBT et les droits civils, ont confié à l'architecte Japonais, Tadao Ando, Pritzker 1995, le soin de transformer un immeuble des années 20 en un lieu pour amateurs d'art et d'architecture.
Dans cet exercice qui rappelle, à une échelle plus réduite, le travail réalisé à la Punta de La Dogana à Venise, Ando excelle à conjuguer mémoire et contemporanéité.
Après le sas d'entrée, le visiteur pénètre dans un premier espace spectaculaire, un atrium sur toute la hauteur du bâtiment, intégrant un escalier en béton dont le dessin et l'exécution sont tout simplement remarquables, et deux généreuses terrasses-balcons qui permettent de contempler le travail juste, "savant et magnifique" de l'architecte, sur le vide, les percements, la matière et la lumière.
Question matière, l'architecte a mis en évidence la façade intérieure originelle composée de briques rustiques dans des tons allant du sable très clair à différentes nuances d'ocre, dans un appareillage à joints creux d'une discrète subtilité : un module plus petit tous les six rangs (à moins qu'il ne s'agisse d'un changement de sens de la pose  de la brique). Il joue du contraste entre ce matériau "imparfait" et le béton méticuleux de l'escalier et des autres surfaces verticales. La matière se compose aussi de verre, avec des garde-corps qui relèveraient presque de l'orfèvrerie tant le dessin et la mise en oeuvre sont d'une délicatesse absolue, et de bois disposé en lamelles en sous-face du plafond de l'atrium.
La lumière est le complément de la matière, et un élément avec lequel Ando sublime ses œuvres minimalistes, comme dans un haïku architectural. Elle s'invite dans l'espace par les baies vitrées de la façade mais aussi par des dispositifs plus discrets, comme des fentes verticales placées judicieusement afin d'apporter une beauté supplémentaire aux surfaces effleurées.
Trois espaces d'exposition complètent la visite. Le thème de l'exposition actuelle est tout simplement : "Tadao Ando and Le Corbusier. Masters of Architecture." Ainsi au 1er niveau le visiteur peut retrouver des dessins et des maquettes des chefs d'oeuvre du Corbu, et aussi un remarquable travail des étudiants d'Ando qui ont réalisé de minuscules maquettes de l'intégralité des projets (construits ou non) du Maître de Rondchamp.
Le second niveau est pour une grande partie occupé par une splendide maquette de l'île de Naoshima au Japon figurant les différents projets d'Ando inscrits dans le relief tourmenté de l'île. Un film projeté sur le mur au-dessus de la maquette plonge le visiteur dans l'atmosphère singulière de cette île où l'art contemporain est roi.
Le troisième et dernier niveau est consacré aux œuvres de l'architecte japonais au Etats-Unis dont le Musée d'art moderne de Fortworth (Texas) et la Fondation Pulitzer pour les arts à Saint-Louis (Missouri) avec, une fois encore encore, de très belles maquettes, des dessins et des peintures qui permettent de suivre le cheminement de l'artiste dans son projet.

Le 659 Wrigthwood St va devenir assurément une destination favorite pour tous les admirateurs d'Ando, et au-delà, pour tous les amateurs de lieux uniques (ça devrait faire beaucoup !).

A noter que si la visite est gratuite, il est impératif de s'inscrire au préalable sur le site  www.wrightwood659.org, le musée souhaitant à juste titre limiter le nombre des visiteurs en simultanée afin que chacun puisse profiter au mieux de l'esprit du lieu.

Et pour avoir de plus belles photos et un autre regard suivre le lien ICI






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