vendredi 9 juillet 2010

"Krak des ouvriers" ou "Krak des bobos" ?


Dans la présentation du projet de Jean Nouvel pour la remise à flots (immobiliers) de l'île Seguin, il est difficile de retrouver l'élan quasi-sartrien du même Jean Nouvel quelques dix années plus tôt, appelant au devoir de résistance urbain envers la mémoire ouvrière du lieu. Quel programme aujourd'hui sur les 11,5 ha de l'île ? "Ce sera l'Ile-Saint-Louis du XXIe siècle", promet Patrick Devedjian (un visionnaire, parait-il, en matière architecturale). Un programme qui veut "déplacer la culture vers l'Ile Séguin", selon le maire UMP de Boulogne , Pierre-Christophe Baguet (autre visionnaire qui a quitté assez opportunément l'UDF pour l'UMP).
Alors quoi ? On est grincheux ? On aura : une cité musicale, une résidence qui ratisse assez large ("artistes, créateurs, étudiants, actifs et visiteurs occasionnels", ... mon cousin, sa tante et son chien...), un hôtel international, une antenne de la Fondation Cartier, une Fondation pour le fonds d'art moderne de Renault (collection remarquable des années 60 et 70), un inévitable complexe cinématographique et, comme un alibi populaire (parfum de merguez et de barbe-à-papa garanti), un cirque qualifié de "futuriste" qui devrait sentir bon le crottin de cheval, des boutiques et des commerces (le temple, les marchands du temple, et même, peut-être, les renards du même temple !). Ne pas oublier la nature sauvage reconstituée sur les sols dépollués (on l'espère !) avec un travail paysager, mi-serre mi-ouvert, de Michel Desvignes, et une mise en lumière de l'incontournable Yann Kersalé.
Pourquoi ai-je le sentiment diffus que tout ça sent le "Krak à bobos", le prêt-à-consommer, le "all-include", le sans surprises, ... ? Oui, c'est vrai, Jean, t'as oublié : et le Club Méd, 5 tridents +, avec la "baignade Jacques Chirac" dans la Seine (remboursée si pas satisfait)?
Bien sûr, faut voir ; on peut espérer une densification moins banale que sur le Trapèze d'en face où la collection d'objets architecturaux tente de faire oublier l'impérieux souci de "création de valeur" immobilière. C'est vrai aussi que nous aurions pu hériter d'un programme majoritairement de bureaux, forcément HQE, voire à "énergie positive", labellisée. Donc, confiance ; il faut se faire une raison : l'ouvrier est une race en voie de disparition dans nos contrées développées, et le bobo est à tous les étages ! Mais surtout, Messieurs les grands urbanistes : ne pas désespérer Billancourt !

PS : en attendant qu'il ne soit trop tard, vous pouvez toujours aller humer (hummer ?) l'air des jardins ouvriers (des vrais !) de l'extrémité sud de l'île Saint-Germain, à un jet de pierre (de pavé ?) de la future "île industrieuse" (?)

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