Ici on tente de s'exercer à écrire sur l'architecture et les livres (pour l'essentiel). Ça nous arrive aussi de parler d'art et on a quelques humeurs. On poste quelques photos ; celles qu'on aime et des paréidolies. Et c'est évidemment un blog qui rend hommage à l'immense poète et chanteur Léonard Cohen.
vendredi 2 juillet 2010
Quoi de neuf ? Bréhat !
Arrivée à marée haute, donc à la cale N°1 du Port Clos. Le soleil est bien présent, à peine voilé. Premiers jours de juillet ; la vedette livre son lot modeste de vacanciers - résidents et touristes de passage - sur le quai minéral où les anneaux métalliques flambants neufs ont un petit côté "m'as-tu vus" que leurs prédécesseurs chenus, dont la silhouette reste encore profondément inscrite dans la pierre, auraient détesté. Je regarde à tribord, un peu en contrebas sur le sable humide encombré de goémons, le fantôme du requin-pèlerin échoué le long du quai sur le dos râpeux duquel nous étions partis en escalade, nous-autres enfants de l'île, sous l'œil goguenard des adultes. C'était il y a près de 50 ans. Un peu plus loin, la plage de mes premières nages a conservé son aspect sans charme particulier. Nous y allions pourtant régulièrement, ma grand-mère et moi ; souvent seuls usagers de ces quelques mètres carrés de sable contaminés par des éclats de galets assassins. Nous y déchiffrions le langage des nuages qui déboulaient par dessus les pins joufflus de la citadelle. Elle tricotait inlassablement des jacquards aux couleurs criardes, assise dans un transat bayadère. Dans cette baie minuscule du Port-Clos (mais tout semble en miniature à Bréhat !) nous avions un matin très tôt, avec mon camarade Thierry, embarqué sur le canot de son père et effectué la traversée en godillant d'une berge à l'autre. Cet acte correspond à mon premier souvenir de liberté. Je revois la rame, comme une lame, se glisser en silence dans l'eau encore noire et les ridelles propager notre délit entre les bateaux encore en sommeil. Notre forfait de liberté fut accueilli par nos pères avec très peu d'enthousiasme.
Au bout du quai, immuables, il y a toujours un hôtel aux volets bleus et un hôtel aux volets rouges. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai toujours perçu cette opposition de couleur, comme une rivalité évidente. Un tracteur équipé d'une remorque attend ce couple de parisiens accompagné de leur fille ; équipage qu'il était difficile de ne pas remarquer sur la vedette : pantalon de toile claire, veste ample, bleue, et Panama pour Monsieur, la cinquantaine performante et accomplie, parée de lunettes en écaille et de mèches grisonnantes ; une robe unie assez chic et quelques bijoux choisis pour Madame, la cinquantaine décolorée ; un chemisier strict et une jupe très large pour la jeune fille, la vingtaine étudiante bcbg.
La maison que l'on nous prête pour quelques jours est accessible par un petit sentier de terre assez raide qui quitte rapidement, et sans regrets, la route principale de l'île. Il y aurait un livre entier à consacrer aux sentiers de Bréhat ; les orgies de plantes, de couleurs et de parfums qui vous font, de part et d'autre du chemin, une incomparable haie d'honneur ; les murets sympathiques couronnés de mousse et de pâquerettes et qui laissent le regard se délecter de jardins extraordinaires ; les murs plus hauts, plus aristocratiques - et peut-être plus parisiens ? - qui masquent d'autres propriétés de rêve, ...
Quelques mètres encore et voilà la maison ; simple avec ces fenêtres mansardées dessinées comme une vague d'ardoise et cette conjugaison heureuse entre modernité et vernaculaire : une structure apparente en béton brut et l'appareillage classique des pierres de granit. Une maison qui respire l'amitié.
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