Découvert ce 31 décembre, c'est sans doute un signe du destin !
Gageons qu'il fera honneur aux festivités insulaires prévisionnelles de l'été 2011...
Ici on tente de s'exercer à écrire sur l'architecture et les livres (pour l'essentiel). Ça nous arrive aussi de parler d'art et on a quelques humeurs. On poste quelques photos ; celles qu'on aime et des paréidolies. Et c'est évidemment un blog qui rend hommage à l'immense poète et chanteur Léonard Cohen.
vendredi 31 décembre 2010
Sukkwan Island
Jim a été dentiste à Fairbanks, marié et divorcé plusieurs fois, coureur de jupons invétéré ; il pleure la nuit et se lance dans des actions le plus souvent foireuses. Sa dernière idée : aller passer plusieurs mois seul avec son fils Roy agé de 13 ans dans une cabane isolée sur une île déserte en Alaska.
L'aventure va assez rapidement se transformer en une succession de galères car Jim est en réalité un vrai paumé de l'existence, immature, sans aucun sens pratique. David Vann, un jeune auteur américain d'une quarantaine d'années récompensé pour ce roman par le Prix Médicis Etranger, parvient à créer avec une écriture simple une tension dramatique où la folie s'installe progressivement dans un décor naturel, froid, forcément hostile pour un apprenti-sorcier et son fils innocent mais le plus lucide.
"Tu crois que tout est parti en vrille quand tu t'es marié avec maman ?" lui demande un jour Roy. "Non, c'est parti en vrille un peu avant, je crois. Mais c'est difficile à dire", lui répond son père.
Et sur Sukkwan Island, la vrille va se transformer en véritable cauchemar...
jeudi 23 décembre 2010
Indignez vous ! (pour ceux qui n'ont pas d'idée de cadeau à mettre sous le sapin : 3€ pour semer une graine)
Plutôt réjouissant de voir qu'à 93 ans on peut encore garder une capacité de révolte intacte contre certaines dérives suicidaires du monde.
Stéphane Hessel, ancien contributeur majeur à l'écriture de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, résistant, déporté, diplomate et philosophe nous livre dans cet opuscule d'une vingtaine de pages quelques raisons de nous indigner. Lui qui commence son propos en disant : "93 ans. C'est un peu la toute dernière étape. La fin n'est plus bien loin.", appelle les jeunes générations à prendre le relais et "à faire vivre, transmettre, l'héritage de la Résistance et ses idéaux."
L'instruction la plus développée pour tous, la liberté de la presse, une plus grande égalité sociale, l'intérêt général qui doit primer sur les intérêts privés, celui du monde du travail contre celui de l'argent, le traitement fait aux émigrés, autant de thèmes qu'Hessel souhaiterait voir se substituer comme préoccupations majeures aux seuls horizons proposés aujourd'hui à la jeunesse : "la consommation de masse, le mépris des plus faibles et de la culture, l'amnésie générale et la compétition de tous contre tous."
Peut-être faudrait-il encore davantage de démonstrations, d'exemples de la nécessité d'une mobilisation en faveur de l'"insurrection pacifique" pour convaincre les indifférents ("la pire des attitudes").
Mais, selon le dicton: On ne peut pas forcer à boire un âne qui n'a pas soif !
mardi 21 décembre 2010
Purge
Prix Fémina Etranger, Purge est un roman dont certains passages sont "terribles", au sens douloureux du terme. L'histoire se déroule pour l'essentiel en Estonie, le plus septentrional des 3 Pays Baltes qui ont défié l'URSS en réclamant leur indépendance a la fin des années 80, avant l'écroulement de l'empire soviétique. Elle comporte de nombreux va et vient entre le passé et le présent qui lèvent progressivement le voile - jusqu'aux toutes dernières pages - sur les drames du roman.
L'histoire de l'Estonie - utilement rappelée a la fin du livre - est une suite d'invasions, d'occupations, de guerres de libération avec la cohorte des drames humains et des atrocités qui, inévitablement, les accompagnent. Des atrocités, le roman de Sofi Oksanen en délivrent au lecteur jusque parfois la nausée. Mais il n'y a ici aucune complaisance douteuse ou malsaine. La cruauté de certains faits rappellent que l'homme peut être un loup pour l'homme ; voire pire surtout si la victime est une femme...
Plusieurs thèmes traversent le roman et en particulier celui de l'amour-fou, de la jalousie extrême et du sacrifice. Le style s'adapte parfaitement aux variations d'intensité du récit qui navigue entre un passe lourd, complexe, et le présent très souvent d'une dureté absolue.
Il n'est pas possible de raconter ne serait-ce qu'un peu de l'histoire sans risquer de trop en dévoiler. Juste dire qu'un matin, une femme qui habite seule en bordure de la foret aperçoit dans son jardin un "ballot" qui "avait quand même l'air d'être de ce monde (...), il était de taille humaine.(...) Le ballot était une fille."
Extraits (pour la beauté du style) :
"Les rides avaient aspiré ses joues a l'intérieur de la boite crânienne, comme s'il avait le visage étroitement ligoté."
"(elle) fut projetée au milieu d'un groupe qui attendait a l'arrêt, au milieu des minijupes et des bas blancs des filles de bonne famille qui dégageaient a la fois une odeur d'innocence et d'avortement, leurs ongles rouges griffaient familièrement l'obscurité et l'avenir."
L'ambiance du livre est semblable par moments à celle de "Breaking the waves" de Lars Von Trier. Âmes sensibles : prudence !
lundi 20 décembre 2010
Tendance
Philosophie immobilière
Humour ? Cynisme ? Oxymore assurément.
Ci-dessous copie d'un bristol d'invitation à un Forum d'une des agences immobilières les plus importantes de la place. Le thème sera "Le sens des valeurs" et Luc Ferry en sera l'invité vedette... ("exceptionnel" !). Le même forum avait jadis invité Mr S. et l'an dernier Eric Orsenna (de l'Académie française) avait cachetonné ! On attend Allègre dans les années qui viennent !
Petit décryptage :
- valeur = valeur vénale (prix de base d'un immeuble) ou valeur locative (le loyer), ou valeur résiduelle
- sens : il s'agit essentiellement de l'olfactif (sentir l'argent bien que - soi-disant - il n'ait pas d'odeur)
Évidemment "Everybody Knows" vous fera un commentaire détaillé du message philosophique délivré par notre Mr. Ferry.
dimanche 19 décembre 2010
Art et Ingénierie
Un avant-gout de la Fondation Louis Vuitton pour l'art contemporain qui est en train de se construire dans le Bois de Boulogne, en bordure du Jardin d'acclimatation.
Avant que l'œuvre architecturale soit parachevée et que les œuvres d'art ne prennent place dans les espaces imaginés par F.O. Gehry, l'architecte du Guggenheim de Bilbao et du Marques de Riscal, les ingénieurs se sont exercés également à quelques simulations complexes aux allures psychédéliques.
Avant que l'œuvre architecturale soit parachevée et que les œuvres d'art ne prennent place dans les espaces imaginés par F.O. Gehry, l'architecte du Guggenheim de Bilbao et du Marques de Riscal, les ingénieurs se sont exercés également à quelques simulations complexes aux allures psychédéliques.
samedi 18 décembre 2010
L'homme qui aimait les chiens
Le 22 aout 1940, Ramon Mercader del Rio - alias Jacques Mornard, alias Frank Jacson - assassinait sur ordre de Staline le Proscrit Lev Davidovitch - alias Trotski, alias "Le Canard" - en lui transperçant le crâne avec le pic d'un piolet, dans sa résidence-forteresse de Coyoacan dans les faubourgs de Mexico.
Un soir de mars 1977, sur la plage de Santa Maria del Mare à la Havane, Ivan Cardenas Maturell, correcteur dans une revue vétérinaire après avoir été l'un des jeunes espoirs de la littérature cubaine, rencontre Jaime Lopez, un vieil homme d'origine espagnole d'environ 70 ans qui se promène sur la plage en compagnie de deux lévriers russes - des barzoïs.
Celui qu'Ivan va désigner comme "L'homme qui aimait les chiens" va bientôt lui raconter l'histoire dramatique de Ramon Mercader, son ancien ami, qu'il a connu pendant la guerre d'Espagne, et qu'il a revu à Moscou quelques temps avant sa mort. "Je t'ai demandé de venir aujourd'hui parce que je veux te raconter cette histoire, Ivan (...). C'est une histoire terrible."
15 ans plus tard, Ivan se décidera enfin à coucher sur des notes le récit qu'il a entendu de "l'Homme qui aimait les chiens".
Léonardo Padura, l'auteur d'un précédent roman splendide : "Les brumes du passé" (Cf article ante 17/10/10) , revisite une nouvelle fois l'Histoire et plus particulièrement le Stalinisme. Il met en scène la victime - Trotski - et son bourreau - Mercader -, tous les deux progressant vers un destin tragique partagé, totalement manipulé par un monstre dont ils seront deux victimes parmi des millions d'autres.
Le décor est immense, des confins de la Siberie au Mexique, en passant par les étapes de l'exil du "Canard" : la Turquie, la France, la Norvege. La fresque historique, avec ses accents picaresques, est d'une très grande richesse : la guerre d'Espagne ou Mercader accepte sa condition d'instrument fanatique, les procès truqués et sanguinaires de Moscou par lesquels Staline va tenter d'effacer la mémoire de ses crimes, la montée du nazisme en Europe ; toutes choses que Trotski doit se contenter d'observer depuis ses lieux d'exil, toujours plus marginalisé et calomnié par la propagande stalinienne.
Le roman - Padura insiste sur le fait que son récit est romancé bien qu'historiquement très bien documenté et fidèle aux évènements - est parcouru par une galerie de personnages qui sont tous, peu ou prou, des pantins pris dans le piège gigantesque d'une utopie détournée. "Cette histoire (...) C'était la chronique même de l'avilissement d'un rêve et un témoignage sur l'un des crimes les plus abjects jamais commis, non seulement parce qu'il affectait le destin de Trotski, après tout concurrent de ce jeu pour le pouvoir et protagoniste de nombreuses atrocités historiques, mais aussi celui de millions de gens entraînés - malgré eux, bien souvent sans que personne ne se souciät de leurs désirs - par le ressac de l'histoire de la folie de leurs maîtres déguisés en bienfaiteurs, en messies, en élus, en héritiers de la nécessité historiques et de la dialectique incontournable de la lutte des classes..."
Mais ce "gros" livre (670 pages) va bien au-delà de la simple condamnation d'un système dont Padura a du subir les affres à Cuba pendant de longues années ; il traite, en particulier, de la compassion (qu'Ivan, après en avoir refusé l'idée, finira par accepter) et de la peur qui représente le véritable frein à une vie digne et choisie. Le vécu (matériel et intellectuel) misérable à Cuba, notamment dans les années 90, est également replacé dans cette perspective historique.
Le récit est servi par un style précis, en parfaite symbiose avec le bouillonnement de l'histoire, trempé à l'encre de la mélancolie et du regret, sans jamais versé dans le pathos.
Un roman formidablement humain ! Magnifique.
A paraître le 6 janvier.
A l'occasion de sa parution, les Editions Métaillé organisent des rencontres avec Léonardo Padura à Paris entre le 2 et le 9 janvier.
Merci infiniment à PLC qui se reconnaitra s'il vient jusqu'ici ; et à mes amis APG et SG sans lesquels je serais dans une ignorance littéraire encore plus abyssale.
mardi 14 décembre 2010
L'homme qui aimait les chiens
La brume glaciale devora le profil des dernieres chaumieres et la caravane penetra de nouveau dans le vertige de cette blancheur angoissante, sans horizon, ou rien n'arretait le regard. A ce moment Lev Davidovitch compris enfin pourquoi, depuis l'origine des temps, les habitants de cet apre coin du monde s'obstinaient a adorer les pierrres."
Leonardo Padura
Leonardo Padura
jeudi 9 décembre 2010
Fondation Bemberg
Mr Bemberg est un humaniste de 93 ans, qui dispose d'une fondation exceptionnelle abritée dans le plus bel hôtel particulier de Toulouse, l'hôtel d'Assezat édifié dans la seconde moitié du 16ème siècle par un riche négociant de pastel.
Héritier d'une famille luthérienne originaire de Cologne qui fit fortune en Argentine, Georges Bemberg a constitué une collection d'oeuvres d'art (peintures, sculptures et mobiliers) absolument unique, et ce depuis le jour où, à l'âge de 19 ans, il faisait l'acquisition d'une première gouache de Pissaro.
La Fondation Bemberg possède la plus grande collection privée de Bonnard (plus de trente).
Il faut arpenter les salles et les couloirs de cette superbe demeure à la muséographie un peu sommaire, et puis se laisser porter par cette succession de chefs d'oeuvre. Une vierge à l'enfant de Carpaccio, une présentation au temple de Tintoret, une Vénus et Cupidon de Cranach, un immense fauconnier de Véronèse, un portait d'homme de Lotto, une collection de portraits flamands du 16ème, une collection (forcément)impressionnante d'impressionnistes (Vuillard, Signac, Renoir, Sisley, Caillebotte, Monet, Pissaro), une nature morte de Fantin-Latour tellement belle que le qualificatif de "morte" est une injure, un de Vlaminck aux accents "cézanniens", Toulouse-Lautrec, Picasso, et puis, étrangement Rouault.
Une fondation à déconseiller aux personnes sensibles au syndrome de Stendhal.
Une merveille !
Et oui ! Il faut faire un effort !
Héritier d'une famille luthérienne originaire de Cologne qui fit fortune en Argentine, Georges Bemberg a constitué une collection d'oeuvres d'art (peintures, sculptures et mobiliers) absolument unique, et ce depuis le jour où, à l'âge de 19 ans, il faisait l'acquisition d'une première gouache de Pissaro.
La Fondation Bemberg possède la plus grande collection privée de Bonnard (plus de trente).
Il faut arpenter les salles et les couloirs de cette superbe demeure à la muséographie un peu sommaire, et puis se laisser porter par cette succession de chefs d'oeuvre. Une vierge à l'enfant de Carpaccio, une présentation au temple de Tintoret, une Vénus et Cupidon de Cranach, un immense fauconnier de Véronèse, un portait d'homme de Lotto, une collection de portraits flamands du 16ème, une collection (forcément)impressionnante d'impressionnistes (Vuillard, Signac, Renoir, Sisley, Caillebotte, Monet, Pissaro), une nature morte de Fantin-Latour tellement belle que le qualificatif de "morte" est une injure, un de Vlaminck aux accents "cézanniens", Toulouse-Lautrec, Picasso, et puis, étrangement Rouault.
Une fondation à déconseiller aux personnes sensibles au syndrome de Stendhal.
Une merveille !
Et oui ! Il faut faire un effort !
Que de neige ! Que de neige !
Alors que l'avion s'apprêtait à amorcer sa descente vers Paris-Orly, il était possible d'admirer ce matin la mosaïque verte et brune de la campagne française. Et puis, subitement, à l'avant de l'aile, s'agissait-il d'une illusion d'optique ? Tout était blanc et, ce qui était extraordinaire, c'était cette démarcation extrêmement précise entre la terre enneigée et la terre "vierge". Une ligne parfaite comme une cicatrice sur cet immense plan-relief.
Hélas, je n'ai pas saisi sur mon IPhone4 cette sorte de méridien météo ! Sauf à me trépaner (et encore !), il m'est donc impossible de vous le servir. Mais, sympathiques comme vous l'êtes, je vous fais quand même profiter de quelques vues lors de la descente.
Hélas, je n'ai pas saisi sur mon IPhone4 cette sorte de méridien météo ! Sauf à me trépaner (et encore !), il m'est donc impossible de vous le servir. Mais, sympathiques comme vous l'êtes, je vous fais quand même profiter de quelques vues lors de la descente.
lundi 6 décembre 2010
La Défense ou l'Offense ?
Je ne parviens pas à trouver une légitimité au projet de ces deux immenses tours jumelles plantées au pied du Pont de Neuilly ; ni urbaine, ni architecturale.
Sur le plan urbain, elles déséquilibrent totalement la perspective et masquent le skyline de La Défense qui est constitué, à cet endroit, d'objets relevant d'une échelle toute autre. On va dire : "oui, mais la Tour Eiffel, objet métallique porteur d'un imaginaire industriel, est bien plantée au milieu d'un quartier minéral et bourgeois !".
Réponse : la précaution urbaine, la politesse
1) par rapport à la Seine (un certain retrait servi par la légèreté de la volumétrie et sa transparence)
2) par rapport au quartier lui-même (une perspective, une esplanade, un dégagement, et non un empilement)
3) la Tour Eiffel n'est pas un symbole de la richesse d'une minorité, mais celui d'une ingéniosité française.
Sur le plan architectural, quel "sens" donnent aujourd'hui ces édifices prétentieux à la ville ?
Ces deux tours ostentatoires réservées aux riches constituent le symbole d'une sorte d'insulte au peuple des gens ordinaires.
Notre société est-elle réduite à investir exclusivement pour des arènes festives, des musées élitistes ou des gratte-ciel de luxe ? N'y-a-t-il pas mieux à faire ?
Ce qui est étonnant, alors que l'on bavarde sur "Le Grand Paris", que l'on disserte sur la Seine, ses berges à reconquérir, etc., c'est qu'aucune voix de référence ne se prononce sur l'incongruité de ces érections mortifères (au sens où elles témoignent de la fin d'une civilisation). Aux armes, architectes !
dimanche 5 décembre 2010
Au commencement était la mer
Signalé et même encensé dans un des derniers suppléments littéraires du "Monde", "Au commencement était la mer" est un roman qui traite de la désillusion ; celle d'un couple jeune, J. et Elena, qui choisissent de "fuir une certaine forme de rationalité avilissante, aussi stérile que le pétrole, l'arrivisme ou le béton." Ils quittent Medellin pour une propriété au bord de la mer. Mais cette nouvelle vie, en résonance avec la nature, s'avère rapidement ponctuée de difficultés (la saleté du logement, la cuisine détestable de la femme du contre-maître, le troupeau qui "végète", les recettes qui ne viennent pas, etc.). Et puis il y a "les autres", les gens du village, ses employés, qu'Elena a toujours eu du mal à supporter et dont elle s'est fait autant d'ennemis.
Viennent les désillusions, les fuites occasionnelles à la ville pour J. ou dans le lit d'une maîtresse "d"une volupté abyssale", et qui sombre progressivement dans l'alcoolisme à grands renforts de bouteilles d'aguardiente ; petit à petit une tension s'instaure au sein du couple ; elle se traduit par des coups de haines et des indifférences. Viennent aussi les bûcherons "des hommes au regard mauvais" et enfin Octavio, le nouveau contre-maître inconnu des villageois et sorti de nulle-part qui annonce la fin tragique...
De Tomas Gonzales, l'auteur, la 4ème de couverture indique qu'il représente "le secret le mieux gardé de la littérature colombienne".
"Au commencement était la mer" est son 1er roman traduit en français.
Excellent moment de lecture.
Les Bons Enfants à Saint-Julien du Sault
Ce soir les reliefs tranquilles de la campagne sont comme pétrifiés sous une couche de neige épaisse et têtue. Le route est déserte. A la campagne, quand il fait froid, et que les risques de verglas sont réels - comme par exemple, des plaque assassines à l'entrée des bois - chacun reste bien au chaud chez lui.
Tant mieux, car il nous est ainsi plus facile d'obtenir, un peu au dernier moment, une place pour diner aux Bons Enfants.
Ce blog s'est déjà fait l'écho de ce lieu de félicité gastronomique. (cf 19 mai 2010).
Aujourd'hui encore nous confirmons : il existe en effet, très probablement, peu de lieux comparables sur cette planète qui conjuguent tout à la fois : excellence du contenu de l'assiette, soin attaché à la présentation des plats, attention du service, chaleur du cadre, sympathie d'un patron passionné et cultivé ; le tout pour un prix plus que raisonnable (28€, entrée + plat + fromages + dessert).
L'apéritif qui, jadis, était compris dans la formule, est proposé désormais pour un supplément prohibitif de 2€ ! Ce qui peut constituer presque un affront à l'encontre du verre de vin ou de la coupe de champagne - toujours choisis - et aux délicieuses gougères chaudes et parfumées qui l'accompagnent.
François-Pierre Lobies, le patron, nous fit le plaisir - dans cette maison, il s'agit de plaisir et non d'honneur - de nous proposer de goûter un Tokay Pinot gris vendanges tardives de la maison Frick dans un millésime 2002 ; une robe couleur miel clair, une douceur équilibrée, une rondeur ajustée et une belle longueur en bouche. Merci pour cette découverte.
Précisons que le choix, dans chacun des plats qui composent le menu, doit s'effectuer parmi trois ou quatre suggestions. C'est vraisemblablement l'acte le plus redouté du repas ! Car, comment privilégier le foie gras maison plutôt que les tempuras de gambas, la joue de bœuf braisée et sa poire pochée plutôt que la tête de cochon croustillante ? Cornélien ! Ah, la joue de bœuf braisée ! Comment se fait-il qu'il n'existe pas encore de Chemins de Compostelle envahis de pèlerins gastronomes qui mèneraient à cette joue, tendre comme celle d'un bébé, précisément fondante, galamment accompagnée d'une sauce tellement goûteuse qu'il serait coupable de ne pas l'épuiser jusqu'à la dernière larme ? On a à faire ici à quelque chose qui se situe entre la promesse de bonheur et l'échantillon du paradis !
Une recommandation concernant le vin : faire confiance au patron qui, en fonction des plats choisis - et vraisemblablement de l'idée qu'il se fera des convives -, vous dénichera toujours la bouteille à petit prix qui vous enchantera (à moins que vous n'exigiez un cru prestigieux et une addition de seigneur).
Nous nous régalâmes donc d'un Cairanne déclassé, siglé "Vin de table de France" de chez Marcel Richard dans des cépages Cyrah (55%) et Grenache (45%).
C'est promis, la prochaine fois, nous réserverons dans la salle Kimura (du nom du chef japonais) pour une fête supplémentaire !
vendredi 3 décembre 2010
Nagasaki
Tiré d'un fait divers réel qui s'est passé au Japon - une femme a vécu plus d'un an cachée dans la maison d'un célibataire avant que celui-ci commence à avoir des soupçons - Eric Faye, qui a obtenu le Prix du Roman de l'Académie Française, a écrit un livre court mais riche de questions sur une société contemporaine qui impose à certains de se cacher pour survivre "condamnés à errer dans un entre-deux de l'existence", qui a perdu jusqu'à "l'idée de sens (qui) a été inventée par l'humanité pour mettre un baume sur ses angoisses". Alors contre cette "farce", "cette pièce de théâtre absurde" à laquelle les plus fragiles finissent par être condamnés, "il faudrait inscrire dans toutes les constitutions du monde le droit imprescriptible de chacun à revenir quand bon lui semble sur les hauts lieux de son passé."
Relation intime et indicible de l'homme aux lieux de son passé, survivance d'une mémoire permanente attachée à des espaces de vie même s'ils ont été détruits ; ce livre doit parler profondément à tous ceux pour qui visiter un lieu désaffecté où subsiste les traces ou le souvenir d'une vie antérieure (usines en déshérence, maison abandonnée,...)déclenche dans leur imaginaire toutes sortes d'émotions.
J'ai en particulier le souvenir d'un très ancien lieu de culte sur l'île de Bréhat avec une chapelle et un lavoir, désormais colonisé par une nature barbare, où furent condamnés à l'isolement des centaines de pestiférés ; il me semble que leurs âmes torturées - ou quelque chose y ressemblant - subsistent dans l'arbre au tronc difforme dont les branches et les racines envahissent le lieu.
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