lundi 22 juin 2009

Le nouveau quartier du Plessis-Robinson ou la ville lobotomisée

"Lobotomiser : Opération de neurochirurgie visant à sectionner de la substance blanche d'un lobe cérébral entrainant la destruction de circuit de neurones."
Il faut visiter le nouveau quartier d'habitation du Plessis-Robinson pour au moins 2 raisons : la 1ère c'est qu'il n'existe pas en France, à ma connaissance, d'exemple comparable d'un tel urbanisme et ce n'est pas un défaut d'être curieux ; la seconde c'est que cette visite permet d'opérer une réflexion sur le sens de l'architecture.
Le quartier en question comprend 1380 logements bâtis dans un patchwork de styles "néo quelque chose", pastichant les habitats urbains du 19ème siècle (principalement). Le tout est fort bien construit. Les matériaux semblent être de qualité et leur mise en oeuvre également ; on verra quand même à l'usage mais, pour être honnête, il existe ailleurs un grand nombre de constructions de style contemporain plus mal finies et susceptibles de supporter moins bien les outrages du temps !
Tout le vocabulaire d'une architecture vernaculaire urbaine du 19ème figure comme sur un catalogue : pilastres, fenêtres mansardées, chiens-assis, clochetons, kiosques à musique, toits en pentes ardoisés cotoyant une couverture en tuile, porches en arcs plein-cintre, appareillages classiques, tourelles d'angle, consoles en fer forgé, etc. Au milieu de ce décor serpente une fausse rivière sur laquelle flottent, immobiles et inutiles, de fausses-vraies barques (mais il y a de vraies grenouilles !). Quelques passerelles enjambent ces eaux artificielles dont le courant est animé par des pompes invisibles. Les berges fabriquées ont été assez joliment agrémentées d'un projet paysager de qualité. Au détour d'un chemin en béton désactivé (seule concession à la modernité ?), on entre dans un échantillon de "béguinage" fait de gentilles maisons de ville aux volets colorés, dotées de jardins minuscules parfaitement entretenus et disciplinés où toute variante au cahier des charges imposé (mais sans doute librement accepté) est à l'évidence exclue. Tout est propre, tout est calme. Il n'y a pas un cri d'enfant. Pas un banc pour des vieux. Tout est organisé dans une sorte de mise en scène de l'Ennui.
S'agit-il d'architecture ? De mon point de vue, certainement pas.
D'abord l'architecture suppose la création. Et faire acte de création s'oppose à ce travail de reproduction, de combinaison de fraction de styles, de juxtaposition de fragments d'images du passé, de bricolage de clichés.
L'architecture n'existe pas dans la négation du contexte. Et ce décor va encore plus loin car il commet le déni de contexte. Il n'a besoin de rien ; il se construit ex nihilo. On est en studio. On est bien dans le décor et non dans l'architecture. On est au point le plus haut de la ville et une rivière coule comme dans un talweg !
Enfin l'architecture doit apporter une émotion. Et là on est dans le "pittoresque", le "charmant", paradoxalement dans le normatif (il ne suffit pas d'organiser les décrochements et une pseudo variété de façades pour être dans la liberté) ; on est dans l'aseptisé, le terrorisme du goût commun, la mise en scène du vide, la ville lobotomisée !
Que manque-t-il ? Une sonorisation avec le chant des cigales (même en hiver, c'est plus sympa que le cri des corneilles). Des portiques de sécurité. Un immense vélum peint en bleu avec un faux soleil qui brille en permanence. Des milices qui patrouillent.
Cette parade affligeante symbolise ce que la société actuelle nous livre de plus médiocre : l'illusion de l'authentique et du "varié" alors que le pittoresque et le conformisme règnent en maître absolu, une absence définitive d'intelligence ; l'architecture-réalité comme la télé-réalité !

4 commentaires:

  1. Tout cela est terrifiant quand on y pense.
    Plus on met en avant l'individu dans notre societe et plus on pense pour lui.
    Excusez moi pour les accents mais je suis a l'etranger et je n'ai pas trop le temps de trouver la bonne police.

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  2. Quand est-ce que tu nous racontes tes aventures ?

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  3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  4. Un de mes amis m'a dit que j'étais très violent dans mon jugement et surtout que je ne pouvais pas déclarer qu'il n'y a pas de lien social possible dans un tel lieu. Qu'est-ce que le lien social ? Le communautarisme est-il un lien social ? Oui si on le limite à sa fonction d'établissement et de renforcement des liens au sein d'une communauté. Non, si on considère que le lien social est autre chose que le repli identitaire, et qu'il s'agit de liens entre "sociétés" ; c'est à dire entre personnes véhiculant des cultures et/ou des idées différentes. La télé-réalité crée-t-elle du "lien social" entre des téléspectateurs qui partagent une même recherche : voyeurisme et facilité ? Ce type de décors qui vise à organiser l'espace architectural des gens le fait-il ? Ca me fait penser aux petites villes que l'on aperçoit en traversant les USA dans lesquelles la vie de la communauté est parfaitement organisée, surveillée, protégée (voir aussi le film "La villa"). Peut-on parler de lien social ? Pour moi : NON. C'est du communautarisme. Me trompe-je ?

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