mercredi 11 octobre 2023

« Que notre joie demeure » de Kevin Lambert


J’ai fini (achevé ?) « Que notre joie demeure » de Kevin Lambert, jeune auteur canadien de 30 ans, il y a déjà plusieurs jours et je m’interroge encore sur ce livre qui fut retenu dans la première sélection du Prix Goncourt. Suis-je passé totalement à côté ? Qu’est-ce que l’auteur a voulu dire ? Enfin, de quel(le) « starchitecte » s’est-il inspiré ? Concernant cette dernière question, elle me semble légitime, car il n’est pas anodin de choisir comme personnage d’un roman une « starchitecte » femme, sachant qu’il en existe très peu. Je n’en vois à ma connaissance que 7 : Zaha Hadid, Jeanne Gang, Kazuyo Sejima, Amanda Levete, les soeurs Grafton et, pour la France : Odile Decq. 

« Weird » (bizarre en québecquois), est l’adjectif que pour ma part j’associerais à ce livre.

« Résumé » : Céline Wachowski est une architecte canadienne francophone, fondatrice et dirigeante de la société « les Ateliers C/W » cotée en bourse. Elle est célébrée dans le monde entier et couronnée par les plus grands prix d’architecture. Milliardaire, elle dispose d’un avion privé, de plusieurs résidences luxueuses et de tous les numéros de portable des gens qui comptent dans les milieux de la politique ou de la finance. Elle est même l’héroïne d’une série à succès sur Netflix ! C’est une « starchitecte », ainsi que l’on surnomme ceux qui appartiennent au gotha de l’architecture, dont les œuvres reproduisent aux quatre coins de la planète ce qu’il est convenu d’appeler le « syndrome de Bilbao » (l’édification d’œuvres architecturales capables de générer à elles-seules des flux importants de touristes en même temps qu’elles satisfont les pulsions narcissiques de leurs commanditaires, édiles ou puissants de ce monde).

Céline W. diffuse par ailleurs un message relayant tous les poncifs de ce que certains dénomment la « bien-pensance » : attention aux plus démunis, à l’environnement, à l’impact social du bâti, à l’excès de gentrification, etc.

Le « problème » est que sa fortune est largement consolidée par des placements financiers dont les conséquences sur le plan social sont en contradiction avec ses prises de position « généreuses ». 

Ce qui va renverser le cours des choses, c’est le fait qu’elle va concevoir le siège de « WeBuy » (un GAFA ?), parangon de société ultra-capitaliste, qui plus est au Québec, son pays d’origine dans lequel elle n’a jamais travaillé.

Une journaliste s’empare du sujet et dénonce sans nuances les contradictions de cette « suppo du capitalisme ». S’en suit un déchaînement de violences - notamment via les réseaux sociaux - et sa mise au ban de la société ; son conseil d’administration, au plus fort de son courage et en voyant le cours des actions de l’agence dégringoler, la démet de toutes ses fonctions. 

Cette « descente aux enfers » de Céline W. s’accompagne d’une introspection générale : sa réussite, ses engagements, ses contradictions, ses relations et le degré de fidélité de ses amis. Fin du « résumé ».

Le lecteur est convié à l’observation (il y a un côté voyeur) du petit monde qui gravite autour de Celine W. ; avant le drame, dans une sorte de bulle où se côtoient toutes les figures d’une intelligentsia boboïsée, puis durant et apres la chute, et ce, de l’intérieur, puisque le narrateur fait comprendre par endroits qu’il est témoin direct des scènes dont un grand nombre (c’est mon avis) se perdent dans l’anecdotique, l’entre-soi d’un microcosme architectural largement fantasmé, ou dans des considérations générales et confuses d’ordre sociétal. 

Le tout est servi dans un style « Weird » dont le rythme s’assimile à un dispositif et qui alterne, sans véritable logique, de longs passages ponctués exclusivement de virgules, d’autres composés de phrases courtes et d’autres encore où le point-virgule semble érigé en principe.

Extrait assez édifiant : « Dans le noir, des certitudes nouvelles tentent de pénétrer son crâne prêt à fendre, Céline a trop bu et sent des fureurs monter en elle. Elles les contient toutes, elle retient ces affects qu’elle n’ose pas laisser accoster sur les berges de son langage. »

« Weird », et même un peu « tannant » (dérangeant), cette citation de Balzac au détour d’une phrase sans références à l’auteur de « La Comédie humaine » : « Le secret des grandes fortunes est un crime oublié parce qu’il a été proprement fait. »

Lambert dénonce les dérives de notre société, mais caricature ceux qui s’y opposent qui relèveraient exclusivement de deux catégories : une sorte de « Gauche caviar » ou une « ultra-gauche » hystérique.

Bref, un livre qui m’a globalement déçu, sans doute parce que j’en attendais davantage. Point positif : on y apprend un peu d’argot québecquois …

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