mardi 22 juin 2010

Comme la caresse timide des vagues


Il est minuit sur le Pont Neuf. Le vent glisse au-dessus d'une Seine noire et crépue comme le crâne d'un africain. Son souffle disperse les mots évadés des passants dont les ombres fébriles s'enfuient sur les dalles luisantes du pont. Parfois le regard mécanique de l'un d'entre eux semble interroger la nuit à la manière d'un aveugle désorienté. Des refuges circulaires accueillent des couples épuisés qui somnolent contre la pierre dans la lumière malade des réverbères. Sur les façades aristocratiques des immeubles grand-siècle, une fenêtre, une seule, est ouverte sur une indiscrétion ou la promesse d'une vie étrangère. La statue équestre d'Henri IV est accoutrée de néons. Le sceptre est bleu fluo ; quelle tragédie ! A ce spectacle, la colonnade de Perrault reste impassible ;la silhouette muette des toitures du Louvre aussi. Soudain, au pied de la Samaritaine, un feu d'artifices s'enflamme et, simultanément, l'obscurité blessée résonne du tintamarre absurde des sirènes de police. Et ce sac en plastique qui semble agoniser dans une mise en scène grotesque ! Vient jusqu'à moi le bruissement épais du vent dans les arbres posés sur la berge du fleuve, comme la caresse timide des vagues estivales sur le sable de la Côte des Basques.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire