dimanche 29 janvier 2012

La base sous-marine de Bordeaux




Située au fond du Bassin à Flot, comme en embuscade au débouché de la ville, à quelques encablures de la Garonne pour filer ensuite vers l'océan, la base sous-marine de Bordeaux s'impose comme une sorte de Léviathan pétrifié aux gueules multiples - 11 en tout -, lourd de 600.000 m3 de béton sous une carapace de 4 à 6 m d'épaisseur. Construite entre 1941 et 1943 en 18 mois, majoritairement par des prisonniers espagnols - des "rouges" dont il est dit que 70 d'entre eux furent coulés dans le béton -, elle était destinée à abriter des sous-marins des forces de l'Axe. Malgré des bombardements intenses, sa conception - et en particulier son toit d'une épaisseur de 5,60m sur lequel fut installée en 42 une seconde structure de poutres en béton devant servir "d'amortisseur d'explosion" - est pratiquement intacte.
Elle est actuellement reconvertie en un espace culturel (expositions de photo, concerts, ...) qui occupe 12.000 m2 sur les 42.000 de la base.

Sa visite vous plonge dans un univers fantastique entre sépulture antique, complexe industriel et cité d'un monde post-nucléaire. L'espace immense d'une rigueur militarisée, la matière brutale d'un béton affichant par endroit ses cicatrices guerrières, la lumière perçue comme celle provenant d'immenses projecteurs placés aux extrémités des alvéoles, l'eau noire qui reflète parfaitement les portiques massifs, tous ces éléments fabriquent un univers troublant, déshumanisé.
Le lieu est porteur d'une émotion extrême, qui s'apparente à une menace. Certains espaces sont interdits pour des raisons de sécurité - chutes de blocs de béton ou de morceaux de ferraille - ou parce qu'ils n'ont pas été explorés, ce qui ajoute au mystère. L'eau se joue des épaisseurs de matière ; son suintement le longs des parois improvise des oeuvres surréalistes, et l'on perçoit par instant l'écho précis de gouttes-à-gouttes inquiétants qui semblent rythmer un autre temps.
La base sous-marine est donc un lieu formidable, fabuleux ; un espace fantastique, un régal pour un Bilal ou pour un réalisateur de James Bond (ou même un simple curieux). La toiture elle-même est un objet invraisemblable ; la rigueur des ombres et l'indiscipline d'une végétation parasite y créent un paysage étonnant.

Mais la base est un lieu difficilement gérable dans sa totalité, sauf à y mettre des sommes très importantes pour sa sécurité (parois de béton à consolider, présence de bassins, éclairage, évacuations du public), son étanchéité (plus de 40.000 m2), son chauffage (volume d'environ 1 million de m3), etc.
En imaginant que ces travaux puissent être réalisés et financés (!), une autre question se pose : quel programme imaginer (et quel budget de fonctionnement ?) pour un lieu aussi grand, situé en région ?
On peut penser à des archives, du stockage ; sachant que ces usages imposent des contraintes thermiques particulières.
On peut également penser à des œuvres monumentales qui ne craignent pas les agressions hygrothermiques ; mais l'espace lui-même ne viendrait-il pas en conflit avec ce type d’œuvres ?
La réflexion est ouverte... peut-être une esquisse de solution pour Agora 2012 en septembre prochain ?




1 commentaire:

  1. La base sous-marine est en effet un espace difficielement utilisable. Peut-être que l'une des options à envisager serait de simplement travailler l'éclairage du lieux et de la laissée telle quelle, car indéniablement, elle se suffit sans exposition. Mais quant à résoudre les problèmes de sécutié liés à l'accueil du public, c'est autre chose.

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