jeudi 9 novembre 2023

« Humus » de Gaspard Koenig


 Si Bouvard et Pecuchet revenaient à l’époque actuelle, il n’est pas impossible qu’ils endosseraient les personnages d’Arthur et de Kevin, et qu’ils se frotteraient alors aux problématiques environnementales, s’interrogeraient sur les scénarios de durabilité et de consommation vertueux et, pourquoi pas, sur la protection des sols cultivables. 

Ils en viendraient certainement à explorer les techniques de permaculture et de vermicompostage, et se lanceraient probablement dans des stratégies foireuses comme les héros d’ « Humus », le roman grinçant mais assez jubilatoire de Gaspard Koening.

Ce dernier, brillant individu aux engagements politiques libéraux fortement prononcés, développe, tout au long des 380 pages du roman, une critique acerbe et souvent drôle de toutes les postures superficielles et ridicules, de tous les engagements inconséquents que notre société semble se plaire à inventer. Évidemment, le jeune gauchiste en prend pour son grade, les bobos et les écolos itou, mais aussi les « premiers de cordée » issus des grandes écoles et autres pantouflards sous les ors ministériels. 

Arthur et Kevin se sont connus sur les bancs de l’Agro dont les locaux ont été « déportés » sur le Plateau de Saclay « transformé en désert fonctionnel ». Une conférence d’un vieux professeur has been sur l’importance des vers de terre pour l’avenir de l’humanité et une intervention d’une start-up développant une app pour contrôler tous les paramètres d’un sol,  donnent aux deux jeunes compères l’idée de s’engager, chacun de son côté et dans des formules radicalement différentes, dans une démarche visant à régénérer les sols par l’élevage de lombrics et retrouver cet humus d’où l’homme fut extrait. 

L’un veut le faire en « cultivant son jardin » et l’autre est embringué, malgré lui, dans le développement d’un business censé rapporter une fortune. 

Mais l’utopie, le mensonge, la radicalisation et le marketing ne sont pas automatiquement des facteurs de réussite pour qui veut révolutionner le monde.

« Humus » est un roman éminemment picaresque dont la fin est totalement déjantée, mais aussi une ode à l’amitié et une attention vis-à- vis de la Nature.

Un petit régal aux accents houellebecquiens, nettoyés quand même d’une ou plusieurs couches de névrose, qui est bien représentatif de l’air du temps et qui aurait pu faire un Goncourt très honorable.

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