dimanche 16 novembre 2008

A propos de "Syngué sabour Pierre de patience"

Avant-propos :
Les RTT ont du bon, ils (ou elles ?) m'ont permis de lire "Syngué sabour" l'après-midi même de sa nomination, après en avoir fait l'acquisition à la Hune (quel snobisme !) .

L'histoire, qui se passe "quelque part en Afghanistan ou ailleurs", comme l'indique en préface l'auteur, est celle d'une femme musulmane qui veille son mari, allongé sur un matelas posé à même le plancher, gravement blessé d'une balle dans la nuque, et qui va profiter en quelque sorte de cette situation (l'homme est sans aucune réaction, "Maintenant je peux tout faire avec toi") pour enfin parler et livrer tout ce qu'elle a en elle de secrets et de blessures ("Cette voie qui émerge de ma gorge, c'est la voie enfouie depuis des milliers d'année"). Le livre est une sorte de huis clos d'un désespoir qui ne peut conduire qu'à la folie entre cette femme et son mari mourant, dans lequel l'irruption de combattants sauvages et pittoyables ou bien l'histoire sordide d'une tante bannie de tous pour cause de stérilité, renforcent encore ce réquisitoire implacable contre l'homme ivre d'honneur et de religion, sa lâcheté et sa monstruosité.C'est un livre tragique sur la condition de la femme dans certaines communautés. Sans homme, elle est mais n'a pas d'existence ; avec un homme elle existe, mais elle n'est rien.L'auteur dédit ce livre "à la mémoire de N.A. - poétesse afghane sauvagement assassinée par son mari".Je ne serai pas surpris qu'il y ait des réactions violentes contre ce livre ; qui plus est, couronné par le Goncourt.

Une phrase, dont le style est d'ailleurs assez atypique du reste et que j'ai trouvée très belle : "Sous sa peau diaphane, ses veines comme des vers essouflés s'entrelacent avec les os saillants de sa carcasse".
Et une autre qui traduit la violence du propos : "Dès que vous possédez une femme vous devenez des monstres."
Bonne lecture, sans oublier ce que disait Yéhudi Menuhin :" c'est une défaut humain de penser que le groupe auquel on appartient est le meilleur de tous et que les autres ne valent rien".

4 commentaires:

  1. Je viens d'acheter un exemplaire de Syngué sabour, pierre de patience. Je me donne un déali d'un semaine pour le lire et pour te donner mes impressions.
    Gérard

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  2. Excellent roman. Lu en trois heures d'affilée. C'est le rythme qui convient et qui permet de ressentir avec intensité les émotions véhiculées par le livre. Il ne faut pas se poser de questions. Le livre est plein de fausses pistes littéraires, mais qui peuvent être des vraies pistes politiques, philosophiques, psychanalytiques, que sais-je encore ? Après tout le réel n’est-il pas source d’une multitude de sens et d’interprétations qui se superposent ou s’entrelacent.
    Mais précisément le rôle de la littérature de la vraie… c’est de nous faire sentir, de nous révéler, par les sens, et non par la raison, cette diversité extrême de la vie et des êtres humains ? A cet égard, Syngué sabour est une vraie œuvre littéraire.
    Pour le reste, à chacun sa vérité, comme dit l’Autre.
    N’est pas d’ailleurs le sens profond de cette pierre noire issue des cultes préislamiques et qui est aujourd’hui un des éléments de la Ka’aba ? Dans le roman la femme substitue la pierre noire, la pierre de patience, à son mari moribond. L’un et l’autre, le minéral et le vivant, ont ici la même fonction que le néant. Ce qui importe chez cette femme c’est la parole, c’est sa parole, c’est par elle qu’elle existe, même si personne ne l’entend. Elle exprime sa vérité. Mais sa vérité, tout le monde s’en fout, même nous, même la mouche qui git sur le kilim. Alors lisons, lisons…jusqu’à plus faim !

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  3. Bien tes commentaires ! Excuse moi pour mon manque d'assiduité, mais la vie professionnelle !........
    J'aurais aimé parler avec toi de ce livre. Il faudrait sans doute que je le relise, voir que je "l'étudie". Certains livres sont comme le très bon vin : on ne peut pas les boire vite en solitaire, il faut les déguster entre amis.
    Une de mes soeurs a été très choquée par sa lecture à en faire une insomnie. Cette sorte d'univers carcéral que cette femme décrit et la fin tragique l'ont épouvantée ! Une de mes amies m'a dit qu'il avait un style "juste" et, étant d'origine persane, a entendu cette femme parler en persan ! Tu me troubles avec tes "pistes", les fausses, les vraies. C'est complexe.
    Je suis OK avec toi sur le rôle de la littérature, et plus particulièrement du roman : connaître les autres, soi et la marche du monde.

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  4. Crois-tu que ton horloge est OK ?
    Je lis actuellement "Dans la nuit mozambique" de L. Gaudé et c'est plutôt bien ; morbide, mais bien.
    J'ai lu "l'inédit" de Stephan Sweig. Il y a de très belles phrases et encore une situation où l'homme n'est pas brillant !

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