Romain Gary a 44 ans quand il écrit cet hymne absolu à l'amour
maternel. Mais au-delà de la description de cette relation fusionnelle -
les personnages de Gary et de sa mère se confondent par moment -, c'est
un récit d'une très grande profondeur humaniste que nous livre l'écrivain couronné
par deux Prix Goncourt, et qui s'est donné la mort en 1980, un an après
le décès - dans des circonstances troubles - de son épouse Jean Seberg.
Largement autobiographique, "La promesse de l'aube", raconte la jeunesse
de Romain Gary, depuis sa naissance en 1914 à Wilno (Vilnius) jusque
sensiblement la fin de la seconde guerre mondiale. La figure de la mère
est omniprésente, mais Gary met en scène également un très grand nombre
de personnages, des héros inconnus, oubliés, auxquels il rend hommage
avec beaucoup de sensibilité et de tendresse. S'il faut n'en citer
qu'un, c'est ce Monsieur Piekielny qui a ma faveur ; cet homme qui "ressemblait à une souris triste",
et qui prit le petit Romain en affection avant de lui demander, lui
dont le destin proclamé par sa mère doit être de rencontrer des grands
hommes, une faveur toute simple, celle de leur dire, à ces hommes
importants, juste cette phrase : "au N°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny". Romain Gary a tenu sa promesse des dizaines de fois et jusque devant la Reine Elizabeth, quand "les
os du petit homme, transformés à la sortie du four en savon, ont depuis
longtemps servi à satisfaire les besoins de propreté des nazis."
C'est
un livre fort au style magnifique. Romain Gary l'a retravaillé quelques mois avant de se donner la mort. A cette occasion, il y a peut-être ajouté, par endroits, les touches de désenchantement qui confère au roman (plus "artistique" que purement historique, comme il l'a indiqué) sa note grave. Amour, amitié, humour, respect, humanisme sans moralisme, humilité, fierté, dérision, perspective historique et "petite histoire", nostalgie, tous ces ingrédients et d'autres encore, constituent la matière de "La promesse de l'aube" ; une matière profondément humaine.