lundi 1 juin 2009

Un cimier Bambara en Seine


Une histoire insolite, mais vraie, que j'ai un plaisir non dissimulé à vous conter.
Ca commence par une histoire de jogging sur l'île de la Jatte (l'ex domaine de Sarko). Je viens d'en accomplir un tour complet en petites foulées décontractées et je m'apprête à réaliser quelques étirements sur la petite place qui se situe côté aval de l'ïle, sous le Pont de Levallois, face au bras mort de la Seine. Alors que j'entreprends mes exercices, mon regard se porte sur un objet flottant à quelques encâblures de la berge ; laquelle est inacessible à cet endroit, l'eau croupie vient caresser un perré tristement minéral et accessoirement très pentu. Mon oeil averti de grand collectionneur d'art africain me fait reconnaître, dans ce qui aurait pu être un OFNI pour un béotien qui n'a pas fait les colonies, un cimier antilope bambara de la région de Ségou ! (Je dois avouer que je triche un peu, car je n'ai parfaitement identifié l'objet que bien plus tard, après de laborieuses consultations d'internet et autres ouvrages du musée Dapper). Le courant est à cet endroit quasiment nul, heureusement. Je me mets séance tenante en piste pour trouver un bambou ou une branche suffisamment grande pour attraper ce que je considère être un véritable trésor. Muni d'une perche de bonne dimension j'entreprends la descente en rappel du pérré, m'agrippant aux branches d'un arbuste maigrichon qui a eu la bonne idée de germer à cet endroit improbable. C'est donc avec une main sur l'arbuste et une autre agitant ma perche que je prétends faire revenir vers la berge l'objet qui est devenu en l'espace de quelques minutes celui de mes plus intenses convoitises. Peine perdue : il me manque 2 bons mètres. J'invoque alors le dieu de l'aviron (il passe régulièrement des rameurs qui font le tour de l'ïle), lequel est moins sourd que le dieu normal à l'évidence, puisque moins d'une minute après mes imprécations, rameur fait son apparition sur le théätre des opérations. Je le hêle et, un peu surpris mais discipliné, il stoppe son cigare flottant pour bien comprendre les instructions que je m'apprête à lui donner. Je digresse : c'est assez étonnant la gentillesse des gens ; surtout des rameurs. C'est quand même une activité ingrate et on pourrait imaginer avoir à faire à des êtres aigris ; pas du tout : bien qu'à l'évidence l'homme en question ne soit pas une de nos meilleures chances de médaille dans la discipline de l'aviron individuel, il parvient après quelques manoeuvres disgracieuses à s'approcher de l'objet d'art flottant.
"Prenez-le et lancez- le moi, lui dis-je".
" Ah non, je vais tomber à l'eau", me répond-il.
"Bon, alors essayez de le pousser vers moi".
Finalement le rameur se saisit du cimier et le lance un peu de côté vers la berge. C'est pas merveilleux, mais le type semble avoir senti le spectre d'un bain dans la Seine lui frôler la combinaison, et il repart. Pas ingrat, je luis lance un grand "merci".

Bon, il y a encore du boulot, car, si le cimier dont je distingue bien la sculpture d'antilope maintenant s'est rapproché de la berge, je ne peux pas rester là où je suis pour l'atteindre, il faut que je réescalade le perré et me fasse une nouvelle descente quelques mètres plus loin. Ce que j'effectue avec une maitrise quasi parfaite ; un autre arbuste ayant également eu le bon gout de pousser à cet endroit précis. C'est un jeu d'enfant de me saisir de ce trophée magnifique dont le ciel et la Seine réunis m'ont fait don.
Voyez sur la photo ; c'est pas mal quand même : il mesure environ 40 cm de haut ; il est assez bien sculpté et ses lignes sont plutôt jolies.
Après quelques ablutions qui lui ont permis de retrouver un petit air moins crado que quand il stagnait dans les eaux troubles du fleuve, et un parfum compatible avec la civilisation occidentale béconnaise, il trône désormais dans mon jardin. Les feuilles de bambous lui caressent les courbes. Quel bonheur ! Je l'envie presque !

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