Ici on tente de s'exercer à écrire sur l'architecture et les livres (pour l'essentiel). Ça nous arrive aussi de parler d'art et on a quelques humeurs. On poste quelques photos ; celles qu'on aime et des paréidolies. Et c'est évidemment un blog qui rend hommage à l'immense poète et chanteur Léonard Cohen.
jeudi 27 octobre 2011
V.S. NAIPAUL
J'aime cette phrase :
"Le monde est ce qu'il est. Les hommes qui ne sont rien, qui s'autorisent à n'y être rien, n'y ont pas leur place."
et cette autre :
"Le matériau d'un écrivain de fiction est limité à ce qu'il connait intimement, à ce avec quoi il a grandi."
Contre tous les fanatismes !
On assiste actuellement à une montée des fascismes et des fanatismes partout dans le monde. La France ne semble pas être épargnée, et en particulier Paris, et plus précisément le Théâtre de la Ville où chaque soir, des extrémistes catholiques tentent de perturber le spectacle "Sur le concept du visage du fils de Dieu », de Romeo Castellucci.
Je ne suis pas allé voir la pièce. Je le regrette car j'aurais aimé être plus pertinent dans mon propos. Mais peu importe pour l'essentiel : s'indigner contre la censure imbécile et dangereuse, et contribuer à ne pas laisser l'épidémie grise se propager comme un cancer dans la société.
Vous pouvez apporter votre soutien en allant à l'adresse suivante :
comite-de-soutien-castellucci@theatredelaville.com
lundi 24 octobre 2011
Des vies d'oiseaux
Encore une magnifique écriture que celle de Véronique Ovaldé qui, avec "Des vies d'oiseaux" (sélectionné au Goncourt), nous livre une histoire assez romantique dans laquelle elle met en scène plusieurs "oiseaux" qui s'échappent, pour certains de leur cage dorée, pour d'autres d'une certaine misère existentielle, afin de vivre une vie choisie, libre.
Le roman commence comme un polar puisqu'il y a un policier, le lieutenant Taïbo "...un homme long et maigre, d'une maigreur de fruit sec - quelque chose qui n'est en rien appétissant mais dont le peu de chair recèle un sucre acidulé. Les joues étaient creuses et les pommettes saillantes, ce type d'homme a le visage hâlé, de mauvaises dents et le regard perçant, c'était un visage et un corps de paysan pauvre,...", appelé par une dame du quartier chic de Villanueva qui veut lui signaler qu'elle a découvert que des personnes s'étaient installées dans leur magnifique villa pendant leur absence. A proximité, d'autres villas de riches propriétaires ont connu les mêmes intrusions. La dame chic, Mme Vida Izarra, est mariée avec un nouveau riche, Gustavo (golf, 4x4 aux vitres fumées,...), et parait s'ennuyer fermement dans sa villa de la "colline dollar". Elle a également une fille unique, Paloma. Il se trouve que Paloma a disparu... Taïbo va enquêter et interroger Vida. Vida est une très belle femme qui détonne dans ce milieu guindé et suffisant de mâles m'as-tu-vu qui ressemblent à des skippers à longueur d'année. C'est qu'elle vient d'un village de la montagne, Irigoy, dans lequel une légende rapporte que "des indiens copulaient avec des chiens et que les bestioles qui étaient nées de leurs amours déviantes vivaient dans des grottes vers le nord."
A vous !
dimanche 23 octobre 2011
La maison Carré, oeuvre unique d'Alvar Aalto
A moins d'une heure de Paris, dans les environs de Rambouillet, la maison que le célèbre architecte finlandais, Alva Aalto, a dessiné dans les années 50 pour le marchand d'art Louis Carré, mérite une visite ; et ce pour au moins deux raisons. La première : il s'agit d'une très belle maison désormais ouverte au public. La seconde : c'est la seule œuvre construite en France d'Aalto.
Il est recommandé de la programmer les jours où le soleil permet ce "jeu correct, savant et magnifique sur les volumes", selon la formule de Le Corbusier ; lequel fut jugé un peu trop radical dans son approche architecturale par Carré quand celui-ci décida de se faire construire sa maison, à proximité de celle de son ami Jean Monnet (visitable également, mais dans un style "chaumine").
L'accès à cette belle demeure perchée sur un terrain qui, il y a 60 ans, offrait une très belle perspective sur la campagne (aujourd'hui masquée par les arbres) , s'effectue par une allée gravillonnée qui ondule dans un bois de chênes et de châtaigniers, gardienne du souvenir du crissement aristocratique des pneus de la Bentley de Monsieur.
Il ne s'agit pas d'un manifeste architectural au sens d'une Villa Savoye* ou de la Villa Cavroix**. L'extérieur de la maison est loin d'être spectaculaire. Son toit ardoisé à très faible pente, sans réel intérêt sinon le dessin des cheminées, est même un peu trop présent à distance. Tout est dans le détail, l'attention à la lumière, le design du mobilier intérieur (jusqu'à la moindre poignée de porte).
Cette maison fut habitée jusqu'en 2002, à la mort d'"Olga" (qui s'appelait en fait Germaine), la 3ème et dernière épouse de Louis Carré. Si bien qu'elle se présente dans un très bon état (la maison... pas la veuve !...; à l'exception de la piscine qui devrait faire l'objet d'une prochaine restauration).
Les principaux matériaux sont le bois (on devrait dire "les" bois), le cuivre, la pierre pour les extérieurs (avec une texture entre le marbre et le calcaire), et la brique peinte de couleur blanche.
Dès l'entrée on retrouve le thème de la vague (Aalto signifie "la vague" en Finlandais) que l'architecte utilise pour amplifier l'espace et orienter le regard vers la perspective du salon et, au-delà et à travers les très grandes baies vitrées, la campagne. A noter que la surface de cette vague est constituée de lattes de pin finlandais dont l'exécution est particulièrement précise. Aalto a exigé que ce soit des artisans finlandais qui viennent la réaliser !
La maison ne comporte que deux étages. Au rez-de-chaussée se situent les pièces du propriétaire et de ses invités (juste une chambre double). Curieusement le 1er étage était réservé aux domestiques.
Dans la salle à manger, le travail d'Aalto sur la lumière s'effectue par le haut et avec un dispositif de captation et de diffusion douce de la lumière ; d'une manière comparable à celui que l'on retrouve dans certains musées. Il faut dire que la conception de cette maison (hauteurs de murs, maîtrise de la lumière naturelle, positionnement et conception des lampes) répondait au souci de Carré de pouvoir accrocher de nombreuses toiles, dont certains grands formats : Bonnard, Léger, Picasso, Dufy, Klee, Bazaine, ...
Chaque année les Carré organisaient une fête réunissant plusieurs centaines de convives (privilégiés !). Mais de nombreuses personnalités (en particulier des artistes et des écrivains) fréquentaient d'une manière plus intime la Villa de Bazoche comme en témoigne le Livre d'or de la maison : Miro, Sonia Delaunay, Duchamp,l'éditeur Paul Hazan, ...
La formule "Dieu est dans le détail" s'applique assez bien à cette maison, bien qu'il y ait quelques défauts. Mais, comme l'écrivait Aalto : "...si vous désirez ma bénédiction sur votre logis, il faut qu'il y ait encore une qualité : vous devez par un petit détail vous y révéler, quelque part dans les formes de votre foyer doit apparaître volontairement une faiblesse, votre faiblesse."
Comble de la félicité, Louis Carré disait de sa collaboration avec Aalto : "Nous nous sommes merveilleusement bien entendus, et nous nous entendons toujours très bien."
* œuvre de Le Corbusier à Poissy (95)
** œuvre de Mallet-Stevens à Croix (59)
Docks en Seine : docks (toujours) en rade ?
Elle apparait comme une curieuse élaboration qui peut évoquer une excroissance parasitaire - une sorte d'Alien ? - qui serait venue s'emparer des vestiges de l'ouvrage centenaire de Georges Morin-Goustiaux.
Au ciment gris armé originel d'une rigueur ultra-fonctionnaliste, les architectes Dominique Jakob et Brendan MacFarlane ont choisi d'opposer un "Plug-over*" déconstructiviste métallique de 90 tonnes, vert-pomme.
Sur sa façade côté Seine, elle a un petit air de sauterelle (ou de mante religieuse, selon l'humeur) ; pour d'autres, le registre serait plutôt reptilien - le "lézard vert" -, jusqu'au "truc vert", issu de l'imagination lapidaire d'un certain Nicolas Sarkozy.
C'est peu dire que le bâtiment ne fait pas l'unanimité ! Il semble même maudit, puisque l'ouverture annoncée au printemps 2008 n'a eu de cesse d'être repoussée. "Docks en Seine est en rade" titrait le JDD en février 2011. On nous annonce aujourd'hui une mise à flots pour 2012...
Mais le bâtiment qui devait accueillir ce grand projet de "Cité de la Mode et du Design" (rebaptisée "Docks en Seine"), mérite-t-il un tel acharnement critique ? Certainement pas. Le parti architectural est excellent : déporter les circulations sur la façade fluviale (parcours attractif du visiteur, espace perçu comme dynamique depuis le fleuve) ; donner une terrasse accessible comme un immense balcon sur la Seine ; disposer de plateaux les plus libres possible afin d'accueillir la grande cité de la mode que ses promoteurs avaient imaginées ; travailler sur la trame d'origine en proposant une plastique contemporaine.
A l'arrivée, si les circulations gardent un réel attrait, on peut reprocher le manque d'élégance finale de la structure treillis porteuse ; le dessin-même (le design ?) de l'ensemble aurait pu être totalement exempt d'un "je-ne-sais-quoi" un peu maladroit qui aurait pu éviter les comparaisons entomologiques ; le balcon a la pelade et ressemble plus à un paillasson fatigué qu'aux "greens" des panneaux du concours ; les plateaux restent tellement libres qu'ils sont le plus souvent déserts. Ce projet serait-il une victime des "PPP**" ?
Mal servi par sa réalisation et mal desservi par les transports, accablé par une commercialisation visiblement désastreuse, ce bâtiment dispose pourtant de réels arguments pour représenter le nouveau pôle d'attraction d'une capitale légèrement confite dans des clichés façon "Amélie Poulain".
A l'intelligence du parti déjà évoquée, il y avait cette possibilité de créer par une architecture subversive un évènement qui secoue enfin les berges de la Seine, comme Beaubourg en son temps a su déclencher un électrochoc (salutaire) au cœur du Paris historique. (Ne me faites pas dire que les quais de la Seine ne sont pas un miracle, et que le cœur de Paris - à défaut de ventre - est sans charmes). Mais vide, déserté avant d'avoir été réellement habité, le vaisseau vert reste tristement à quai.
Heureusement, la nuit lui redonne l'allure d'une immense (200 m) et étrange fibule d'émeraude. Heureusement, les matins purs produisent ces millions d'éclats de lumière sur les vaguelettes du fleuve qui viennent se refléter sur la maille métallique. Heureusement, même de jour, on peut trouver un certain enchantement aux contrastes d'un béton brutal et d'un métal qui semble refuser de se laisser domestiquer.
On se laisse alors à rêver qu'il suffirait seulement que ce bâtiment soit habité...
Mais attention : Fugit irreparable tempus !...
* Plug-over, par référence au "plugin" informatique qui désigne un module d'extension, un greffon, sur un logiciel de base
** PPP : Partenariat Public Privé, mode de contractualisation qui fait débat dans le monde de la conception architecturale par le fait que l'enjeu financier est (le plus ?) souvent déterminant.
mercredi 19 octobre 2011
La douleur
"La douleur" est un texte de Marguerite Duras qui est actuellement joué par Dominique Blanc au Théâtre de l'Atelier (Paris 18ème).
Ce n'est pas à proprement parler un spectacle "divertissant".
Une femme, au lendemain de la seconde guerre mondiale, attend le retour de son homme qui a été déporté ; il revient enfin, il est l'un des rescapés (un sur 100 ?, un sur 500 ?). Elle va devoir prendre en charge un être qui a connu l'enfer, qui pèse une trentaine de kilos, qu'il faut assister pour lui faire manger de la bouillie de bébé et pour l'amener plusieurs fois par jour sur sa chaise hygiénique afin qu'il chie des litres de merde verte et gluante d'une "odeur inhumaine", ...
Texte à la limite du soutenable par instants. Mais au-delà des mots (et grâce aux mots), c'est une réflexion sur la déchéance physique et l'amour, l'indicible amour, qui permet de transcender ce qui peut être considéré comme un vertige inéluctable de la vie.
dimanche 16 octobre 2011
L'accordeur de silences
L’accordeur de silences, c’est Mwanito, le plus jeune des deux fils de Sylvestre, dont la présence silencieuse à ses côtés lui permet de le tenir éloigner de souvenirs emplis de la douleur de la mort d’Alminha, sa femme.
Jésusalem, c’est ce lieu du bout du monde africain – une ancienne réserve de chasse – où Sylvestre, devenu fou, a choisi d’enfermer la communauté de ses proches - ses deux fils, un beau-frère, un domestique et une ânesse -, prétendant que le reste de l’humanité n’existe plus.
C’est en grande partie dans ce huis-clos absurde que Mia Couto, l’auteur mozambicain, déroule cette histoire aux accents de saudade, où les enfants tentent de faire resurgir un passé hanté par la figure de la mère, au risque de déclencher la fureur paternelle.
Derrière toute cette absurdité, toute cette détresse, cette folie, il y a plusieurs secrets, dont celui – terrible – de la perte d’Alminha, que la fin du récit nous révèle.
Ecrit dans une langue pleine d’une poésie onirique qui évoque par instants celle des griots, « L’accordeur de silences » est un livre profond, insolite, dans lequel la femme au travers du prisme de l’imaginaire masculin est tour à tour mythifiée, redoutée, apaisante, soumise, forte, inaccessible, initiatrice, aimée, amante, mère et maîtresse.
Mia Couto a 56 ans et il enseigne l’écologie à l’université de Maputo. PLC, qui m’a fait découvrir cet écrivain, le tient pour l’un des plus intéressants et importants d’Afrique. J’aurais tendance à le croire.
mercredi 12 octobre 2011
Une nouvelle jeunesse pour les impressionnistes d'Orsay
Ce mercredi 12 octobre, vernissage des nouveaux espaces du musée d'Orsay, en particulier la galerie impressionniste rénovée par Jean-Michel Wilmotte, et les 2000 m2 consacrés aux arts Décoratifs, conçus par l'Atelier de l'Ile. Ne pas oublier la métamorphose très trendy du Café de l'Horloge par les frères Campana (Non ! Pas Cantona!). Wilmotte démontre qu'il sait faire du Wilmotte à budget serré. Le verre et le métal chic dont il est passé maître en matière d'assemblage zen est réservé à quelques rares vitrines encore désertes. Le bois sombre est bien là, mais uniquement sur le sol. Les murs sont peints dans une teinte uniforme et mate, un bleu-nuit aux accents légèrement violets, rehaussant la beauté des chefs d'œuvre présentés.
La maîtrise de la lumière est parfaite : éclairage naturel zénithal contrôlé par un dispositif simple de panneaux bois ajourés ; éclairage sans défauts des tableaux par des spots habilement dissimulés dans des gorges du faux-plafond. Intégration élégante des dispositifs de traitement des ambiances thermiques invisibles pour le profane.
En somme, une réalisation sobre et précise, bon-goût-bon-ton, sans surprises mais juste, conçue pour les œuvres plutôt qu’au service de l’architecte. Le génie de Manet, Degas, Monet, Pissarro, Sisley ou Cézanne est admirablement mis en valeur. Que faut-il demander de plus ? Quand même, une petite fantaisie dans cet univers sous contrôle : les bancs en verre et piétements en acier poli du designer Tokujin Yoshioka, dont on peut juste regretter qu'ils produisent sur certaines toiles (et selon certains angles) des reflets indésirables ; mais tout ceci n'est sans doute qu'une affaire de réglage.
Avec le Café de l'Horloge on bascule dans un tout autre univers. Résumé : flashy, branché, un espace qui fera le buzz! Luminaires en métal doré, cloisons légères en plastique imitation corail, murs en argent cabossé, chaises à pastilles bleu turquoise, le tout sous les charpentes industrielles de l'ancienne gare et le regard intrigué de la très grosse pendule Buster Keaton : un petit air de Murakami revisité par le Brésil des frères Campana ?
Rien à dire sur les espaces de l'Atelier de l'Ile : la contemplation sereine - exempte des hordes de touristes - des iconoclastes du Second Empire ayant constitué un instant tellement rare et précieux, qu'il a dévoré tout le temps accordé aux nourritures spirituelles.
On reviendra!
La maîtrise de la lumière est parfaite : éclairage naturel zénithal contrôlé par un dispositif simple de panneaux bois ajourés ; éclairage sans défauts des tableaux par des spots habilement dissimulés dans des gorges du faux-plafond. Intégration élégante des dispositifs de traitement des ambiances thermiques invisibles pour le profane.
En somme, une réalisation sobre et précise, bon-goût-bon-ton, sans surprises mais juste, conçue pour les œuvres plutôt qu’au service de l’architecte. Le génie de Manet, Degas, Monet, Pissarro, Sisley ou Cézanne est admirablement mis en valeur. Que faut-il demander de plus ? Quand même, une petite fantaisie dans cet univers sous contrôle : les bancs en verre et piétements en acier poli du designer Tokujin Yoshioka, dont on peut juste regretter qu'ils produisent sur certaines toiles (et selon certains angles) des reflets indésirables ; mais tout ceci n'est sans doute qu'une affaire de réglage.
Avec le Café de l'Horloge on bascule dans un tout autre univers. Résumé : flashy, branché, un espace qui fera le buzz! Luminaires en métal doré, cloisons légères en plastique imitation corail, murs en argent cabossé, chaises à pastilles bleu turquoise, le tout sous les charpentes industrielles de l'ancienne gare et le regard intrigué de la très grosse pendule Buster Keaton : un petit air de Murakami revisité par le Brésil des frères Campana ?
Rien à dire sur les espaces de l'Atelier de l'Ile : la contemplation sereine - exempte des hordes de touristes - des iconoclastes du Second Empire ayant constitué un instant tellement rare et précieux, qu'il a dévoré tout le temps accordé aux nourritures spirituelles.
On reviendra!
dimanche 9 octobre 2011
Blogueurs sans bagages
"Désintégrer les intégrateurs !"
J'ai pu participer à la conférence de Rudy Ricciotti le 8 octobre dernier. J'ai trouvé un texte sur LeMoniteur.fr d'un certain "Guardare". Je me permets de le reproduire ci-dessous, car je n'ai pas mieux !
L’architecte Rudy Ricciotti avait « Carte Blanche » hier soir au salon Architect@work, à l’invitation de l’association Archinov. Malgré une logistique défaillante en début d’intervention - errements que le conférencier a fustigé comme l’exemple même d’une bureaucratie envahissante - la performance a bien eu lieu, et l’artiste fut à la hauteur de sa réputation. Pas tant celle, sulfureuse, qui le précède dans toutes ses interventions publiques (et qui semble l’agacer). Il aime d’ailleurs rappeler qu’il est père de trois enfants (et grand-père), patron de PME et qu’il paie honnêtement et dignement ses collaborateurs chaque premier du mois. Il revendique la condition d’être simplement un homme qui refuse d’abdiquer face au «déchainement de violence» qu’il observe dans son métier. Donc, devant une salle pleine à craquer et plutôt acquise au pourfendeur des «Renards du temple», le pirate sudiste à la tronche de gitan a épaté son monde.
Le Grand prix national de l’architecture 2006 a commenté, tour à tour avec humour, détachement et férocité, une sélection de ses œuvres bâties ou rêvées. Un régal d’intelligence, de sensibilité, de poésie et de folie.
Dans le paysage actuel de l’architecture, Rudy Ricciotti est un personnage unique. Connaissez-vous un seul autre architecte capable d’avouer qu’il a sans douté été préférable que tel ou tel de ses projets ne soit pas retenu ? Parce que, de son point de vue, quasi inconstructible ou simplement délirant ! (Tous ceux que je connais affirment que leur projet était le meilleur et qu’ils ont été classés deuxième parce que…).
Connaissez-vous un seul autre architecte capable de s’autoproclamer en rigolant l’inventeur du poteau en «os de poulet» (les poteaux du Mucem à Marseille)? Connaissez-vous un seul autre architecte qui se targue de maniériste et ose traiter de connerie le slogan d’Adolf Loos «L’ornemention est un crime»? Que l’architecture est épuisée par les questions de l’environnement et de l’urbanisme («Ok, il faut des arbres le long des rues, on le sait tout ça »)? Qui affirme qu’il ne serait rien sans le maçon ou l’ingénieur? Que lui-même, s’il pouvait remonter le temps, choisirait de faire de l’ingénierie? Qu’il n’a absolument rien retenu de l’école (école d’ingénieurs de Genève et école d’architecture de Marseille) et que ce sont les coffreurs, les ferrailleurs, les maçons, les compagnons et les chefs de chantier qui lui ont tout appris ? Qu’il y a une noblesse à ce métier, et qu’elle ne passe pas par l’industrialisation des processus, mais par la consommation de matière grise et d’emplois qualifiés de proximité?
Une intervention longue et riche. Rudy Ricciotti manie l’oxymore avec talent : «Je crois qu’en étant conservateur je suis définitivement un vrai progressiste!».
Ca aurait pu déraper « café du commerce », quand il dénonce la décadence complète d’une époque qui ne croit plus, précisément, que dans le commerce, la communication et la finance («C’est quand même pas ça qui, demain, va nous faire bouffer!», dit-il avec violence) ; ou qu’il pointe d’un doigt vengeur les dispositifs HQE, l’orgie de réglementations, qui ne sont que les avatars d’une «hypertrophie consumériste », lesquels nous conduisent droit dans le mur!
Et bien non : il y avait du «lourd», désolé!
A une question du public sur l’apparition prochaine d’une fonction d’intégrateur dans la profession, Ricciotti propose simplement de «désintégrer les intégrateurs»!
Il y aurait encore beaucoup à dire, mais vous n’aviez qu’à être là! Une question m’a taraudé toute la nuit : faut-il créer d’urgence un comité de salubrité publique et nommer Ricciotti à sa présidence?
En attendant, merci Rudy Ricciotti, pour cette bouffée d’oxygène, cette brise marine bandolaise. Tu n’as pas volé ta légion d’Honneur et ton ordre national du Mérite. Chapeau l’artiste!
Guardare
L’architecte Rudy Ricciotti avait « Carte Blanche » hier soir au salon Architect@work, à l’invitation de l’association Archinov. Malgré une logistique défaillante en début d’intervention - errements que le conférencier a fustigé comme l’exemple même d’une bureaucratie envahissante - la performance a bien eu lieu, et l’artiste fut à la hauteur de sa réputation. Pas tant celle, sulfureuse, qui le précède dans toutes ses interventions publiques (et qui semble l’agacer). Il aime d’ailleurs rappeler qu’il est père de trois enfants (et grand-père), patron de PME et qu’il paie honnêtement et dignement ses collaborateurs chaque premier du mois. Il revendique la condition d’être simplement un homme qui refuse d’abdiquer face au «déchainement de violence» qu’il observe dans son métier. Donc, devant une salle pleine à craquer et plutôt acquise au pourfendeur des «Renards du temple», le pirate sudiste à la tronche de gitan a épaté son monde.
Le Grand prix national de l’architecture 2006 a commenté, tour à tour avec humour, détachement et férocité, une sélection de ses œuvres bâties ou rêvées. Un régal d’intelligence, de sensibilité, de poésie et de folie.
Dans le paysage actuel de l’architecture, Rudy Ricciotti est un personnage unique. Connaissez-vous un seul autre architecte capable d’avouer qu’il a sans douté été préférable que tel ou tel de ses projets ne soit pas retenu ? Parce que, de son point de vue, quasi inconstructible ou simplement délirant ! (Tous ceux que je connais affirment que leur projet était le meilleur et qu’ils ont été classés deuxième parce que…).
Connaissez-vous un seul autre architecte capable de s’autoproclamer en rigolant l’inventeur du poteau en «os de poulet» (les poteaux du Mucem à Marseille)? Connaissez-vous un seul autre architecte qui se targue de maniériste et ose traiter de connerie le slogan d’Adolf Loos «L’ornemention est un crime»? Que l’architecture est épuisée par les questions de l’environnement et de l’urbanisme («Ok, il faut des arbres le long des rues, on le sait tout ça »)? Qui affirme qu’il ne serait rien sans le maçon ou l’ingénieur? Que lui-même, s’il pouvait remonter le temps, choisirait de faire de l’ingénierie? Qu’il n’a absolument rien retenu de l’école (école d’ingénieurs de Genève et école d’architecture de Marseille) et que ce sont les coffreurs, les ferrailleurs, les maçons, les compagnons et les chefs de chantier qui lui ont tout appris ? Qu’il y a une noblesse à ce métier, et qu’elle ne passe pas par l’industrialisation des processus, mais par la consommation de matière grise et d’emplois qualifiés de proximité?
Une intervention longue et riche. Rudy Ricciotti manie l’oxymore avec talent : «Je crois qu’en étant conservateur je suis définitivement un vrai progressiste!».
Ca aurait pu déraper « café du commerce », quand il dénonce la décadence complète d’une époque qui ne croit plus, précisément, que dans le commerce, la communication et la finance («C’est quand même pas ça qui, demain, va nous faire bouffer!», dit-il avec violence) ; ou qu’il pointe d’un doigt vengeur les dispositifs HQE, l’orgie de réglementations, qui ne sont que les avatars d’une «hypertrophie consumériste », lesquels nous conduisent droit dans le mur!
Et bien non : il y avait du «lourd», désolé!
A une question du public sur l’apparition prochaine d’une fonction d’intégrateur dans la profession, Ricciotti propose simplement de «désintégrer les intégrateurs»!
Il y aurait encore beaucoup à dire, mais vous n’aviez qu’à être là! Une question m’a taraudé toute la nuit : faut-il créer d’urgence un comité de salubrité publique et nommer Ricciotti à sa présidence?
En attendant, merci Rudy Ricciotti, pour cette bouffée d’oxygène, cette brise marine bandolaise. Tu n’as pas volé ta légion d’Honneur et ton ordre national du Mérite. Chapeau l’artiste!
Guardare
mercredi 5 octobre 2011
Jeanne et Marguerite
Dit-on "négresse", pour parler d'une femme qui écrit pour les autres ? Si oui, alors Valérie Péronnet en est une. Mais pas pour "Jeanne et Marguerite" qui est son premier roman à elle. C'est l'histoire en parallèle de deux femmes, à presque un siècle de distance, chacune envahie par l'amour d'un homme, toutes les deux portées, emportées, par une passion que l'auteure nous fait partager en alternant les chapitres, allant de cette relation charnelle, presque de dépendance, de Jeanne, la femme d'aujourd'hui, au rapport tendre, contenu par les convenances et néanmoins bouillant de Marguerite, la femme d'hier.
Les phrases sont courtes, belles. Valérie Péronnet aime les mots, leur composition juste. C'est aussi un livre qu'il faut écouter lire.
"J'aime te parler même quand tu n'es pas là. Chercher les mots et les trouver parfois. J'aime dire avec la peau, recommencer toujours et que rien ne s'émousse. la joie irrépressible. Nos plaisirs mélangés."
Merci à FC qui me l'a fait découvrir.
mardi 4 octobre 2011
Blogueurs sans bagages
Limonov
Quelle idée de vouloir écrire sur le dernier livre d'Emmanuel Carrère ! Tout a déjà été dit dans vos magazines préférés (critiques, résumés du livre, photos de l'auteur, ...). Laure Adler en a fait une critique dithyrambique sur France Culture ; il est pressenti pour le Goncourt.
Et bien, je vais vous dire : "Limonov" est un super bouquin. Il parvient à rendre attachant (mais si !) un personnage particulièrement détestable a priori : fasciste, égotique, prétentieux, violent, névrosé , dont les fréquentations sont épouvantables et, pour la plupart, soit ont été exécutées, soit croupissent en prison. Pourquoi ?
Parce que Limonov, le créateur des "nasbol" (les nationalistes bolchéviques, une parfaite fusion "brun-rouge" entre nazisme et stalinisme) est authentique et fait figure de type "droit dans ses bottes", dans une Russie dont les dirigeants politiques et économiques sont loin d'être des enfants de chœur (euphémisme !).
Que c'est un looser qui se rêvait un destin national - sinon planétaire - et qu'il a eu finalement, comme il le dit lui-même, "une vie de merde" ; mais qu'il n'a jamais vendu son âme (de damné ?) pour améliorer son sort.
Qu'il a un côté "bandit au grand cœur" révolté qui le place systématiquement dans le camp des réprouvés, des laissés pour compte, des misérables (et l'orgie de l'après 91 en a produit des millions).
Et enfin, parce qu'il y a une écriture, celle de Carrère, crue, sans concessions, essentielle, qui vous prend littéralement aux tripes.
Limonov est un oxymore à lui tout seul. Ce mec est un mystère. Un fou, probablement ; un génie, peut-être (chose qui, il faut le reconnaître, n'est pas contradictoire). Un illuminé ? Certainement. Une sorte de damné de la Terre (mais qui se tape des nanas canons). Le dernier défenseur de l'Homo Sovieticus. "C'est plus compliqué que ça" probablement...
Et s'il avait le Renaudot maintenant qu'il a été viré du Goncourt ? Je veux parler de Carrère. Je parie pour. C'est une hypothèse qui doit faire sourire (grimacé ?) Limonov...
Hommage à l'andouille
On connaissait l'andouille de Vire et celle de Guéméné, mais celle du Pontic : nenni ! Et bien, c'est désormais du passé : "on" a dégusté ce week-end au marché de Logonna-Daoulas ce vestige gastronomique qui se reconnait parfaitement à son morceau de lard qui parade au milieu du disque gris de la chair d'andouille. Un tantinet salé, mais subtile !
A gauche, un saucisson à l'ail à se damner (il en existe !).
Merci à F et à M qui, s'ils viennent jusqu'ici, se reconnaîtront...
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