vendredi 10 septembre 2010

Ménilmontant

Ménilmontant. Je devrais venir plus souvent à Ménilmontant. Le monde, le vrai, est là, avec ses terrasses garnies d'un soleil tranquille de septembre et de gens qui se sentent d'ici et qui viennent d'ailleurs. Tout le monde vient "d'ailleurs", et pas seulement dans ces quartiers ; c'est une évidence. Ça crève les yeux. Si ça ne crève pas les yeux, alors il y a risque de consanguinité. A vous de choisir !
Une femme en boubou multicolore, et puis des jeunes sans casques qui font pétarader leurs mobylettes, un type en Marcel dont les bras sont tatoués sauvagement qui sort d'une porte cochère et porte avec indolence une natte comme une queue de rat sur le dos et une chaise en bois peint (il va où ?) ; une ruelle oubliée conquise par des tags sauvages et qui doit accueillir les soirs d'été des barbecues (sauvages forcément), une galerie d'art brut qui annonce son arrivée prochaine dans un ancien dépôt de pièces détachées, des types ordinaires qui ne semblent rien demander sinon de vivre pénards ; sur les boulevards des faux cerisiers aux greffes maladroites plantés au milieu d'un disque de terre, et des acacias fleuris comme des couronnes de mariée. Des immeubles qui se foutent pas mal de l'esthétique règlementaire et qui, de fissures apparentes en enduits cloqués, de cages à serins sur le rebord de la fenêtre en terrasses improvisées, assument leur physique ingrat, libérés d'une charte de catalogue du prêt-à-habiter. Une densité moindre de boutiques franchisées (mais hélas, on pressent la contamination rampante), de celles qui lobotomisent l'ambiance de nos paysages urbains ; voilà aussi la marque de l'authenticité. Je devrais venir plus souvent à Ménilmontant.


Deux petits bonheurs aujourd'hui (en plus de Ménilmontant) : la lecture - je devrais dire, le parcours - d'un livre de photographies "Paris Journal" de Raymond Depardon, et l'écoute d'une "lecture", celle d'une pièce en préparation, "L'hôtel des roches noires" dans un petit théâtre, rue des Plâtrières, précisément à Ménilmuche.

De la tendresse, de l'émotion, de la mélancolie, des petites choses, des choses simples (qui sont si grandes et si simples parfois qu'elles nous submergent), la vie, la mort, le noir et le blanc, de l'essentiel, de la beauté, une attention du regard, une musique, des lieux que l'on voudrait abandonner et qui rechignent à perdre la mémoire, bref : de la poésie. Ce qu'on pourrait appeler : un certain enchantement.
Et sur la table rouge cerclée de métal doré du café, la couverture du "Monde Magazine" avec la photo grotesque et pitoyable d'un homme qui préside aux destinées de l'Italie, pays de culture et d'histoire : Silvio Berlusconi, sous le titre : "Europe, la droite sans complexe". Comment peut-on faire confiance à un homme dont le visage n'est qu'un mensonge : implants capillaires, teinture, Botox à tous les étages, dentition artificielle, ... ?

Il faudra que je reparle de "L'hôtel des roches noires".

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