Mario Conde, l’ex-flic à la retraite et bouquiniste pour tenter de boucler ses fins de mois, amoureux de la littérature mais aussi de Tamara son épouse, revient (pour le meilleur) dans « Ouragans tropicaux », le dernier livre de l’auteur cubain Leonardo Padura.
Comme dans la plupart de ces romans, Padura fait alterner plusieurs récits situés à des époques différentes, récits sans rapport a priori, mais qui vont se rejoindre, se télescoper, au fil des pages.
Ici, c’est principalement La Havane « débridée » de 1910, la « Nice d’Amérique » d’après l’indépendance (1902) avec ses proxénètes, ses riches familles, une corruption généralisée et la masse des crève-misère, et une autre Havane, celle de 2016, d’une « pérestroïka » provisoire, quand Obama est venu en visite officielle sur l’île, mais aussi les Rolling Stones pour un concert et Chanel pour un défilé.
Dans la première période, Padura met en scène un personnage historique, haut en couleur, un jeune maquereau fils de bonne famille qui règne sur le quartier des maisons closes de San Isidro : Alberto Yarini y Ponce de Léon. Mais aussi, un policier, Arturo Saborit, le double du Conde à un siècle de distance, dont on apprend, dès les premières pages qu’il sera un assassin.
A l’époque plus récente, c’est le Conde et sa bande d’amis autour desquels se déroule le récit.
L’entre-deux n’est pas oublié, loin de là, avec une critique acerbe de la politique castriste et des accents sombres mêlant gâchis et nostalgie pour des « années perdues ».
C’est précisément l’un des personnages les plus affreux de cette période, dans les années 70, un vrai salopard, tortionnaire sadique avec pour spécialité de pourchasser les artistes (et les dépouiller au passage) dont on retrouve un jour le cadavre qui laisse penser à une vengeance de l’une de ses très nombreuses anciennes victimes. La police, débordée par les événements à venir, rappelle le Conde pour retrouver le ou les meurtriers.
Dans La Havane d’Alberto Yarini, ce sont deux corps de femme découpés en morceaux, que l’on retrouve dans des sacs posés au coin d’une rue. Arturo Saborit va mener l’enquête tout en se rapprochant du jeune proxénète, jusqu’à devenir son ami.
Mais Padura ne se contente pas d’alterner le récit des deux enquêtes ; il nous propose une audacieuse mise en abîme puisque c’est le Conde, écrivain à ses heures, qui, ayant découvert par hasard dans un des bouquins qu’il revend, des papiers écrits jadis par Saborit relatant son histoire, va les reprendre et donner vie à un roman dans le roman.
Le titre « Ouragans tropicaux », fait référence, d’une part, à l’agitation soudaine et meurtrière qui s’est emparée de San Isidro dans la guerre des gangs de proxénètes, d’autre part, au vent de folie qui a parcouru Cuba à l’occasion de la venue d’Obama, des Stones et de Chanel. Dans les deux cas, comme pour les ouragans tropicaux, les choses reprennent leur cours normal après leur passage, rien ne change pour le pessimiste Conde-Padura.
Car ce dernier opus ne manque pas de noirceur, et Padura semble hanté par l’oubli après la mort : « L’effacement de l’existence des gens, et même des souvenirs de leur existence, était-ce cela la véritable solitude des morts ? »
Un immense Padura.
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