jeudi 30 septembre 2010

Dans quel pays sommes-nous ?

Mardi matin, avenue des Champs-Elysées aux abords du carrefour avec l'avenue de Marigny (celle qui conduit à l'Elysée). Deux feux distants de 200 à 300 m. Premier feu : 2 jeunes noirs et une jeune fille ; tous les trois équipés d'un gilet fluo vert, d'une tablette et d'un stylo. Ils attendent que les voitures s'arrêtent au feu pour se précipiter vers les conducteurs et leur proposer un questionnaire. On les voit qui griffonnent à toute allure sur leur feuille de papier fixée à la tablette. Et puis le feu passe au vert. Les voitures démarrent à fond comme il se doit et les jeunes n'ont plus qu'à tenter de regagner au plus vite les trottoirs en courant et en se faufilant entre le flot des voitures qui dévalent à présent en trombe l'avenue. Second feu : encore deux jeunes noirs, mais cette fois-ci il y a avec eux un homme d'origine maghrébine d'une cinquantaine d'années. Même gilet fluot vert, même tablette et stylo. Et même scénario. Attente de l'arrêt des voitures. Ruée vers les chauffeurs. Recueil précipité des données. Les voitures redémarrent. On s'écarte et on tente de ne pas se faire renverser en se rapatriant fissa vers le trottoir...
De quel questionnaire s'agit-il ? Quel sondage mérite un exercice aussi stupide et dangereux ?
Quelques minutes plus tard sur la voie sur berge. Avant de plonger sous le tunnel des Tuileries, le SDF qui "loge" sur une grille d'aération sur le trottoir est de retour. Il a du y passer la nuit. Caractéristique : il n'a pratiquement jamais de couverture. Même quand il pleut. Il y a largement plus d'un an qu'il vit la, sur ce bout de trottoir indigne.
Sortie du tunnel des Tuileries. Sur le bas côté de la voie rapide, il y a un escalier en pierre qui permet d'accéder au quai François Mitterrand et au Pont Neuf. Sur cet escalier encore deux jeunes noirs. Equipés du même gilet fluo. Cette fois ils ont un appareil enregistreur devant la bouche. Ils ont les yeux fixés sur le flot continu des voitures et parlent dans leur appareil. Que comptent-ils ? Que repèrent-ils ? Les marques de voiture ? Les conducteurs seuls ou accompagnés ? Les femmes ? les hommes ? Les blancs ? Les noirs ? J'oubliais : derrière eux il y a un homme d'un certain âge ; leur chef probablement ; il ne fait rien, il contrôle sans doute. Il est blanc.
J'oubliais encore : grille d'aération, cette fois celle en haut de l'avenue de la Grande-Armée avec vue imprenable sur le rond-point de l'Arc de Triomphe, à ras du bitume et des pavés (mieux encore que celles que l'on peut avoir depuis les hôtels particuliers de la contre-allée circulaire) ; une femme ensevelie sous une bâche en plastique entourée d'immondices tout autour d'elle ; un caddie débordant de rebus et de déchets de toute sorte semble abandonné.
Précision : je sais que c'est une femme car il y a plusieurs semaines, je l'ai vue ; cinq ou six flics l'entouraient - à une certaine distance quand même !- et l'obligeaient sans doute à évacuer cette place de rêve...
Dans quel pays sommes-nous ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire