dimanche 17 octobre 2010

Les brumes du passé


348 pages de bonheur, avec comme décor La Havane ; celle d'avant Castro et sa vie mondaine - cabarets, boîtes de nuit, prostituées de luxe, limousines chromées -, et l'actuelle avec ses quartiers aux allures de "ville ravagée par la guerre, plein de fondrières et de gravats, d'édifices en équilibre précaire (...) de bidons débordant d'immondices, (...) de hordes de chiens errants, envahis par la galle (...) et de ses femmes endurcies, aiguisées comme des couteaux, toutes affublées de bermudas en lycra toujours plus collants, parfaits pour faire ressortir les proportions de leurs fesses et le calibre d'un sexe orgueilleusement exhibé. (...) ...un monde au bord d'une apocalypse difficilement réversible."
Mario Conde, dit "le Conde", a une cinquantaine d'années ; c'est un ancien flic. Un idéaliste, un "martien" comme le surnomme son acolyte, Yoyi, avec lequel il s'adonne au "hasardeux négoce de l'achat et de la vente de vieux livres". La hasard ? le destin ? l'amène à découvrir un soir, dans une demeure à la noblesse décatie du Védado, une extraordinaire bibliothèque contenant des milliers d'ouvrages dont de nombreux exceptionnels. Il s'agit de la maison d'un richissime homme d'affaire, Alcides Montes de Oca, gardée, depuis l'exil puis la mort de son propriétaire, par les deux enfants de l'ancienne secrétaire particulière d'Alcides. La crise effroyable que traverse Cuba les oblige, pour ne pas mourir de faim, à négocier quelques livres ; et ce, malgré le serment fait par leur mère - folle et désormais recluse dans une pièce de la maison - de ne jamais en vendre un seul.
Le Conde va découvrir dans l'un des livres une coupure de journal datant de 1960 comportant une photo d'une femme magnifique "Violeta del Rio", chanteuse de boléros, et quelques mots annonçant qu'elle arrête définitivement sa carrière.
Personne ne connait plus Violeta Del Rio. C'est ce qui intrigue le Conde. Comment une femme d'une telle beauté, qui a connu la célébrité et la gloire, peut-elle avoir totalement disparue des mémoires ?
Le flic reprend le dessus : le Conde, que cette femme sublime commence à hanter, va se mettre en chasse pour percer le mystère de cet oubli.
Et c'est dans la quête palpitante d'une vérité qui va se dévoiler progressivement que Léonardo Padura, écrivain cubain de 55 ans, nous entraine tout au long de ce livre au style remarquable, d'une richesse souvent jubilatoire.
L'amitié simple qui emprunte parfois à la tendresse, le regret amer et lucide des années perdues dans l'illusion d'un bonheur révolutionnaire promis, la violence barbare du Cuba d'aujourd'hui, l'amour des livres et de la lecture, sont autant de thèmes que Padura explore dans ce roman avec une vraie fulgurance ; de celle qui fait les œuvres rares.


Merci à mes amis SG et APG pour leurs conseils précieux. Ils me connaissent les bougres ! Ils savent ce qui va me faire vibrer !

1 commentaire:

  1. Belles impressions de lecture Pergame, tu as l'art de nous mettre en appétit littéraire.
    Encore un livre que je vais mettre dans la pile "livres à lire". Je ne sais pas si Anne l'a lu, il faut que je lui demande.

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