mercredi 15 novembre 2023

Gaïaland !

 « La tribu et le gourou - Gaïaland », une série en 4 épisodes sur ARTE, relate l’invraisemblable aventure d’une bande d’écolos illuminés qui se sont laissés berner durant une quinzaine d’années par un charlatan, doublé d’un escroc, un dénommé Norman William aux multiples identités.

L’autoproclamé shaman s’est fait passer durant tout ce temps pour un descendant d’une tribu indienne du nord Canada, les « micmacs » (entre nous ça aurait dû leur mettre la puce à l’oreille !). Il a entraîné, jusqu’à une centaine de jeunes idéalistes, dans un délire fait de « shamaneries


», de marches insensées pour « sauver le monde », de campements sous des tipis au-delà du cercle polaire et en auto-suffisance alimentaire (!), le tout, déguisés en indien avec bandeaux dans les cheveux, cheveux nattés et plumes sur la tête. 

La série alterne entre documents d’époque (dont de nombreux films attestant du délire complet), témoignages poignants de plusieurs anciens membres de la secte, prises de vue actuelles des traces des campements, et très belles séquences d’effets spéciaux à tendance psychédélique. 

On s’interroge sur les ressorts du gourou. Il n’y avait pas, comme d’autres, de recherche d’un train de vie démesurée, bien qu’il ne s’interdise pas les dîners arrosés de grands crus dans les meilleurs restaurants, quand ses adeptes se nourrissaient avec une frugalité, qui confinait à l’indigence, de plantes sauvages. Croyait-il à son délire ? Que recherchait-il sinon le goût immodéré pour la domination ? Comment parvenait-il à trouver l’inspiration pour alimenter le flot de mensonges qu’il proférait avec une assurance sans faille (la séquence ultime où, invité dans une émission de télévision et sommé de s’expliquer sur les 3 morts de la secte, dont un enfant, ou ses fausses identités, il parvient à formuler des réponses lapidaires sans aucune émotion … et déguise en indien, est proprement sidérante).

On s’interroge aussi sur l’aveuglement des membres de la secte : comment perdre totalement sa lucidité malgré la bizarrerie des situations (l’une des anciennes adeptes ne cesse de dire « c’était bizarre mais pourquoi pas, on va essayer !) ? Par quel processus, des individus doués d’un niveau plutôt élevé de connaissances (le témoignage de la banquière et son interview quand, jeune, elle vient à la télévision défendre la secte, est édifiant), disposant d’une certaine capacité de réflexion, peuvent-ils abandonner tout libre arbitre au profit d’un mystificateur, qui plus est, ridicule.

Difficile de ne pas penser à Jesus et à sa bande de disciples. Le message de Norman William était du même ordre : sauver le monde en adoptant une vie en opposition avec celle de la société. Les « esprits » remplaçaient Dieu ; les cérémonies au son du tam-tam, les rites de l’Eglise. 

Les « Ecoouviens », du nom de la secte, ont fini par ouvrir les yeux quand le gourou leur a intimé l’ordre d’aller s’implanter sur une île du Cap Vert. Non, parce que c’était une île éloignée de tout, mais parce qu’il n’y avait pas de forêts et que leur trip à eux, était de vivre dans les bois !

Norman William a disparu de la circulation à la fin des années 90. Il aurait vécu au Nicaragua et serait mort en 2015, sans jamais avoir été condamné sérieusement pour ses méfaits.

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