mercredi 11 avril 2012

Cette année je me prends au mot et j'écris ! (15)

Ce soir, sur le Post-it est écrit : "Ne pas garder mes écrits dans un tiroir, la famille est mon premier public."
Bon, on va dire que vous êtes, orbites cruelles, ma famille. Et donc un petit texte qui se termine en rien du tout, exhumé des entrailles du "Notes" de mon IPhone.
A l'extrémité sud de la presqu'île se trouvait un promontoire minuscule qui accueillait une réplique de petit temple circulaire en pierre blanche, sous la coupole duquel trônait la statue décapitée d'une femme nue, un genou au sol dans une sorte de soumission définitive. Juste avant ce bout du monde, un petit square avait été aménagé, avec tout ce qu'un square peut comporter d'accessoires obligés : bancs, buis taillés au cordeau ou en taupinières géométriques, bac à sable, carrés de pelouse équipés de modestes massifs de fleurs, lampadaires belle époque, poubelles métalliques. Pierre connaissait bien ce lieu. Il y venait fréquemment ; toujours avec un livre, même s'il passait de longs moments à écrire sur l'un des innombrables petits carnets qu'il affectionnait. Il s'asseyait sur un banc en bois, toujours le même. L'endroit n'était pas particulièrement calme et peu fréquenté : de l'autre côté du fleuve, une voie express laissait entendre le bruit continu de la circulation automobile, et de nombreux joggers venaient y accomplir quelques étirements avant de repartir se soumettre à leurs exercices masochistes. Parfois c'était une vieille dame qui marchait en trottinant et qui enchainait devant lui un demi-tour volontaire, ou encore un couple auquel il tentait, indiscret, de voler quelques bribes de conversation.
A quelques mètres de son banc, la bac à sable délimité par une margelle de pierres grises, n'accueillait que très rarement des enfants. Pierre se sentait un peu ici chez lui ; c'était une extension en quelque sorte. En fin d'après-midi le soleil - quand il y avait du soleil - parvenait à se glisser entre les hautes frondaisons des peupliers et des acacias, pour poser sur le square une pluie de pastilles de lumière qui semblait danser tout autour de lui. Il appréciait et redoutait un peu cette topographie singulière - une terre cernée par le fleuve - propice à évoquer chez lui des souvenirs enfouis, comme des clichés fatigués, qui revenaient par grandes bouffées mélancoliques lui parler d'une enfance insulaire.

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