vendredi 5 avril 2024

Ce matin au kiosque 4 - Place Vendôme etc.

 Un premier passage rapide, juste le temps de boire un expresso, d’apprendre de Jean-Michel que la « petite-grande dame » d’hier à laquelle il a fait lire mon texte a été très émue, avant de… avant de rater mon train (sans importance) et donc de revenir au kiosque m’entretenir avec Jean-Michel. Sa compagne qui a lu mon texte l’a trouvé très émouvant également, malgré une faute d’orthographe qu’elle avait repérée (j’en ai profité pour apprendre une règle de grammaire concernant la formule « se rendre compte). Et puis, j’avais évoqué 2 exemplaires de L’Humanité. Erreur : il n’y en avait qu’un, l’autre journal était Libération. J’ai corrigé tout ça instantanément depuis mon smartphone. Je ne suis pas technophile, mais ces petits appareils peuvent être magiques.

J’ai ensuite pris le train pour St Lazare. J’ai marché jusqu’à la Place Vendôme où je devais chercher une montre dans la bijouterie XX. L’aventure de ce petit objet mérite quelques lignes. (si ça ne vous intéresse pas, n'hésitez pas à sauter ce passage).

Cette montre - celle de mon épouse - venait d’être révisée entièrement il y a moins d’un an (pour un montant non anecdotique), quand elle a affiché un retard chronique ; ce qui est fâcheux pour une montre, il faut bien le reconnaître. Mon épouse a cru à une faiblesse de la pile et l’a portée chez un horloger de la rue Royale, lequel nous a toujours paru plus sympathique - et surtout moins obséquieux - que son confrère de la célèbre place où Gustave Courbet, le 16 mai 1871, s’était exercé à renverser un symbole de la « barbarie impériale » et un « attentat à la fraternité ».

Quelques temps après ce changement de pile, la montre renouvelle ses caprices. On la rapporte donc Place Vendôme et, quelques semaines plus tard, un devis d’un montant de près de 500 € nous parvient. Stupeur et tremblements dans les chaumières. Nous arguons qu’elle est sous garantie et on nous voit opposer le fait que la montre a été ouverte ; des traces de doigts et la repose du cadran à l’envers (on n’a pas compris comment le cadran avait pu être reposé à l’envers) l’attestant. La montre étant sous garantie, il eut fallu demander chez les obséquieux le changement de pile ; c’est la règle (et dura lex sed lex, probablement).

Nous revenons chez notre horloger de la rue Royale et après quelques tergiversations, il accepte de prendre en charge les frais réclamés par XX. J’ai oublié une chose : lors de la toute première révision, les ateliers suisses de XX avaient monté des aiguilles plus petites (sans doute celle d’un modèle femme), ce qui nous avait conduit à renvoyer la montre en Suisse.

À présent, il va falloir que le « garde-temps » (la montre chez les obséquieux) revienne une nouvelle fois de Suisse, que nous la récupérions pour l’acheminer chez l’horloger de la rue Royale (la raison pour laquelle j’étais Place Vendôme et non pour un rendez-vous avec le Garde des Sceaux), que celui-ci établisse un devis mentionnant qu’il prend en charge les frais de réparation et qu’elle reparte en Suisse pour s’y faire à nouveau opérer à la brucelle. Elle repassera dans quelques temps la frontière (pire qu’un évadé fiscal !), puis le périphérique, pour revenir à Bécon-les-Bruyères. C’est une montre qui a une empreinte carbone catastrophique !

Retour à ce matin. Place Vendôme, 10H. Pas de pot : XX n’ouvre qu’à 11H. Ce mètre-étalon gravé sur le bas d’un pilastre du Ministère de la Justice m’a intrigué, quand j’y suis passé il y a quelques minutes. Une légende indique qu’il en existait 16, réalisés entre les années 1796 et 1799, dispersés dans les lieux les plus fréquentés de Paris afin d’ « encourager l’usage du nouveau système métrique ». Il n’en reste plus que 2. L’autre est sous les arcades du Sénat. Plus concrètement : où y-a-t-il une librairie digne d’intérêt dans les parages ? Delamain, Place du Palais-Royal, en face de la Comédie française. Allons-y ! J’ai repéré dans la dernière publication de la revue « Esprit », une recension sur un essai, « L’homme diminué par l’IA » de Marius Bertolucci, qui a excité ma curiosité (je dois avouer qu’il m’en faut peu, au risque de me disperser). Et puis, ils auront peut-être « Ma sœur la vie », le fameux recueil de poésie de Pasternack, l’auteur du « Docteur Jivago ». La présentation que j’ai écoutée hier sur un podcast consacré à la nouvelle traduction du célèbre roman russe, m’a mis l’eau à la bouche.

Ils ont bien l’essai de Bertolucci mais pas la poésie. Je feuillète un autre recueil dont les poèmes me paraissent correspondre à mes attentes, et je l’acquière. Pour de brèves heures…

Je récupère la montre à la boutique XX. Dans mon parcours aller et retour au sein de cet espace feutré, un nombre incalculable d’employés en costume noir me saluent avec une déférence empruntée comme si j’étais un grand de ce monde.

La rue Saint-Honoré que j’ai arpenté pour aller chez Delamain, pour revenir Place Vendôme, puis pour rejoindre la rue Royale, m’a donné à voir (expression très usitée chez les architectes) des quantité de choses mais, rassurez-vous, je ne vous les livrerai pas toutes ; et donc, en vrac : un chauffeur joufflu dans une Jaguar de maître mangeant un plat dans sa gamelle en carton au risque de tacher les sièges en cuir de sauce barbecue ; l’Hôtel de Noailles où une plaque indique que La Fayette y épousa le 11 février 1774, Marie Adrienne Françoise de Noailles (il a 16 ans, elle en a 15 !) ; l’ancien siège de la DGPPE (l’ancien service constructeur du Ministère de la Justice) où j’ai trainé quelques guêtres à la fin du siècle précédent, reconverti en hôtel de luxe, boutiques du même acabit (quel destin !) ; un immeuble des années 30 avec une entrée surplombée par deux angelots grassouillets, à gauche et à droite, avec la mention des ingénieurs (rare !) et des architectes, de part et d’autre.

Après avoir déposé la montre rue Royale, je pousse jusqu’à la rue d’Anjou et la Maison du Whisky où j’ai mes habitudes sinon mes entrées (avec une fréquence excessive selon mon épouse). Jean-Marc, le gérant, avec lequel j’ai sympathisé, est momentanément absent. Je vais l’attendre et je ne me fais pas prier quand une charmante jeune femme me propose de déguster un cognac élaboré en Tasmanie. Magnifique.

Jean-Marc revient, il m’informe qu’il prend sa retraite en septembre prochain (enfin, une retraite active car il va continuer à écrire des commentaires et faire des dégustations). Une idée me vient à l’esprit : et si nous organisions ensemble un petit évènement sympathique sur l’île de Ré conjuguant la poésie et le whisky ? Dans le cadre du Printemps des Poètes, en mars 2025, par exemple.  Il est partant, d’autant qu’il n’a jamais mis les pieds à Ré et que nous pouvons l’accueillir.

Équipé dans la tête de ce projet et au bout des bras d’une bouteille de Tasmanie, il me faut revenir at home car dans ma « to do list » il me reste à faire les courses pour le déjeuner.

Dans le train qui me ramène à Bécon, Jean-Michel m’informe par sms que j’ai une dédicace à faire. Il a encore vendu un recueil ! Et c’est la « petite-grande dame » qui est l’acheteuse. Justement, je l’ai aperçue en arrivant dans le hall en discussion avec une autre dame. Je vais la saluer. Son visage rayonne en me voyant et elle me remercie très chaleureusement pour mon texte. Si je peux lui transmettre, elle veut le montrer à ses enfants, comme ça ils verront… Jean-Michel m’a donné son numéro de portable. Je le ferai cet après-midi. Quant à la dédicace, elle sera faite demain matin. D’ailleurs, je passerai vers 10H.

Je m’aperçois que je suis bien long pour cet épisode de « Ce matin, au kiosque ». Alors, rapidement quand même un bout d’après-midi.

Je découvre que le poète, auteur du recueil que j’ai acheté chez Delamain, vient d’être condamné pour violences conjugales extrêmes. Et si j’en crois les articles parus sur ce sujet, le poète en question est un sale type, vulgaire, jaloux, violent et j’en passe, qui martyrise sa femme (une de ses anciennes étudiantes) depuis plus de 20 ans. Impossible de garder le livre de ce bonhomme. Je le ramène dès cet après-midi à la librairie.

Sur la place du Palais Royal, il y a un type avec un ventre énorme qui fait des énormes bulles (le type, pas le ventre, encore que...). Peut-être a-t-il le rêvé de s’envoler avec ses bulles grâce à son ventre ?

L’avenue de l’Opéra est entièrement fermée afin d’accueillir une course à pied, « Move your mind ». Un b… sans nom sur la Place de l’Opéra avec des voitures et des bus dans tous les sens. Les bigorexiques ont encore frappé !

J’ai commencé à lire « L’homme diminué par l’IA » sur une chaise métallique dans le jardin du Palais Royal. J’ai relevé 2 phrases : « Le temps long de la réflexion a cédé le pas à l’indignation de l’instant » et « Le journaliste est remplacé par tout un chacun, et l’expertise par l’opinion ».

La dernière chose que j'avais à écrire concerne un couple qui venait vers moi, sur le trottoir, à Bécon-les-Bruyères, en fin de journée. Ils se tenaient par la main. Ils étaient vieux, très vieux et étaient visiblement amoureux, très amoureux. Quand nous nous sommes croisés, je n'ai pas pu m'empêcher de leur dire que je voyais qu'ils étaient amoureux et que c'était beau. Ils se sont arrêtés, bien sûr, et la femme m'a regardé, et son visage était radieux. Elle était belle malgré son visage ridé. Elle m'a dit : "Je vous souhaite d'être comme nous quand vous aurez notre âge, et merci pour ce que vous nous avez dit." Ils sont repartis, main dans la main, d'un pas lent et formidable. 

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