mercredi 27 octobre 2010

Amok



Un amok est « un Malais, n’importe quel brave homme plein de douceur » qui, subitement et pour une raison inconnue, « bondit, saisit son poignard et se précipite dans la rue…il court tout droit devant lui (…) Ce qui passe sur son chemin, homme ou animal, il l’abat avec son kris et l’odeur du sang le rend encore plus violent… Tandis qu’il court, la bave lui vient aux lèvres, il hurle comme un possédé (…) Les gens des villages savent qu’aucune puissance au monde ne peut arrêter un amok, (…) ils vocifèrent : « Amok, Amok ! » et tout s’enfuit…(…) jusqu’à ce qu’on l’abatte comme un chien enragé ou qu’il s’effondre, anéanti et tout écumant… »
C’est ainsi que Stephan Zweig fait parler cet étrange médecin alcoolique qu’il rencontre par hasard à bord d’un paquebot de retour des Indes vers l’Europe, une nuit « d’un bleu d’acier si métallique et pourtant tout éclatant (…) débordant de lumière, d’une lumière qui tombait, comme voilée, de la lune et des étoiles, et qui semblait brûler, en quelque sorte, à un foyer mystérieux. » Cet homme, embarqué clandestin, devenu misérable, lui livre jusqu’à l’aube un secret terrible, né d’une passion tragique qui le transforma en Amok.
Ecrit dans un style pour lequel le qualificatif de « parfait » semble être simplement juste, cette nouvelle traite donc de la passion – c’est-à-dire une attitude humaine incontrôlée, tour à tour délicieuse et douloureuse – d’un homme vers une femme. Elle nait de la beauté et de l’orgueil ; elle périt par l’aveuglement et le déshonneur.
Il existe, semble-t-il, deux humanités : celle capable de succomber à la passion - au risque de se transformer à un degré plus ou moins intense en Amok - et l’autre. Quelle est la plus humaine des deux ?

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