jeudi 24 février 2011

Paradise Lost de Marc TRIVIER


Exposition magnifique du photographe Marc Trivier à la Maison Européenne de la Photographie dans le Marais à Paris. (C'est toujours un régal leurs expos).
Quatre thèmes qui se croisent, dialoguent et ouvrent à une même réflexion : celle de notre regard au temps qui passe (et bien entendu à "l'issue fatale").
Des portraits en noir et blanc de personnes célèbres, la plupart artistes, écrivains, poètes ou dramaturges ; la plupart âgés (un grand nombre sont morts aujourd'hui), assis, les doigts croisés devant eux, l'air plutôt grave (fataliste ?), et sur fond de décor ordinaire (un coin d'atelier, le pied d'un escalier, un banc d'espace public). Ainsi nous regardent : Samuel Beckett et ses mains longues et noueuses comme les racines d'un arbre, Michel Foucault, interrogatif, le regard immense derrière de grandes lunettes, Bram Van Velde, vieillard magnifique que l'on croirait tout droit sorti de Buena Vista Social Club avec son Panama sur les genoux, Jean Genet, petit, accablé et dubitatif sur son banc métallique, et chaussé de curieuses "Dockside", et impressionnant Jean Dubuffet, épuisé, vaincu, comme s'il revenait d'une visite aux enfers.

Tous ces portraits témoignent d'une certaine douleur ; vraisemblablement l'envers (ou le revers ?) de la création, une extrême fatigue issue peut-être des multiples combats face au doute. Coïncidence : dans le même lieu, dans une autre exposition, celle-ci consacrée à l'écrivain Hervé Guibert, on peut lire : "C'est le devoir de l'artiste d'être hors pouvoir. C'est à dire seul avec la folie de son œuvre, avec son entêtement, avec sa prétention douloureuse." Entêtement et prétention douloureuse.
Des portraits de fous dont les regards sont saisissants, ailleurs, battus, résignés,inquiets.

Des scènes prises dans des abattoirs, pour certaines avant les exécutions, où le regard des animaux - quand il n'est pas voilé par un méchant tissu de jute sale - nous gifle d'une détresse terrifiante ; pour d'autres il s'agit des opérations de découpe et dépeçage des carcasses desquelles émanent une bestialité dont l'homme - muni d'un couteau ou d'une hache - est l'acteur présent ou que l'on devine ; d'autres encore mettent en évidence les instruments pensés pour l'organisation rationnelle des exécutions (crochets, rails, tables de découpe, ...). La métaphore est irréfutable.

Enfin, des paysages dont les prises de vues semblent le plus souvent encore ordinaires et qui illustrent des saisons, mais avec une indicible poésie.
Pour les savants, il y a aussi ces tableaux composés de huit photos prises, semble-t-il, sans aucun souci de "mise en scène" ; les choses de la vie en quelque sorte, tous ces "morceaux de nous qui passent" comme le chante Souchon.

1 commentaire:

  1. Vous pouvez trouver un article sur les expostions actuelles de la MEP et notamment de Marc Trivier sur http://blog.paris3e.fr/post/2011/03/30/Herve-Guibert-Jacques-Prevert-Marc-Trivier-Henri-Huet-Maison-Europeenne-de-la-photographie-MEP

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