mardi 27 juillet 2010

Invisible


L'été a ceci de vertueux qu'il nous redonne du temps. N'est-ce pas d'ailleurs le temps des vacances, de la "vacance" ? Redonner du temps, retrouver cette faculté d'avoir une emprise sur cette horloge diabolique, en prendre - enfin !- la mesure, alors que le quotidien - l'accélération impitoyable du quotidien - en rend son déroulement invisible.
"Invisible", justement, c'est le titre du dernier roman de Paul Auster. La lecture de cet écrivain américain auteur d'une formidable "Trilogie new-yorkaise" (mais aussi de "Tombouctou", de "Mr Vertigo", ou de "Moon Palace"), ne laisse jamais indifférent. Une image qui m'est venue à l'esprit au terme de ma lecture est celle d'un parcours effectué sur un chemin de grande randonnée dans un paysage accidenté et à moitié sauvage. La route (le style) est toujours agréable, mais parfois le décors, la vue, sont moins excitants qu'à d'autres moments du périple. Et puis, il y a toujours, de belles perspectives, des lieux qui surprennent, des émotions indicibles, des stations dérangeantes.
"Invisible" est le récit de plusieurs vies qui se croisent, dans l'espace et dans le temps. C'est l'interrogation sur l'autre ; qui est-il "pour de vrai" ? Plutôt ce type honnête et sincère, ou plutôt un affabulateur, mythomane, dont les fantasmes ont envahi la vie jusqu'à en constituer une nouvelle réalité ?
J'ai personnellement connu un "Rudolf Born" dont on ne savait pas très bien si, derrière une vie chaotique, ne s'en cachait pas une autre, une secrète, comme la seule permanente, mais invisible également.
Bien sûr on peut ne pas apprécier le goût récurrent d'Auster pour l'emploi de termes crus, en particulier dans le domaine sexuel (que ne faut-il pas faire pour bousculer la pudibonderie des américains ?). Mais c'est un livre qui, en final, laisse une impression forte, dérangeante, et la certitude d'avoir poursuivi votre apprentissage de la connaissance : la vôtre et celle des autres.
N'est-ce pas en définitif ce qu'il faut attendre, pour l'essentiel, d'un roman ?

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